Encore une fois
Dans le flot de paroles suscité par la campagne électorale des législatives anticipées, apparait un tic de langage chez les journalistes et les hommes politiques. Ils usent et abusent de la formule : « encore une fois ». Ils répètent une nouvelle fois quelque chose qu’ils viennent de dire. Ils récitent les éléments de langage dont ils n’ont pas le droit de sortir.
On sait que pour enseigner efficacement il faut répéter mainte et mainte fois la même chose, pour que ça rentre bien dans le crâne des élèves mais ici à la télé, à la radio, est-ce bien nécessaire ? Les orateurs plus ou moins talentueux devraient au moins respecter ceux qui les écoutent. Une fois clairement énoncé une idée, il faut la situer dans le roman national, s’élever au-dessus des lieux communs, en tirer les conséquences, séduire l’auditeur, bref il faut plaire, intéresser et non pas ennuyer, voire exaspérer.
Pourquoi enfoncer le clou encore une fois ? On pourrait croire que le parleur (beau ou pas) n’a pas assez d’idées pour combler son temps de parole et se trouve contraint de répéter ce qu’il a dit encore une fois. Mais si c’est le journaliste qui pose la même question pour la énième fois, on peut en effet s’attendre à la même réponse, qui souvent n’en est pas une. Comme disait Georges Marchais, communiste à l’ancienne : « Vous venez avec vos questions, je viens avec mes réponses ».
Finies les envolées lyriques, les citations littéraires, les références historiques. C’est tout juste si nous avons le droit à quelques saillies ou petites phrases, mûrement improvisées, qui feront encore une fois les titres des médias. Les sujets gravissimes comme les guerres, les famines, l’armement nucléaire, la montée des régimes illibéraux … (« J’en passe et des meilleurs » Hernani de Victor Hugo) ne provoquent encore une fois que de brèves allusions. Le débat n’est pas là. Il n’est pas sensé intéresser les Français (des veaux selon De Gaulle) qui pensent d’abord pouvoir d’achat.
Alors encore une fois on crie, on s’invective même si on est, en fin de compte, du même avis. Ou que l’on sait qu’il est vain de débattre, puisque finalement, les élus n’auront pas le pouvoir de changer en mieux les choses importantes. Tout au plus, nous espérons qu’ils ne vont pas faire empirer la situation.
Jaurès reviens, ils sont devenus fous !