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Blog

Dernière croisière de la frégate Primauguet

La fin du Primauguet

Le 12/01/2019

       Lundi matin, 7 janvier 2019, la frégate Primauguet a appareillé de Brest pour sa dernière mission. Elle la mènera à Saint-Pierre et Miquelon, New-York, Ponta Delgada et Casablanca. Retour à Brest vers le 20 mars pour désarmement.

       Ainsi c’est la fin de ce navire, j’ai vu sa naissance. J’étais le dernier chef de chantier de sa construction à la DCAN de Brest et, en 1986. J’ai participé à la traversée de longue durée (TLD) entre Newport News et Québec. Pour moi c’est un camarade qui va disparaître, à 32 ans.

        C’est à peu près le temps que j’ai passé sur des navires en réparation ou en construction. Les pieds sur la ferraille, les mains sales dans des machines surchauffées, les oreilles fracassées par la cavalerie des diesels, penché sur des plans maculés, avec des ouvriers, des marins, pour soigner les mécaniques rebelles. J’ai aimé ce temps.   

        La corvette anti-sous-marine Primauguet, promue frégate pour cause d’exportation, poursuit la tradition d’excellence des destroyers français. 4 000 tonnes, 136 m de long, 14 m de large, 5,75 m de tirant d’eau. Elle peut monter à 30 nœuds en 3 minutes sur ses turbines à gaz (2 TG Rolls-Royce totalisant 52 000 chevaux). Distance franchissable sur les diesels, 9 500 nautiques. L’équipage est actuellement composé de 230 marins dont 30 femmes. Son armement comporte un canon de 100, 4 missiles Exocet, un système Crotale (18 missiles en réserve), 2 catapultes lance-torpilles et deux hélicoptères.

        Primauguet est le nom francisé d’Hervé de Portzmoguer, avec qui j’ai vécu un an. Le temps d’écrire sa vie tourmentée, d’aventures, de gloire et d’amour peut-être, de la petite boiteuse Anne de Bretagne. On sait la fin glorieuse du capitaine de Marie la Cordelière, le 10 août 1512 au large de la pointe Saint-Mathieu quand il se fait sauter avec le navire anglais le Regent . Maudits Saozon ! (Portzmoguer, un corsaire au service d’Anne de Bretagne, chez Yoran Embanner). On cherchera encore cet été l’épave de la Cordelière, dernier navire de la Bretagne indépendante, Maro evit ar Vro.

Machiavel, ou comment conquérir le pouvoir et le garder

Les leçons de Machiavel

Le 03/01/2019

       En 1498 Machiavel est élu Secrétaire de la République de Florence, c’est-à-dire chef du gouvernement. Il tirera de son expérience un livre, Le Prince, qui est un manuel de politique ‟pure” : comment conquérir le pouvoir et le garder. Rien d’autre. Nos technocrates actuels qui croient tout régenter à coup de règlements, sans se préoccuper de ceux qui auront à les appliquer ou qui les subiront, oublient sa leçon : « Les hommes sont généralement ingrats, changeants, dissimulés, timides et âpres au gain. Tant qu’on leur fait du bien, ils sont tout entiers à vous […] mais si l’occasion se présente ils se révoltent contre vous. » Voici quelques citations tirées du Prince paru en 1515. M. Macron devrait peut-être le relire.

       « On ne doit jamais laisser subsister un désordre pour éviter une guerre ; vous ne l’éviterez pas, vous ne faites que la différer à votre grand désavantage. »

       « Les offenses doivent être faites toutes en une fois, afin qu’elles blessent moins longtemps ; mais les bienfaits doivent se verser petit à petit et un à un, afin qu’on les savoure mieux. […] Si c’est en mal que vous avez à agir, vous n’êtes plus à temps, du moment où la fortune vous est contraire ; et, si vous employez le bien, on ne vous sait pas gré d’une amélioration que vous apportez sous la contrainte. »

        « Les hommes, il faut l’avouer, oublient plutôt la mort de leurs parents que la perte de leur patrimoine. D’ailleurs, il se présente tant de tentations de s’emparer des biens, lorsqu’une fois on a commencé à vivre de rapines ! »

        « Il est sans doute très louable pour un prince d’être fidèle à ses engagements ; mais parmi ceux de notre temps qu’on a vu faire de grandes choses, il en est peu qui se soient piqués de cette fidélité, et qui se soient fait un scrupule de tromper ceux qui croyaient en leur parole ; et les autres, qui ont procédé loyalement, s’en sont toujours trouvés mal à la fin. »

       « Dans nos états modernes, c’est du peuple qu’il faut mériter l’affection, car il est le plus fort et le plus puissant. »

        « Ceux qui sont parvenus par la faveur du peuple, doivent rechercher la cause et les motifs de cette bienveillance. Si c’est par haine du gouvernement ancien, plus que par l’intérêt qu’inspire le Prince, il lui sera malaisé de se maintenir dans l’affection de ses sujets, par la difficulté de les contenter. »

        « Les princes doivent honorer les talents et protéger les arts, principalement le commerce et l’agriculture. Il leur importe surtout de rassurer ceux qui les exercent contre la crainte d’être surchargés d’impôts. »

       « Il n’est rien de plus difficile que de changer à propos de conduite et de caractère, soit parce qu’on ne sait résister à ses habitudes et à ses penchants, soit parce qu’on ne peut se résoudre à quitter une route qui nous a toujours bien conduits. »

        « Le souverain, bien loin d’être le maître absolu des peuples qui sont sous sa domination, n’en est que le premier magistrat. »

De l'art, asiste-t-on à la fin de l'art ?

De l'art

Le 13/12/2018

      Il est temps de parler de l’art. Pourquoi ? Parce qu’il pleut de la tristesse et de la stupidité. L’art est le refuge de l’humain. Il représente le plaisir sans le désir de possession et de domination. Je ne parle pas ici de l’art qui est une manière déterminée de faire les choses, un métier, mais des Beaux-Arts, ceux que pratiquent les artistes.

      Qu’est-ce que l’art ? Je dirais que c’est un discours. L’art en soi n’existe pas. Il se met à vivre quand on regarde, écoute, touche, sent, goûte la production de l’artiste. Et qu’on en parle, à soi-même éventuellement. L’évocation de l’art fait l’art. Ne dit-on pas : « Ce tableau ne me dit rien » ? Je crois plutôt qu’on n’a rien à dire en le regardant. Pas de discours, pas d’art.

      Le premier discours est imprimé dans l’œuvre par l’artiste. Dans sa tête bouillonnent les idées qui guident sa main. Le second est celui de l’amateur qui fait le chemin inverse et a peu de chance d’y parvenir, sauf dans le cas où l’artiste explique lui-même sa démarche. L’art conceptuel le démontre par l’absurde : prenez une chaise, (ne vous asseyez pas malheureux !) sa photo et une affiche portant sa définition dans le dictionnaire, vous obtenez une œuvre de Joseph Kosuth. Humoristique ? impossible de le savoir, sauf si vous demandez le prix. S’agit-il d’une supercherie ?

      Tant que l’œuvre représente un sujet identifiable ou expressif, le discours repose sur quelque chose d’artistique, l’artiste dans sa grande fantaisie y glisse souvent une provocation, une supercherie, une allusion, une allégorie, que ne saisira pas le vulgum pecus. Le détournement de l’image a été de tout temps un procédé artistique. Michel-Ange ne met-il pas profusion de sexes et de fesses au plafond de la chapelle Sixtine ? Le peintre, torturé par son homosexualité, y trouve peut-être une certaine catharsis mais il se moque sournoisement du pape Jules II qui lui a passé commande.

      Watteau, Fragonard et bien d’autres, excellent dans la suggestion. Une pomme discrètement posée sur une table, un petit bouquet tombé à terre, des draperies rouges évoquant un sexe, en disent plus sur l’amour, la défloration, le désir que les nus anatomiques des pompiers du dix-neuvième siècle.

      Au Louvres, devant le Concert champêtre du Titien, une grosse dame près de moi dit : « Je ne mettrais pas ça dans mon salon, c’est trop osé. » On y voit dans un paysage idyllique, deux bergères grassouillettes, nues et deux musiciens habillés qui ne les regardent même pas. Le sujet paraît parfaitement chaste pour l’amateur d’art mais le thème du tableau est bien la célébration de la chair dans l’harmonie naturelle. Manet le comprendra et provoquera la réprobation générale avec son déjeuner sur l’herbe qui en est crument inspiré. Madame tout le monde avec sa franche naïveté a bien saisi le sens du Concert champêtre. Le connaisseur parfois s’égare, son discours peut perdre de vue et dépasser les intentions de l’artiste.

     Mais si c’était l’artiste qui allait trop loin, avec le soutien des galeristes, des critiques, des collectionneurs millionnaires et même de l’état qui subventionne ? S’il ne reste plus que la supercherie peut-on encore parler d’art ? Exemples d’art contemporain : l’emballage avec des bâches et des cordes de monuments (Christo), vitrine de magasin de souliers avec prix (Don Eddy), tas de charbon (Bernar Venet)… L’auteur du tas de charbon précise : « Le charbon librement posé en tas, libérait la sculpture des a priori de la composition imposée par l’artiste. » Discours, toujours discours, ne resterait-il que ça ?

      Allons encore plus avant : le plug annal vert, intitulé Tree de Paul McCarthy, érigé place Vendôme ou la Merde d’artiste (une boîte de conserve contenant 30 grammes de la merde de Piero Manzoni, vendue récemment 182 500 livres), enfoncent L’origine du monde de Gustave Courbet dans la préhistoire de la provocation.

      Quand une toile ripolinée unie blanche de Cy Twombly peut se vendre 2 millions de dollars, on peut se demander si la défiscalisation des œuvres d’art n’a pas quelques effets pervers. Le tas de charbon signe la disparition de l’artiste, le tableau blanc la disparition de l’œuvre et enfin, le tableau créé par un logiciel d’intelligence artificielle (vendue 432 500 dollars par la maison Christie à New York), scelle la fin de l’un et de l’autre. Restent les richissimes amateurs, qui verront sans doute leurs investissements s’évaporer prochainement avec la fin de l’art.

      Le dernier mot reste à Louis Althusser : selon lui, c’est le cadre même où elle est présentée (musée, galerie…) qui assigne à l’œuvre son statut d’objet d’art. Un philosophe peut donner de la profondeur à n’importe quelle sottise. Quel talent !      

Le Roi Bobo régnait sur le pays Bougon.

Le roi Bobo

Le 02/12/2018

Le Roi Bobo

Régnait sur le pays Bougon,

Au pied des falaises de marbre.

Il était jeune, il était beau,

Bien plus cultivé que ses sujets.

Et plein de bonne volonté.

Il n’avait qu’un défaut,

Il était un peu sourd.

Il confondait facilement les rugissements du lion

Avec le chant des cigales.

Dans la savane désolée,

Brûlée par un réchauffement venu d’ailleurs,

Le peuple du totem au casque ailé

Réclamait plus à manger.

Le Roi Bobo répondit :

« Mangez-vous les uns les autres »

Suivant la doctrine qu’on lui avait enseignée

À l’école des Rois bobos.

Mais le peuple de la savane

Était justement celui qui était mangé

Et n’avait plus personne à dévorer.

Alors le Roi Bobo se mit à la tête de sa tribu

Et se mit à marcher.

Sous ses pas, l’herbe reverdissait,

Les zébus donnaient du lait

Les lions fièrement, apportaient la paix,

Les abeilles faisaient leur miel

Et les frelons retournaient benoîtement en Asie.

Cependant, le royaume du Roi Bobo,

Plus fier que riche,

Vassal de plus fortunés que lui,

Était tout petit.

Quand il eut fait le tour de sa case,

Le Roi Bobo rentra chez lui, satisfait :

« Pour organiser la prospérité

Il faut généraliser la misère.

Tout ira de mieux en mieux,

Les vieillards iront travailler,

Les jeunes ne perdront plus leur temps

En études inutiles,

Et les laborieux seront récompensées. »

Alors la confiance dans le Roi Bobo,

Fléchit un peu chez les Bougons.

Le peuple lui fit cadeau

D’un appareil auditif doré

(C’est bien le moins pour un Roi)

Qu’il ne sut pas utiliser…

 

Et toujours le chant des griots montait le soir,

Désespéré, triste et menaçant,

Dans la fumée du feu de pneus allumé sur la grand’ place.

Mais Bobo n’entendait pas

La voix des Bougons.

Histoire et symbolique du jaune

Jaune

Le 21/11/2018

      Les gilets jaunes qui sèment la pagaille sur les beaux ronds-points de France, ont-ils réfléchi une minute sur la signification de la couleur de leur chasuble ? Ils pensent sans doute qu’ils n’ont pas le choix et que ça importe peu. Contrairement au rouge qui est la couleur hautement symbolique du sang, le jaune manque de franchise. C’est la couleur du pus et de l’or.

      Historiquement le jaune est la couleur de la réaction. Isabelle de Castille jure de ne pas changer de chemise avant que son mari Ferdinand d’Aragon ait pris la ville de Grenade. Après huit mois de siège sa chemise a pris cette couleur indécise qu’on nomme isabelle. Rares sont les partis politiques et les syndicats qui se réclament du jaune. En 1905 le Syndicat professionnel des ouvriers de l’arsenal de Brest, d’obédience antisocialiste, rejoint la ‟Fédération des jaunes” dont la devise est ‟Patrie Famille Travail” (qui sera reprise dans un autre ordre avec le succès que l’on sait). Un ouvrier qui ne fait pas grève, peut retrouver le soir, son vélo entièrement repeint en jaune. C’est le moins qui puisse lui arriver.

      Le jaune est l’infâmante couleur du gonfanon du Chevalier félon Ganelon. Le turbotrain Paris Granville, peint en jaune, qui amenait le week-end, les cadres parisiens visiter leur femme en vacances sur la côte, était surnommé le train des cocus.  En 1215, les Juifs sont contraints de porter en France la rouelle jaune, sur les injonctions du concile de Latran. L’étoile jaune lui succèdera en 1941. Le passeport des bagnards libérés était jaune ainsi que celui des prostituées. La robe des faux-monnayeurs conduits au bûcher, était couleur de l’or qu’ils avaient corrompu.

      Le jaune est malade, les nouveaux nés ont souvent la jaunisse (prélude symbolique des renoncements peu glorieux, qu’ils auront à faire durant leur vie de compromissions). Le foie défaillant donne des yeux jaunes, comme ceux des crocodiles.

      Mais le jaune est aussi glorieux. Couleur de l’Empereur de Chine, s’en vêtir était une forfaiture punie de mort. Porter le maillot jaune est le sommet de la gloire pour un coureur cycliste mais il sera toujours soupçonné de dopage. Après le petit écart fiscal présumé de Carlos Ghosn, il faudra peut-être abandonner la couleur jaune emblématique de Renault, premier constructeur mondial d’automobiles. Sur les blasons et les drapeaux, le jaune est dit ‟or”, symbole de droiture et de pureté qui est, comme on le sait, le propre des relations internationales.

      Le jaune est visible de loin d’où l’utilité de cette couleur pour les innocentes boîtes aux lettres et les gilets des manifestants. Visible de loin ne signifie pas vision d’avenir. La politique est la voie vers un futur meilleur mais, comme dirait à peu près saint Thomas (Jean 14,1-12) : « Comment connaîtrions-nous le chemin si nous ne savons pas où on va. »

      Plutôt que de barrer les routes, bourré de bienveillance et sans espoir, j’irais voir Emmanuel Macron et je lui dirais : « Un cachou M. le Président ? » Un cachou Lajaunie évidemment.

      C’est ce qu’on appelle faire un geste en politique.

Un miroir grossissant peut mettre le feu à la maison

Le rayon ardent

Le 02/11/2018

     En allant me coucher l’autre soir, je remarque sur une chaise rembourrée et tapissée de velours, un grand trou noir. Je suis sidéré. Une brûlure profonde de deux ou trois centimètres et longue de cinq ou six, troue la mousse et le tissu. J’appelle mon épouse pour constater les dégâts.

     – Mais... dit-elle, stupéfaite.

     – Je dis comme toi, je réponds.

     Quel phénomène a pu provoquer cette brûlure ? Dans la maison personne ne fume, aucune flamme, tout est électrique, la cuisine est équipée d’une plaque à induction. Rien ne chauffe, même pas les radiateurs car, bien que nous soyons fin octobre, il ne fait pas encore froid. Ça ne peut venir que de l’extérieur. Nous passons en revue les causes possibles. La fenêtre était restée entrebâillée toute l’après-midi, un soleil radieux avait mis une belle lumière d’automne sur les murs de la chambre.

     C’est toujours de la faute des autres, tant qu’on n’est pas convaincu du contraire. Un avion ou un satellite a laissé tomber quelque chose d’incandescent qui a pénétré par la fenêtre. Presqu’impossible car la chaise n’était pas devant l’ouverture et je vois mal un mégot jeté dans les toilettes d’un avion, parvenir sans s’éteindre jusqu’à notre chambre. Et je ne crois pas qu’on ait le droit de fumer dans la station spatiale internationale.

     Ou alors, les ouvriers occupés sur les toits des maisons voisines à ramoner les cheminées, ont projeté quelque scorie brûlante, qui est entrée par la fenêtre pour agresser notre pauvre chaise. Je ne constate aucune trace de scorie. Le mystère s’épaissit. Des travaux chez les voisins ? Des élagueurs ? De la foudre en boule ? Ça c’est une belle hypothèse, mais la foudre en boule est un phénomène rarissime, surtout quand il fait un temps splendide. Et là, ce serait vraiment une petite boule, un peu mesquine. Il ne nous reste plus qu’à nous coucher, en ruminant des scénarios de plus en plus catastrophiques au fur et à mesure que la nuit avance. Je rêve aux stigmates apparus sur le bras de sœur Marie-des-sept-douleurs en 1878, des traces de brûlures à jamais inexpliquées.

      Nous nous réveillons tard, presque étonnés que la maison ne soit pas en flammes. La brûlure de la chaise est toujours là, mystérieuse, inexplicable, inquiétante. La fraîcheur matinale éclaircit les idées. Sur la commode près de la chaise, est posé un miroir sur pied à deux faces. L’une plane pour un reflet réaliste sans pitié et l’autre concave pour grossir les défauts du visage, jusqu’à faire peur. Une idée surgit, Eurêka ! Toutefois, je ne me précipite pas tout nu dans la rue comme Archimède. Le miroir grossissant placé devant la fenêtre a pu renvoyer les rayons du soleil sur la chaise, comme les réflecteurs paraboliques du savant grec, qui incendièrent les vaisseaux romains devant Syracuse.

      Vérification faite aussitôt. La face concave concentre les rayons du soleil comme une loupe. À un mètre du miroir, il est impossible de tenir la main plus de quelques secondes au foyer de la parabole. La chaleur est largement suffisante pour enflammer un morceau de papier ou pour consumer une mousse ou un tissu inflammable.

      Amis qui ôtez vos points noirs devant un miroir grossissant, pensez à ne jamais le laisser face au soleil. Il pourrait diriger un rayon ardent sur les rideaux ou les objets alentour et provoquer ainsi un incendie catastrophique. On le sait depuis vingt-trois siècles environ et moi je l’ignorais.

Recueil de nouvelles de la Gidouille : En costume d'huîtres

En costume d'huître

Le 22/10/2018

        Pour ma deuxième participation au recueil de nouvelles annuel de la Gidouille, intitulé cette année ‟En costume d’huîtres”, je livre une nouvelle inspirée de la photo d’un vélo couvert de coquilles d’huîtres. Titre : ‟Le raidillon”.

       Mon petit-fils de quatorze ans m’avait demandé d’écrire sa biographie. J’ai reculé devant ce travail considérable. Je me suis contenté de le faire figurer dans cette nouvelle où je tente d’expliquer, entre-autres choses, son horreur de la pratique du vélocipède :  

       C’est la bicyclette qui raconte. Une jeune et jolie institutrice vivant seule au Conquet avec son fils (elle s’appelle Paulette évidemment) va travailler à vélo. Elle rencontre un jeune homme sur le chemin de l’école mais le marlou ne plaît pas à la bicyclette, qui fait tout ce qu’elle peut pour faire échouer leur liaison. Exaspérée la femme jette la bicyclette à la mer… Et tout finira bien, peut-être.

       Le recueil comprend une vingtaine de nouvelles savoureuses à base d’huîtres et une saynète non moins délectable.

         On peut commander le livre en librairie ou chez l'éditeur : La Gidouille. 

Fable des deux théières

Les deux théières

Le 01/10/2018

Deux théières en faïence voisinaient sur une étagère,

L’une blanche et française

L’autre rouge et japonaise.

Sur l’une était marqué ‟Thé”,

Sur l’autre figurait un idéogramme rond.

Elles ne se parlaient pas n’ayant pas langue commune.

Les fantaisies de la maîtresse de maison

Les plaçaient tantôt bec à bec, tantôt anse contre anse.

Ainsi bouche à bouche ou bras dessus bras dessous,

Façon de parler bien sûr,

Les théières n’ayant ni bouche ni bras.

En eussent-elles eu qu’elles n’en auraient pas profité

Car elles ne s’aimaient pas.

Cependant un jour, que la Japonaise était chaude,

Ayant récemment servi le thé, la Française lui dit :

« Fukushima ! » L’autre vexée répondit :

« Nagasaki ! » preuve de sa méconnaissance de l’histoire,

Les théières françaises n’ayant jamais bombardé le Japon.

Elles en restèrent là pour cette fois.

Le lendemain matin, à son tour, la Française était chaude

(Elle est commise au petit déjeuner).

La Japonaise dit, méprisante,

Si tant est qu’une théière puisse être méprisante :

« Fugu ! »

La française qui n’ignorait pas que le fugu est un poisson,

Répliqua : « Morue ! »

Ce qui cloua le bec de l’étrangère.

Poisson poison contre poisson salé,

Ainsi allait la vie sur l’étagère.

C’était sans compter avec le remue-ménage

Périodique dans la cuisine.

Voici maintenant que la fière théière japonaise

Est suivie de quatre petites tasses,

Rouges comme elle,

Et marquées du même idéogramme.

Ses filles. Sur l’étagère !

La théière française n’avait pas de progéniture,

À sa connaissance du moins,

Car elle ne savait point

Comment se fabriquent les tasses à thé.

Elle n’en était que plus marrie.

Bien alignées derrière leur mère,

Comme des petits canards pédalant dans la mare,

Les quatre tasses japonaises jacassaient dans l’aigu,

Et en japonais.

Ce qui est fort désagréable

Pour une théière née à Limoge.

A qui se plaindre se dit la Limougeaude ?

Le Dieu de la vaisselle est sourd

(Ne dit-on pas sourd comme un pot ?)

« Je peux le remplacer »

Murmura une voix noire.

Le couvercle de la théière sursauta :

« C’est qui ? – C’est moi ! – Qui moi ? – Moi la cafetière,

Je suis derrière toi.

– Moi aussi, dit une autre voix.

Blanche cette fois, je suis le pot à lait.

– Et moi et moi ! » Criaient d’autres voix :

Le beurrier, le pot à olives, le bocal à cornichons (avec sa cuiller en bois), le sucrier…

– Aidez-moi, supplia la théière.

– Nous sommes derrière toi, clamaient-ils en cœur. »

Mais personne ne bougeait,

La vaisselle étant peu ingambe

Comme chacun sait.

Tout à coup, un léger tremblement de terre

Ébranla l’étagère,

Qui bascula.

Le maître de maison peu prévoyant,

Bricoleur paresseux,

N’avait pas tenu compte de la tectonique

Incidente de la faille sud armoricaine.

Le petit monde international des faïences

Se retrouva sur le carrelage de la cuisine,

En morceaux, tous débris mêlés.

Moralité :

Vous pouvez haïr vos voisins

En toute tranquillité,

Vous finirez tous mélangés.

En poussières d’étoiles.C’est certain !