Il faut relire « La nausée » de Jean-Paul Sartre. Cela ne nous aidera pas à surmonter les informations qui nous submergent ad nauseam en cette année 2020, qui promettait pourtant d’être si belle (notée 20 sur 20 par les Nornes, ces parques scandinaves qui se partagent un seul œil entre trois, d’où leur clairvoyance). Cependant j’aime ce grand écrivain qui ne manquait jamais de comporter comme un imbécile en politique. Mais il avait l’art de mettre des mots sur ces vagues sentiments qui nous envahissent parfois, sans qu’on puisse les expliquer. Voici quelques citations de « La nausée ».
« J’ai vu pointer un mot sous la trame des sensations. Ce mot-là je devine qu’il va bientôt prendre la place de plusieurs images que j’aime […] la prochaine fois que je les évoquerai, une bonne partie en sera figée. »
« Pour que l’évènement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu’on se mette à le raconter. C’est ce qui dupe les gens : un homme, c’est toujours un conteur d’histoire, il vit entouré de ses histoires et des histoires d’autrui, il voit tout ce qui lui arrive à travers elles, et il cherche à vivre sa vie comme s’il la racontait. »
« La première lumière qui s’alluma fut celle du phare Caillebotte : un petit garçon s’arrêta près de moi et murmura d’un air d’extase : « Oh ! Le phare ! » Alors je sentis mon cœur gonflé d’un grand sentiment d’aventure. »
« Le passé c’est un luxe de propriétaire. »
« Mais il adviendrait bien un moment où le livre serait écrit, serait derrière moi et je pense qu’un peu de sa clarté tomberait sur mon passé. Alors peut-être que je pourrais, à travers lui, me rappeler ma vie sans répugnance. »