Glaçant, le mot est à la mode. On le trouve fréquemment dans les médias et particulièrement sur le net, à propos de tout ce qui nous semble horrifique. Utilisé même à la télévision publique (pourtant garante d’une bienséante modération), dans la ravissante bouche d’Anne-Claire Coudray par exemple ou celle non moins souriante de Christophe Hondelatte.
Définition de glaçant : qui glace au propre et au figuré, c’est-à-dire qui fait perdre ou diminuer l’ardeur des sentiments ; intimider ; remplir d’effroi (Larousse 1954). Pour Littré (Dictionnaire abrégé de 1963) glaçant n’est que le participe présent de glacer : au figuré, causer de la répulsion par le froid des manières ; causer le froid de l’ennui ; causer une profonde impression morale ; causer une émotion pénible et si forte que le mouvement du sang en semble arrêté. Enfin, dans le décevant Petit Larousse de 2011 : qui décourage, rebute par sa froideur.
Exemple d’articles trouvés sur le net avec glaçant dans le titre : Les glaçants carnets secrets d’un chirurgien pédophile ; Le cannibale de Rothenburg et autres faits glaçants ; Meurtres glaçants des disparus de Mirepoix ; Affaire Troadec, détails glaçants… Ça donne envie de lire !
La définition actuelle de l’adjectif serait plutôt : qui fait peur, terrifie, horripile ; est glaçant un évènement qui ne nous touche pas personnellement mais qu’on craint de subir, et par conséquent, nous intéresse intensément. Glaçant dans le titre d’un article, attire irrésistiblement le curieux, fait lire le texte et voir les publicités qui l’accompagnent. Pire encore, le mot sent le scandale, l’horreur. Meurtre, viol, attentat, massacre, génocide, fin du monde, un délicieux frisson nous passe dans le dos et nous tournons page après page (nouvelles publicités à chaque fois), dans l’espoir d’en savoir plus, de décortiquer l’horreur. Et parfois nous sommes déçus, le fait glaçant ne l’est pas tant que ça (ou c’est l’habitude qui l’édulcore). La page est fermée et nous passons à autre chose. La maison est bien chauffée c’est l’essentiel.
L’occurrence du mot glaçant en littérature reflète l’état de la langue écrite et des mœurs. Autrefois, vers le début du siècle des Lumières, le langage châtié et relevé n’hésite pas sur le mot. Il se perd un peu, puis trouve un nouveau succès à la Révolution avec les têtes qui tombent. Vient une période d’étiage, les guerres de plus en plus féroces ne glacent plus personne. À partir des années cinquante, soixante, un renouveau s’amorce vers une remontée, qui s’accélère actuellement grâce au net. Allons-nous vers une civilisation de la peur ?
De tous temps, les journaux ont cherché à attirer le lecteur par le scandale. Il faut voir les unes du Petit journal (1853-1944), de Détective (créé en 1928) ; des journaux révolutionnaires, Le père Duchesne (foutre !) et bien d’autres. Comme on dit toujours, on n’est pas obligé de lire ou de regarder. Il suffit de le faire en loucedé.