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cornemuse

Printemps des sonneurs

Printemps des sonneurs

Le 30/04/2019

         « Le Printemps des sonneurs a fait vibrer le centre-ville de Brest, ce samedi [24 avril 2019] entre bourrasques et rayons de soleil… » dixit Le Télégramme. Nous avons un peu hésité avant d’aller voir le défilé des bagadoù. Le vent, le froid, la pluie peut-être. Mais sans particules fines.

         Sur le cours Dajot la foule n’est pas considérable. On entend la musique au loin, la première kevrenn approche. Les spectateurs s’écartent quand les géants de la sécurité vêtus de noir s’avancent, imperturbables. Et c’est le choc. Un roulement de tambour, le bref soupir des sacs qu’on glisse sous le bras gauche et la musique éclate. Peut-être faut-il être Breton pour sentir cette émotion qui vous saisit quand s’élève la mélopée des ancêtres. Ses vibrations puissantes montent de la terre, traversent le corps et vous piquent les yeux. Les pieds se mettent en mouvement et on voudrait marcher au son des tambours. Avec le remord d’un nationalisme incongru.

         On ne peut s’empêcher de penser à la guerre. Aux luttes incessantes du peuple breton pour son indépendance et pour ne pas payer de tribut à quiconque. Arthur battu à Camlann, Morvan vaincu par Louis le Pieux, Nominoë enfin vainqueur de Charles le Chauve à Ballon, Jean de Rieux écrasé à Saint-Aubin-du-Cormier par les troupes de Charles VIII, les gars de Plouyé massacrés au Prat-ar-mil-Gof (pré des mille ventres)… et tout ce sang répandu depuis des siècles par les paysans bretons.

        Je ne suis pas le seul à être envahi par ces idées belliqueuses. Une petite fille, trois, quatre ans tout au plus, fluette et blonde, se place résolument au milieu de l’allée. Raide comme la justice, au garde-à-vous, elle fait le salut militaire devant une kevrenn qui s’avance. Le geste me paraît parfaitement règlementaire, main au niveau de l’oreille, doigts joints, bras horizontal. Sa grande sœur l’attrape par la manche pour la ramener sur le bord de la rue mais elle s’échappe et retourne au beau milieu pour saluer à nouveau. Elle s’écarte enfin à regret. À quoi pense donc cette enfant ?

          Salue-t-elle le drapeau breton ? Il n’y en a pas de visible. Songe-t-elle aux Highlanders qui montaient à l’assaut au son des cornemuses en quatorze ? Ce n’est pas au programme de maternelle. Il faut être honnête, je pense tout simplement qu’elle croit que nos sonneurs jouent de la musique militaire. Papa est officier de marine sans doute. Elle a vu son père défiler en musique et les officiels saluer le drapeau. Elle fait de même. Et avec quelle autorité !  

          L’émotion ne dure pas longtemps. La musique est répétitive pour les non-spécialistes. Les groupes qui descendent le cours Dajot, croisent dans une cacophonie échevelée ceux qui remontent par la contre-allée.

          Défilé final pour le triomphe. Nous marchons au pas avec les sonneurs vers la mairie. Ils se rassemblent sur les escaliers, sous la riante façade du Ti Kêr (on ne s’étonnerait pas de voir Staline apparaître au balcon pour saluer la foule). Dernier frisson, les 300 musiciens jouent à l’unisson ‟Deut mat Lan” (Tient bon Lan). Quelques gouttes tombent du ciel, trois coups de goupillon pour achever la journée. Il est temps de rentrer.