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bataille d'Ouessant

Vengeur du peuple

Le combat de prairial an II

Le 11/12/2019

        Prairial an II, juin 1794. La France est en souffrance. Guerre extérieure, guerre civile, désorganisation économique due à la Révolution et aux mauvaises récoltes (Brest est couvert de neige durant 30 jours pendant l’hiver 93-94), crise religieuse, etc., la Convention a instauré la Terreur comme solution ultime. La disette s’intensifie. Le Comité de salut public décide d’importer du blé américain (payé par la dette américaine de la guerre d’indépendance). Un convoi de 117 navires marchands appareille de la baie de Chesapeake le 11 avril 1794, à destination de Brest. Sachant que les Anglais vont tout mettre en œuvre pour empêcher le convoi d’arriver, le Comité de salut public décide de lancer l’escadre du Contre-Amiral Villaret Joyeuse à sa rencontre. 26 vaisseaux appareillent de Brest. L’Amiral Lord Howe, chargé d’intercepter le convoi, commande l’escadre anglaise forte de 26 vaisseaux également.

         Les flottes s’aperçoivent le 28 mai, à 400 nautiques dans l’ouest d’Ouessant. Villaret informé de la route du convoi, met cap à l’ouest pour entraîner les Anglais au plus loin des navires marchands. Le soir, l’arrière garde française est rejointe par les Anglais. Après un combat inégal à six contre un, le Révolutionnaire est réduit à l’état d’épave.

        Les Anglais attaquent à nouveau l’arrière garde française le lendemain dans la matinée. Plusieurs vaisseaux anglais réussissent à passer au vent. Le Tyrannicide et l’Indomptable pris entre deux feux sont ravagés. Bien qu’éprouvés eux aussi, les bâtiments anglais ont gagné l’avantage du vent en fin de journée.

        Les 11 et 12 prairial (30 et 31 mai 1794) une brume épaisse couvre la mer. Impossible de se battre. Pendant ce temps le convoi de navires marchands passe à l’endroit où s’est déroulé le combat du 9 prairial. La route lui est ouverte jusqu’à Brest.

         Le 13 prairial (1er juin 1794) au lever du soleil, la visibilité est bonne. Les deux escadres se trouvent en lignes parallèles, à cinq ou six nautiques de distance, cap nord-nord-ouest. Les Anglais ont l’avantage du vent. C’est-à-dire que les Français, sous le vent, peuvent laisser porter et s’éloigner. L’Amiral Howe ne veut pas leur laisser cette possibilité. Dès huit heures du matin (il a laissé à ses marins le temps de déjeuner), il ordonne à ses bâtiments de couper la ligne française et d’attaquer à fond les navires ainsi isolés. Le feu commence vers 9 heures et demie. Six vaisseaux anglais réussissent à couper la ligne. Les autres se lancent à la poursuite des Français sans vouloir, ou pouvoir, couper la ligne, plusieurs bâtiments anglais déjà très endommagés par les combats précédents manœuvrent mal.

         Sur l’avant de la bataille, le HMS Defence qui s’est précipité à l’attaque, se trouve isolé et mis en difficulté par le Mucius et le Tourville. Le HMS Malborough engage l’Impétueux et s’emmêle dans son gréement. Les bâtiments bord à bord, se foudroient à bout portant. Tous les mâts sont abattus, les batteries de l’Impétueux sont bouleversées. Il va se rendre quand le Mucius, aveuglé par la fumée, entre en collision avec le HMS Malborough. Les trois navires emmêlés continuent à se battre. Une frégate anglaise vient remorquer le HMS Malborough pour le sortir de ce piège et le Mucius parvient à s’éloigner vers le nord. L’Impétueux est hors de combat, il sera capturé.

        Au centre, le vaisseau amiral HMS Queen Charlotte a réussi à passer derrière le bâtiment amiral français la Montagne, à cause de l’inertie ou de la poltronnerie du capitaine du Jacobin, un provençal qui vient d’être nommé Capitaine. Un duel terrible s’engage entre les deux bâtiments amiraux. Les vaisseaux, à une portée de pistolet (moins de 50 mètres) se foudroient mutuellement. La Montagne garde tous ses mâts mais subit de lourdes pertes. Jusqu’à six vaisseaux anglais l’entourent, elle réussit néanmoins à se dégager. La mêlée est telle que dans la fumée, le HMS Gibraltar tire sur son propre navire amiral en provoquant un incendie.

        Dès le début de l’engagement le HMS Brunswick en voulant passer entre le Vengeur du peuple et L’Achille, aborde le Vengeur. Les deux navires restent accrochés par les ancres. Ils échangent des bordées à bout portant, provoquant des dégâts considérables et un véritable massacre.

        Vers 12 heures 45, le HMS Brunswick et le Vengeur se séparent enfin. Ils ont perdu tous leurs mâts. Le HMS Ramilies attaque alors le Vengeur. Une brèche est ouverte dans son flanc tribord, plusieurs couples brisés ont déchiré la coque sous la flottaison. L’eau s’engouffre dans le trou. Les matelots, le corps hors des sabords ou grimpés sur les mantelets, tentent de placer un paillet sur l’ouverture pour aveugler la voie d’eau. Les canons anglais s’acharnent sur eux. Le paillet détruit, les marins broyés par le canon ou fusillés par les soldats, s’acharnent à sauver le navire avec des paquets de voiles, des prélarts… Mais le Vengeur coule inexorablement. Le pavillon est amené, les Anglais cessent le feu. Dans le désordre du désastre final, quelques marins ont mis à sac la cambuse et se sont enivrés.

        Les Anglais mettent des chaloupes à la mer pour secourir les naufragés. 267 marins seront sauvés sur un équipage de 723 hommes. À 18 heures 15, il ne reste plus à bord que les morts et les blessés agonisants. Des marins ivres gambadent encore sur la proue en agitant le drapeau tricolore et en criant : « Vive la nation, vive la République ! » Ils couleront avec le Vengeur du peuple. Le Capitaine Renaudin est recueilli par les Anglais avec les survivants. Il n’a pas coulé avec son navire, il n’est même pas resté le dernier à bord comme le veut la tradition. Après une brève captivité en Angleterre, il sera promu Contre-Amiral et servira jusqu’en 1800.

         Le combat ne reprendra pas le lendemain. Villaret rentre à Brest avec les débris de son escadre, il ne sait pas encore que le convoi est sauvé. Howe quant à lui, pense qu’il en a assez fait. Les équipages sont épuisés, les navires dévastés.

         Défaite ou victoire, le combat du 13 prairial est les deux. Victoire pour avoir permis l’arrivée du convoi de grains à Brest, défaite sur le plan militaire. La France y perd sept vaisseaux capturés par les Anglais et le Vengeur du Peuple a coulé. Rien que sur les prises, les Anglais ont compté 754 morts et 771 blessés, auxquels il faut ajouter les victimes du naufrage du Vengeur soit environ 460. Au total la France a perdu plus de 1 600 hommes, 1 500 blessés et 3 000 prisonniers. Les Anglais annoncent moins de 300 tués et entre 800 et 1000 blessés. Belle victoire navale pour eux, qu’ils appelleront le Glorieux premier juin.

        À la Convention, Bertrand Barrère présente la bataille comme une victoire tactique et un combat héroïque où la marine française inscrit une nouvelle page de gloire. Il décrit le naufrage du Vengeur du Peuple comme une tragédie antique, le commandant coupé en deux par un boulet sur la dunette, les marins héroïques, combattant jusqu’à la fin, coulant avec leur navire en criant : Vive la liberté, vive la République, le pavillon cloué au mât. Le mythe du Vengeur du Peuple est né. Une maquette du navire sera pendue à la voûte du Panthéon. Les journaux anglais rendent hommage aux marins français (il faut bien que les ennemis soient valeureux, sinon où serait le mérite de les vaincre ?). On peut y lire : « Les Français sont comme des cailloux ; plus on les frappe, plus ils rendent du feu. »