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génétique

Crane de neandertalien

La gamine de Denisova

Le 29/08/2024

La gamine de Dénisova

       En ce temps-là, il y a environ 50 000 ans, une adolescente de douze ou treize ans est morte dans une grotte du massif de l’Altaï en Sibérie. Elle ne se doutait pas probablement, que sa disparition allait déclencher une révolution. Et que la dernière phalange de son petit doigt (c’est tout ce qu’il reste d’elle) révèlerait en 2010 une nouvelle espèce d’hommes préhistoriques, contemporaine des Néandertaliens et homo sapiens. On l’a appelée Homo denisovensis du nom de la grotte où on l’a trouvé.

      On peut se demander s’il s’agit réellement d’une révolution. L’évolution buissonnante du genre homo laisse supposer que de nombreuses espèces n’ont pas encore été découvertes. Quand on parle d’espèces il faut entendre plutôt morpho-espèces car elles sont fécondes entre-elles. À la différence de l’âne et du cheval, espèces différentes car le mulet ou le bardot sont infertiles.

      Quel lupanar dans les grottes ! Tout le monde couche avec tout le monde, les dénisoviens, les néandertaliens et les sapiens se mélangent, chacun apportant des avantages génétiques permettant de s’adapter à la nourriture disponible, à l’altitude, au froid, aux maladies du climat tropical… Ainsi sapiens et néandertaliens peupleront l’Europe et sapiens et dénisoviens l’Asie (je simplifie). Les alliances néfastes élimineront les malchanceux. Restent les mieux adaptés. Le premier métis connu est une fille de 90 000 ans dont le père était dénisovien et la mère néandertalienne.

      La véritable révolution est le mode de découverte des dénisoviens à partir d’un os minuscule. Une nouvelle forme humaine était identifiée à partir de son ADN, non pas par ses fossiles mais par ses gènes dont on retrouve partout la trace, surtout en Asie. La génétique apporte aussi la preuve que sapiens et néandertaliens pouvaient se reproduire entre eux (il y a quinze ans les scientifiques croyaient avoir prouvé le contraire).

      La gamine dénisovienne était plutôt jolie. De loin elle ressemblait à sa robuste cousine néandertalienne mais son visage sans menton était plus plat et plus large, les arcades sourcilières ne se rejoignaient pas au milieu du front comme celles des néandertaliens. Son crâne en forme de ballon de rugby (de capacité supérieure à la nôtre) semble porter des lunettes de moto avec ses orbites presque carrées et ses arcades sourcilières bien séparées. Qui sait si en la voyant dans la rue aujourd’hui, on ne la prendrait pas pour une touriste chinoise un peu costaude.

      On trouve moins d’outils en pierre en Asie qu’en Europe car l’usage général du bambou permettait de limiter la taille fastidieuse des galets. En revanche on trouve des traces d’utilisation du feu depuis 800 000 ans ! La domestication du feu attestée, daterait de 400 000 ans environ. La cuisson des aliments a accéléré l’évolution. L’économie sur l’énergie de digestion a profité au cerveau, le système digestif a diminué de 40 % (par rapport aux primates) quand la capacité crânienne augmentait plus vite que la stature. Notre gros cerveau est dû à la cuisson des aliments (les crudivoristes ne sont pas pour cela des imbéciles). La gamine dans sa grotte devait appliquer des recettes de cuisine, on a la preuve que certains dénisoviens cuisait le poisson à l’étouffée. Les chasseurs-cueilleurs mangeaient tout ce qu’ils trouvaient, parfois des choses peu ragoutantes. La cuisine chinoise en garderait-elle la mémoire ?

     Nous avons en nous 1,8 à 2,6 % d’ADN néandertalien et les Extrême-Orientaux portent de 1 à 5 % d’ADN dénisovien. L’avenir de l’espèce humaine serait-il dans le mélange ?

       Lire “L’énigme Denisova” de Silvana Condemi et François Savatier chez Albin Michel.