De la maréchaussée
La moustache faisait le gendarme. Du haut de son cheval, noblement coiffé de son bicorne, sabre au côté, le gendarme en imposait d’autorité virile, incontestable. Une guerre de la moustache eu lieu en 1832. Le ministre de la guerre dans sa toute-puissance, imposa à tous les militaires le port de la moustache mais les gendarmes en furent privés. Tollé, grogne, indignation. Il fallut le maréchal Soult pour leur rendre justice et rétablir le poil obligatoire sur la lèvre supérieure des gendarmes en janvier 1833. Ils l’ont gardé jusqu’en 1933 où enfin elle ne fut plus qu’optionnelle (envisageait-on déjà la féminisation ?).
La maréchaussée, héritière des archers du Chevalier du guet, fut finalement supprimée à la révolution. Elle évoquait sans doute trop de mauvais souvenirs pour les révolutionnaires. La gendarmerie moderne fut instituée. Son rôle principal, outre le maintien de l’ordre, était de surveiller les armées, chasser les déserteurs pour les ramener au combat et rechercher les insoumis (conscrits qui cherchent à échapper à l’armée). Le commandant Parquin conte qu’un gendarme l’a arrêté alors qu’il se retirait de la ligne, une balle lui ayant traversé la figure à la bataille de Ciudad Rodrigo en 1811. Plus modestement, je fus interpelé par un gendarme maritime à la porte Castigneau de l’arsenal de Toulon en 1967, pour porter des socquettes noires avec un uniforme kaki (au lieu des socquettes assorties).
En temps de paix, la police hors des villes leur est confiée. La différence principale entre un militaire et un fonctionnaire, c’est que le militaire tire sur ordre quand le fonctionnaire ne peut faire usage de son arme qu’en légitime défense. Autant dire qu’aujourd’hui le statut de militaire des gendarmes n’a plus de justification (pas plus que leur désastreux logement en casernes). La surveillance de la couleur des chaussettes et de la délinquance des militaires peut se régler dans le cadre général de la police.
L’Europe demande instamment à la France de supprimer l’usine à gaz de la gendarmerie, coûteuse et sous employée. Un premier pas a été fait en la rattachant au ministère de l’intérieur mais aucune économie ni simplification n’en résulte, bien au contraire. Doublons et rivalités persistent (et ne parlons pas de la police municipale).
La pusillanimité de nos gouvernants (ou l’électoralisme) conduit à limiter les réformes de productivité, forcément impopulaires. Supprimer la gendarmerie, quel tsunami ! Enfin la simplification et les économies sont impossibles, si on prend pour principe de créer un nouvel organisme (et des lois) à chaque problème qui se présente, fut-il ponctuel. La ministre de l'Agriculture propose la création d'un "Conseil d'orientation pour la protection des cultures" quand les agriculteurs répandent du fumier à la porte des préfectures. On se demande ce qui est le plus propre à régler les problèmes de nos paysans.
Le panorama de l’administration française ressemble à un tableau de Jérôme Bosch, c’est beau, inventif, foisonnant, mais ça fait peur. Et c’est très cher !