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snob

Zazou

Snob

Le 26/07/2024

Snob

Encore une espèce en voie de disparition. Qui peut-on encore qualifier de snob ? Très en vogue dans les années glorieuses (les trente) le snob a muté comme un virus. On le remplacerait aujourd’hui par le bobo (bourgeois bohème) mais ce n’est pas du tout la même chose.

Le snob est un individu qui méprise ses concitoyens. Esclave de la mode, il se vêt plus chic qu’eux mais sans originalité, il parle avec affectation mais sans culture particulière. Il se nomme Jean-Philippe et elle répond au doux nom de Marie-Chantal (alors que leurs vrais prénoms sont Albert et Marguerite). Le snob n’est pas riche mais veut le paraître. Il ne lui viendrait pas à l’idée de prendre le travail d’un ouvrier pour gagner de l’argent. Le snob maladroit ou stupide, risée des snobs authentiques, est traité de snobinard.

L’appellation “snob” vient des registres d’inscription des universités britanniques ou en face du nom était inscrit le titre de noblesse ou en absence de celui-ci sine nobilitate, sans noblesse, en abrégé snob. Dans ces prestigieuses universités Cambridge, Eton et autres, les snobs étaient bien obligés pour paraître à la hauteur de leurs condisciples, d’en rajouter en tenue et distinction, au risque de trop en faire.

Le snob n’a pas disparu à cause du changement climatique, il a évolué vers la simplicité apparente. Pourquoi ? Mark Zuckerberg (Facebook) s’habille pareil tous les jours : t-shirt, jeans délavés, baskets. Pour ne pas se casser la tête à choisir une tenue dit-il. S’il y a du soleil, il coiffe une casquette tout à fait banale à 400 euros (je ne parle pas du prix des godasses). Jensen Huang (moins connu que le précédent mais patron de Nvidia pesant 2 600 milliards de dollars) ne quitte son blouson de cuir noir que pour se mettre au lit. Faire simple comme le commun, seuls les happy few savent la préciosité de la vêture. Le snob était égoïste, le bobo est altruiste de parade.

Faire simple, envolée la cravate, exit le gilet, vive la doudoune ! Le 16 juin 2024 on a pu voir Gérald Darmanin, col ouvert sur son banc à l’assemblée. Il s’explique : « Ce bout de tissu est devenu, pour beaucoup de Français, le symbole d’une élite à laquelle ils ne s’identifient plus au point, parfois, de la haïr.» Il garde la chemise blanche immaculée, devenue la marque de l’intello ou d’une lessive particulièrement efficace.

On voit des hommes plus puissants que des chefs d’état, paraître aux yeux du monde à la télé en jean et polo, ou en sweat à capuche pour les sorties incognito. Le riche, le puissant veut faire peuple. À porter de la vraie fourrure on risque de se faire agresser dans la rue. Le snob affichait son mépris, aujourd’hui ce ne serait plus toléré. L’ensauvagement général ne supporte pas l’offense du riche au pauvre, pas plus qu’une élégance ou une beauté trop éclatante. Si vous êtes trop belle mettez-vous un anneau dans le nez, autrefois symbole de soumission ou d’esclavage (l’épingle à nourrice des punks est passée de mode).

Les bobos auraient trouvé la solution, montrer qu’on est riche sans ostentation, vertueusement. Rouler dans une voiture de deux tonnes cinq mais hybride (qu’on prétend laisser au garage pour préférer le vélo électrique), se nourrir de produits hors de prix mais vertueux, bio, voire végan, achetées au marché ou directement chez le paysan (locavores), porter des vêtements informes ou déchirés intentionnellement, ne plus prendre l’avion si on peut prendre le train (bof !), ne pas partir au-delà des antipodes pour les vacances, etc. L’ancêtre du bobo est le zazou des années quarante qui s’inspirait des snobs anglais.

Le snob est de droite, le bobo de gauche. Le problème aujourd’hui c’est qu’on ne sait plus distinguer la droite de la gauche. Ça va devenir dangereux sur les routes ! Ça l’est déjà en politique.