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récession

Caisse d epargne modifie 1

La caisse d'épargne en 1935

Le 19/07/2020

        J’ai trouvé dans les papiers de la famille, un livret de la Caisse d’épargne et de prévoyance de Paris, au nom de Melle Le Lann Isabelle. Il mentionne un seul versement, d’un montant de 50 francs, le 17 janvier 1935 et aucun retrait. Maman avait alors 14 ans. Il s’agit d’un cadeau de sa marraine pour les étrennes. Découvrir ce livret, en parfait état m’a ému. J’imagine Isabelle adolescente, fille d’une concierge rue Vaugirard et d’un ouvrier électricien chez Renault à l’île Seguin. Heureuse à Paris. Elle ne manquait de rien. Chaque été, la famille venait passer des vacances en Bretagne, parfois logée au château de Sainte-Barbe au Relecq-Kerhuon. C’était avant l’institution des congés payés.

        En 1935 le plafond des dépôts était de 20 000 francs pour les particuliers (22 950 euros aujourd’hui). Si on fait confiance aux statisticiens, 20 000 francs 1935 équivalent à 14 600 euros d’aujourd’hui et les 50 francs d’Isabelle à 36 euros. Avec cette somme à l’époque, elle aurait pu s’acheter un chemisier, une douzaine de mouchoirs et deux paires de chaussettes. Elle n’en obtiendrait guère plus aujourd’hui, en produits chinois, vietnamiens ou thaïlandais. La somme de 50 francs n’était pas disponible sur ce livret type A2, le remboursement étant conditionné à la majorité ou au mariage de l’épargnant. Le taux d’intérêts se montait à 5 %, véritable aubaine car la France était en pleine récession, les prix avaient fortement baissés depuis 1930.

        La caisse centrale était ouverte tous les jours de 9 heures à 16 heures et le dimanche de 9 heures à 12 heures. La femme mariée, quel que soit le régime de son mariage, pouvait se faire ouvrir un livret, avec ou sans le concours de son mari. Si elle déclarait agir seule, sa signature suffisait. Un mineur était autorisé à effectuer des versements et des retraits pour lui-même, sans intervention de son représentant légal, sur un livret ordinaire.

        L’épargnant avait la possibilité, pour la modique somme de 18 francs par an, de louer un petit compartiment dans un coffre-fort (construit par Fichet) installé dans les sous-sols de la caisse, à l’abri de tout danger d’effraction ou d’incendie. La caisse d’épargne et de prévoyance désirait mettre ainsi à la portée des ouvriers, domestiques ou employés, les commodités d’un coffre-fort. De plus, la caisse d’épargne fournissait aux détenteurs de livrets, une tirelire que chacun pouvait garder chez soi mais sans en posséder la clé. Il fallait se rendre à la caisse pour l’ouvrir.

        Le conseil des directeurs de la caisse d’épargne, présentait un feu d’artifice de grands noms, tous décorés d’au moins la Légion d’honneur : le vicomte Regnault de Beaucaron, le baron Hottinguer, le baron de Fontenay, le comte Gabriel de la Rochefoucauld, le marquis de Matharel, le comte de Pillet-Will, le baron Edmond de Rothschild, le marquis de Vogüe… bardés de références bancaires ou industrielles, présidents, administrateurs, régents, fondés de pouvoirs, etc. Les professions d’ingénieurs, inspecteurs des finances, docteurs en droit, colonels, notaires, rivalisaient avec le titre ronflant de propriétaire. L’industrie et la finance mettaient leurs compétences au service du peuple. Mais le peuple n’aime pas le paternalisme (et les baisses de salaire), il n’allait pas tarder à le faire savoir dans les urnes et dans la rue.

        Isabelle n’a jamais touché ses 50 francs. On en parlait parfois à la maison, mais pourquoi se déplacer pour toucher ce qui ne représentait plus dans les années cinquante qu’une poignée de carambars ! Le général De Gaulle n’avait pas encore multiplié le franc par cent.