Le Roi Bobo
Régnait sur le pays Bougon,
Au pied des falaises de marbre.
Il était jeune, il était beau,
Bien plus cultivé que ses sujets.
Et plein de bonne volonté.
Il n’avait qu’un défaut,
Il était un peu sourd.
Il confondait facilement les rugissements du lion
Avec le chant des cigales.
Dans la savane désolée,
Brûlée par un réchauffement venu d’ailleurs,
Le peuple du totem au casque ailé
Réclamait plus à manger.
Le Roi Bobo répondit :
« Mangez-vous les uns les autres »
Suivant la doctrine qu’on lui avait enseignée
À l’école des Rois bobos.
Mais le peuple de la savane
Était justement celui qui était mangé
Et n’avait plus personne à dévorer.
Alors le Roi Bobo se mit à la tête de sa tribu
Et se mit à marcher.
Sous ses pas, l’herbe reverdissait,
Les zébus donnaient du lait
Les lions fièrement, apportaient la paix,
Les abeilles faisaient leur miel
Et les frelons retournaient benoîtement en Asie.
Cependant, le royaume du Roi Bobo,
Plus fier que riche,
Vassal de plus fortunés que lui,
Était tout petit.
Quand il eut fait le tour de sa case,
Le Roi Bobo rentra chez lui, satisfait :
« Pour organiser la prospérité
Il faut généraliser la misère.
Tout ira de mieux en mieux,
Les vieillards iront travailler,
Les jeunes ne perdront plus leur temps
En études inutiles,
Et les laborieux seront récompensées. »
Alors la confiance dans le Roi Bobo,
Fléchit un peu chez les Bougons.
Le peuple lui fit cadeau
D’un appareil auditif doré
(C’est bien le moins pour un Roi)
Qu’il ne sut pas utiliser…
Et toujours le chant des griots montait le soir,
Désespéré, triste et menaçant,
Dans la fumée du feu de pneus allumé sur la grand’ place.
Mais Bobo n’entendait pas
La voix des Bougons.