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intelligence

Bonheur

Bonheur

Le 11/02/2021

Parfois je ne sais plus que lire. J’ai pris au hasard dans la bibliothèque de mon fils, un livre de poche délabré : L’âme d’Elsa Triolet. Je l’avais sans doute déjà lu. Mais cette fois, j’y ai découvert une pensée délicate que je peux mieux comprendre aujourd’hui. Quand elle parle du bonheur, je me crois en union avec elle :

« Le bonheur a mille visages, il peut visiter les vieillards, les estropiés, les monstres, les obèses. Il faut savoir le reconnaître… D’ailleurs qu’est-ce que le bonheur ? Cherchez dans votre vie, ce ne sont jamais que de courts instants, des éclairs… Un revoir, une réussite, un mal disparu… C’est une explosion, un instantané, un plat parfois longuement cuisiné et vite mangé, jamais un long sentiment continu. Le bonheur est relatif, il est par rapport à… »

 

J’avais écrit ceci il y a quelques temps, dans L’ombre du désir et autres nouvelles (éditions Itinéraires) :

« Qui n’a ressenti un jour, une sensation de bonheur apparemment sans raison ?  Malgré des difficultés préoccupantes, des malheurs, des peines, voilà que tout à coup je me sens heureux, pourquoi ? L’herbe sous mes pieds, l’oiseau qui s’envole à travers les branches avec un bruit d’applaudissements, une odeur de fougère soudaine et je suis transporté ailleurs, dans un monde virtuel où je suis heureux. Ça ne dure pas. Les mots, ce sont les mots qui me transportent. J’ai dit fougère, j’ai pensé à mon enfance car j’ai joué enfant dans des friches où je construisais des cabanes tressées de fougères-aigle à l’odeur puissante. J’ai entendu un pigeon s’envoler, j’ai pensé applaudissements. Je salue un public imaginaire qui m’aime et m’admire. Folie ! Et l’herbe appelle les pieds nus. Nu, ce mot si court a le bras long ! Ce bonheur que je viens de ressentir, il était en moi, latent, mais il vient des limbes de l’intelligence, où sont imprimés des odeurs, des bruits, des sensations. Toute ma vie peut-être.

Pourquoi pleure-t-on quand la cantatrice chante ? Nous ne comprenons pas ses mots mais l’aria nous déchire. La musique était en nous, cachée, elle s’extirpe de l’âme, en larmes délicieuses, libérées du carcan de la pensée. On est rarement aussi ému par une musique qu’on entend pour la première fois. »

Le bonheur c’est bien autre chose que le plaisir. J’en parlerai une autre fois.