La Constitution de la République française indique dans son préambule : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et à la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789… ». Que dit cette déclaration vis-à-vis de la liberté d’opinion et d’expression ?
« Article 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.
Article 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas définis par la loi. »
La loi ! Tout est dit. Si c’est la loi des hommes, malgré ses imperfections, on peut y souscrire, mais si c’est la loi de Dieu ? Si on y croit, elle est au-dessus de tout. Il y a donc contradiction manifeste entre respecter une religion et respecter la loi républicaine, puisque par essence, la religion est au-dessus des lois humaines. L’Islam résout la contradiction en incluant la loi dans la religion. Problème, on ne peut plus changer la loi.
En France les différents régimes ont essayé de s’accommoder de cette aporie. Les rois, par le droit divin. Ils tiennent leur autorité de Dieu, donc ils font ce qui leur plaît. Mais les Lumières s’interrogent. Voltaire dans le Dictionnaire philosophique, sur la liberté de penser dit : « Si les premiers chrétiens n’avaient pas eu la liberté de penser, n’est-il pas vrai qu’il n’y eût point de christianisme ? » Sur la tolérance : « Un roseau couché par le vent dans la fange, dira-t-il au roseau voisin couché dans un sens contraire : – Rampe à ma façon, misérable, ou je présenterai requête pour qu’on t’arrache et qu’on te brûle ? » Et sur la loi : « Il n’y a aucun bon code dans aucun pays. La raison en est évidente ; les lois ont été faites à mesure, selon les temps, les lieux, les besoins, etc. Quand les besoins ont changé, les lois qui sont demeurées sont devenues ridicules. »
La Révolution, qui a décapité le Roi, truchement de Dieu, se dote d’un Être suprême tout à sa botte (Hymne à l’Être suprême de 1792) :
« Il flétrissait les fleurs du jardin de la vie
Ce sophiste orgueilleux dont la doctrine impie
Comme un jeu de hasard regardant l’univers
Nous présente les cieux déserts (bis)
Le peuple a rejeté ce désolant système ;
Il porte ses pensées vers un être suprême ;
Il proclame ce jour, il chante ses bienfaits :
Le Dieu de la Nature est le Dieu des Français »
Sans aller jusqu’à supprimer Dieu par décret, comme le voulait le peintre Courbet pendant la Commune de Paris, la République laïque a cru divorcer de Dieu par la loi. « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses », on sent bien que le législateur redoutait des difficultés d’application.
Tant qu’on n’aura pas reconnu une fois pour toutes, que Dieu n’est pas du domaine public – c’est la laïcité – les religions poseront toujours de graves problèmes. Elles sont envahissantes par nature. Les croyants devraient suivre Jésus quand il dit : « Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » Ce qui signifie, peu m’importe la politique, mon Royaume n’est pas de ce monde. Et la croyance n’est pas obligatoire, comme la vaccination.
Certains grands scientifiques ont réussi le pari, de séparer leur foi du monde réel. L’abbé Georges Lemaître, l’inventeur du Big bang, en est un bon exemple.