E=Mc2, tout le monde connaît cette formule d’Einstein, qui exprime l’équivalence entre la masse et l’énergie. Elle évoque Hiroshima, la ville détruite par quelques kilos d’uranium. La concision et la simplicité (qu’on peut assimiler à la beauté en sciences) de la formule a conquis le public. Elle est devenue en quelque sorte un symbole de la connaissance supérieure de la matière, donc de nous-même. Et de l’intelligence humaine, capable de tous les défis et de tous les maléfices.
L’énergie (E) est égale à la masse (M) multipliée par la vitesse de la lumière (c) au carré. On comprend que l’énergie soit équivalente d’une certaine façon à la masse, mais pourquoi et comment, la vitesse de la lumière intervient-elle dans la formule ? Voilà une question qui me grattouille depuis très longtemps. Le livre de Françoise Balibar, Jean-Marc Lévy-Leblond et Roland Lehourcq, Qu’est-ce que la matière, répond peut-être à la question.
Il faut admettre en premier lieu que la vitesse de la lumière est indépassable et ne dépend pas du repère dans lequel elle est mesurée (c’est l’origine de la Relativité). Les grains de lumière, les photons, se déplacent à cette vitesse limite dans le vide. Supposons que l’on communique à un corps de plus en plus d’énergie en augmentant sa vitesse, pourquoi ne peut-on pas dépasser la vitesse de la lumière ?
L’inertie d’un corps au repos est égale à sa masse mais Einstein nous apprend que l’inertie croit avec la vitesse. Plus il va vite, plus l’énergie nécessaire pour modifier sa vitesse est grande. En approchant de la vitesse de la lumière, elle devient infinie. En remontant une montre à ressort (ça existe encore) vous augmentez son énergie interne, donc sa masse (dans une proportion de l’ordre de 10 -21 soit un millième de milliardième de milliardième). On sait par expérience qu’elle ne va pas exploser. En revanche, personne ne sait vraiment ce qu’est l’inertie.
Revenons à la question, pourquoi c2 dans la formule ? Jean-Marc Lévy-Leblond répond : « Encore faut-il tenir compte que les unités de masse et d’énergie ne sont pas les mêmes, et introduire le coefficient de conversion entre ces unités, qui est donné par le carré de la vitesse limite, c2. » Trop facile ! Vous me direz que dans les équations de la relativité, la fameuse formule est démontrée. Mais démonstration mathématique ne vaut pas explication sémantique (c’est pour cela que certains ne digèrent jamais les maths et qu’il n’y a pas d’équation dans les livres de vulgarisation). Il ne reste plus qu’à trouver une explication intuitive. La vitesse de la lumière est une limite pour la matière, c’est par le truchement des photons que nous percevons l’univers. La lumière (le rayonnement électromagnétique, visible ou non) est à l’origine du Tout. Elle exprime la matière et l’énergie à la fois, elle est donc ad hoc dans la formule qui les relie. Mais ça n’explique rien !
La formule E=Mc2 est belle, elle doit rester mystérieuse, aussi.