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drague

Chez nedo bal

Les célestes histoires de femmes, les bonnes feuilles

Le 11/01/2018

Édith

                 Dans un coin de la salle de danse, une fille obèse, vêtue d’un pull jaune horrible, roule des yeux de grenouille. Elle hésite entre les pleurs et le rire. Elle choisit de pleurer pour ne pas montrer ses dents gâtées. Je détourne mon regard, pris de dégoût ou de pitié. Sur l’estrade les musiciens se donnent à fond, le batteur ivre laisse libre cours à son instinct de massacreur. Une vapeur âcre monte de la foule en sueur. Les glaces aux murs, dans leurs cadres patinés de crasse, sont couvertes de buée où l’on a tracé du bout des doigts, des schémas évocateurs. Un homme embrasse une femme goulûment, elle se laisse faire, lascive, provocante. La boule à facettes de miroirs tourne au plafond. Elle fait courir des petits nuages blancs et rouge sur les faces blafardes ou cramoisies. La nausée guette. La musique écrase ou déchire une mer de danseurs qui se moire, comme un champ de blé sous les coups de vent. Un bloc humain noyé dans un océan de rythme, tangue et roule sans cesse sous un ouragan de bruit. Les couples gigotent, comme pour se débarrasser de leurs voisins agglutinés, retenus ensemble par la force lumineuse et enveloppante de la boule du plafond. En un seul corps agité de spasmes, haletant, la foule grouille joyeusement, comme des vers sur un cadavre. […]

                Elle est au bar. Assise de biais sur un haut tabouret entre les hommes de sa cour, qui ne semblent pas pour l’instant beaucoup s’occuper d’elle. Ils boivent, c’est sérieux. D’un regard, appuyé d’un sourire, elle m’invite à m’approcher. Je me glisse près d’elle, le courtisan le plus proche s’est écarté avec indifférence, comme s’il cédait sa place à un enfant. Édith n’a pas changé. La silhouette est impeccable, le mollet tendu et le genou pointu, la cuisse lisse, la taille fine, le buste petit et haut, le cou hiératique. Dans son visage un peu durci, s’affirme un nez légèrement aquilin. Élégante et simple, elle porte un ensemble presque blanc (chaussures assorties) qui met en valeur la matité de son teint. J’entends de temps en temps parler d’elle et de son équipe. Les mauvaises langues lui font une réputation de fille légère…

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