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Profiter

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Profiter

Le 20/06/2021

Encore un verbe d’usage courant, non pas dévié de son sens premier, mais utilisé abusivement. « Voilà les vacances, je vais bien profiter de mes petits-enfants.»

Profiter : tirer un avantage matériel ou moral de… (Larousse 2011) Ou encore : tirer un gain ou de l’avantage de quelque chose // rapporter du profit // servir, être utile //faire des progrès // se dit de la nourriture dont le corps tire avantage… (Littré)

Profiteur, euse : personne qui cherche à tirer un profit ou un avantage abusif de toute chose, notamment du travail d’autrui (Larousse 2011). Ou celui ou celle qui tire profit de la peine ou du travail des autres, péjoratif (Littré).

De ces deux définitions, il s’en suit que n’est pas obligatoirement un profiteur, celui qui profite de quelque chose. Sauf si ce profit est abusif. Il ne serait donc pas immoral de profiter de ses petits-enfants. Cependant la formule est douteuse.

« Je vais en vacances à Cherbourg, pour bien profiter du soleil ! » Même si c’est difficile à Cherbourg, profiter du soleil n’est pas abusif. Le verbe profiter est donc idoine dans ce cas. Quand on dit : « Je vais profiter de ma belle-mère cet été » on ne pense pas au plaisir qu’on va tirer de son physique avantageux, de sa présence envahissante et de sa conversation acide, mais bien à lui soutirer des avantages ou de l’argent, en authentique profiteur.

Mais profiter des enfants, des amis, des circonstances, induit un biais. Qui profite ? Je profite, car l’amour, l’admiration, les attentions, les cadeaux, etc. sont pour moi. Est-il question que j’apporte quelque chose ? Non, tout est pour moi. Je peux donner en retour l’équivalent de ce que je reçois, mais ce n’est pas dit dans la formule : je profite.

Ne soyons pas pessimiste, nous ne sommes pas profiteurs pour autant. Dans le cours de l’histoire, les exemples d’altruisme sont constants et l’époque actuelle ne semble pas plus égoïste qu’une autre. Cependant notre niveau de richesse est inégalé, du moins si on considère les biens matériels et les moyens de jouissance dont nous disposons. Et plus de richesses pour les uns, c’est plus de misères pour les autres (par comparaison, il ne me suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres ne le soient pas plus que nous). On ne désire que ce qu’on n’a pas.

Vous n’avez rien vous marchez, vous disposez d’une bicyclette vous pédalez, d’une voiture vous voyagez, d’un avion vous polluez… Plus on en a, plus on en veut. Ça ne fait de torts à personne (sauf à la planète comme disent les jeunes). Mais ce n’est peut-être pas le but de la vie, de jouir de tout ce que la civilisation nous offre, presque sans mesure (quand nous serons débarrassés du méchant virus).

Profitons moins, vivons la vraie vie. Pas celle de l’amour virtuel, des paroles vides ou des vidéos rigolotes sur les réseaux sociaux. Ni celle d’une piscine à Bali. Est-ce possible ? Non, je ne crois pas. Le progrès moral n’existe que dans les rêves des philosophes ou les mensonges des politiques. L’homme demeurera toujours un loup pour l’homme. J’en suis un moi-même… Hou ! Hou ! Hou !