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Les petroleuses

Les femmes de la Commune de Paris

Le 23/03/2021 0

On a beaucoup parlé du rôle des femmes dans l’histoire de la Commune de Paris en 1871. Cent cinquante ans après, dans un féminisme flamboyant, que peut-on en dire ? Les femmes n’ont joué aucun rôle politique officiel dans la Commune. Elles n’étaient ni électrices ni éligibles (la Commune prévoyait de leur donner le droit de vote). Cependant elles étaient très actives dans les clubs, l’éducation des filles, les mouvements ouvriers et particulièrement à l’Association Internationale des Travailleurs (AIT). Et quand il a fallu se battre.

La plus célèbre est Louise Michel. Elle a combattu dans les rangs de la garde nationale au 61e bataillon. L’indomptable institutrice a été de tous les combats jusqu’à la fin, sur les barricades. Alors qu’elle était prisonnière aux Chantiers à Versailles, un officier la reconnait :

– C’est vous qui êtes venue au campement de Versailles, pour faire la propagande de la Commune avant l’attaque de Paris.

– Oui c’est moi, vous pouvez le raconter.

– Est-ce que vous nous prenez pour des mouchards ?

– Vous êtes bien des assassins !

La réplique était cruelle mais vraie pour la plupart des militaires. À son procès elle répond au président : Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance… J’ai fini ! Si vous n’êtes pas des lâches tuez-moi.

La Brestoise Nathalie Le Mel, moins guerrière mais tout aussi pugnace, organisait pendant le siège de Paris et la Commune, des distributions de nourriture, un véritable tour de force de dévouement et d’intelligence. Elle avait obtenu l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes dans sa profession, en animant la grève des relieurs. Pendant la semaine sanglante elle était au milieu des communards pour donner des soins aux blessés. Désespérée par l’horreur finale, elle tente de se suicider en respirant la fumée d’un poêle à charbon.

Place blanche la barricade était tenue par des femmes. Il y avait là sous le drapeau rouge, Élisabeth Dmitrief, Nathalie Le Mel, Malvina Poulain, Blanche Lefebvre, Excoflon… André Léo était à celle des Batignolles. Cette femme qui s’était dotée d’un pseudonyme masculin, écrivaine et journaliste, était une des premières militantes féministes de France. Exilée en Suisse, elle continuera son action et plaidera pour la Commune.

 On ne saura jamais la vérité sur les pétroleuses, ces femmes qu’on a accusées de mettre le feu à Paris. Il est connu que des femmes avait été chargées de recenser les provisions de pétrole avant la dernière semaine de la Commune et, probablement, de les stocker aux endroits stratégiques. Pendant les combats, le ministère des finances prend feu sous les obus des Versaillais mais les incendies du palais des Tuileries, de l’hôtel de ville et de nombreux édifices prestigieux ont été déclenchés par les fédérés.

Pour empêcher les Versaillais de contourner les barricades en passant par les immeubles ou de les mitrailler par les fenêtres, les fédérés incendiaient les maisons les unes après les autres en reculant. Des femmes ont aussi participé aux destructions. Louise Michel criait de mettre le feu en évacuant sa barricade. Ça ne fait pas d’elles les pétroleuses de la propagande versaillaise.

La barricade de la place Saint-Sulpice n’était pas assez haute, les fédérés tombaient les uns après les autres sous le feu des Versaillais. Madame Richou, sortant de chez elle, voulu les aider. Une boutique d’objets de piété était restée ouverte. Pour remplacer les pavés qui manquaient, elle fit porter à la barricade des statues de saints. Arrêtée, quand on lui demanda si c’est elle qui avait fait mettre les statues sur la barricade, elle répondit : « Mais certainement, les statues étaient de pierre et ceux qui mouraient étaient de chair. » Elle a été condamnée à la déportation.   

Certaines femmes n’étaient pas sur les barricades ou dans les ambulances à soigner les blessés. Des bourgeoises, vêtues avec élégance, rôdaient à travers le carnage, se repaissant de la vue des morts, dont elles fouillaient du bout de leur ombrelle les yeux sanglants. Quelques-unes, prises pour des pétroleuses, furent fusillées sur le tas avec les autres (d’après Louise Michel).

Le 7 août 1871 commence le procès des communards. Vingt-six conseils de guerre ! Un public huppé assiste aux séances. Les femmes ont des attitudes souvent plus fières et courageuses que les hommes. Ont-elles conscience de bâtir la légende de la Commune ? Huit femmes seront condamnées à mort, mais aucune ne sera exécutée. Vingt-neuf seront condamnées aux travaux forcés, 36 à la déportation, 83 ainsi que 6 enfants à des peines de prison. Vingt-cinq hommes seront exécutés. On ignorera toujours combien de fédérés sont morts pendant la semaine sanglante. Le conseil municipal de Paris a voté des crédits pour l’inhumation de 17 000 cadavres.

Enfin il ne faut pas minimiser la haine que suscitait la Commune de Paris dans toute la France, et pas seulement dans les milieux bourgeois.

 
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