Juin 1791. Le désordre est total à Brest. On ne sait plus qui commande. Les marins et les soldats se mutinent, ils ne veulent plus obéir à des officiers nobles (la moitié des officiers ont déjà quitté ou ne réintègrent pas le service après des congés). Les chefs militaires de la place de Brest démissionnent les uns après les autres, considérant leur tâche impossible. Les ouvriers de l’arsenal se mettent en grève et manifestent avec violence dans les rues. Ils ne sont pas payés régulièrement et refusent les assignats (il faudra qu’ils s’y fassent). Les ecclésiastiques réfractaires sont emprisonnés au Château, tandis que les prêtres constitutionnels sont insultés et caillassés par les femmes dans la rue. La Société des amis de la constitution s’immisce dans toutes les affaires, y compris militaires et s’oppose à la municipalité trop timorée à son avis. La chiourme s’agite, la Garde nationale est obligée d’intervenir au bagne. Les sans-culottes brestois maintiennent une agitation permanente et s’opposent aux patriotes modérés, bourgeois, commerçants et artisans. L’excitation est à son comble quand on apprend la fuite du Roi.
Les officiers de l’armée de terre ont l’habitude de se réunir au café de la Comédie, situé à l’angle de la rue Saint-Yves et de la rue d’Aiguillon. Des sans-culottes aperçoivent sur une table des graffitis anti révolutionnaires. Ils demandent : « Qui a fait ça ? » Un jeune officier du régiment du Poitou nommé Patrys se lève et dit fièrement : « C’est moi ! » Il s’en suit une bagarre, les uns courent dehors en criant au contre-révolutionnaire pour ameuter les sans-culottes, les autres se saisissent de Patrys, le traîne hors du café et avec un couteau de cuisine, lui détachent la tête du corps. Ses camarades retranchés dans le fond de la salle ont dégainé leur épée et tiennent les sans-culottes en respect.
Le maire, Charles François Malmanche prévenu, arrive rapidement accompagné des administrateurs du district. Mais c’est trop tard pour Patrys. Aidé par un groupe de patriotes de bonne volonté, Malmanche réussit à extraire du café les autres officiers et à les mettre en sureté. Plantée sur une pique, la tête du jeune lieutenant est promenée par les rues de Brest et son corps jeté dans le ravin du Pont de terre. Première victime de la Révolution à Brest. Il y en aura beaucoup d’autres, dont Malmanche lui-même.