guerre
Une fleur
Le 29/05/2024
Une fleur
Promenade acrobatique au bois de Keroual dévasté par la tempête Ciarán. Des arbres brisés, arrachés, barrent les sentiers qui n’ont pas encore été dégagés. Nous passons dessous en courbant l’échine ou dessus en levant la jambe. Ce n'est plus de notre âge où la rigidité a pris le pas sur l’agilité.
À l’issue d’un chemin encombré nous rencontrons un jeune couple accompagné d’une petite fille d’environ quatre ans, jolie brunette aux cheveux courts. Nous les avertissons que la progression est difficile et que la gamine aura peut-être du mal à passer. La conversation s’engage. La petite est très dégourdie, ça ira… C’est curieux comme on peut sympathiser avec des gens que l’on ne connait pas (peut-être justement pour ça). Ils sont jeunes, beaux et ne professent pas d’idées à la mode (pas devant nous en tout cas, respectueux sans doute de notre décalage idéologique quasi séculaire).
La petite fille cependant s’est un peu éloignée. Elle revient avec une fleur minuscule à la main et l’offre sans dire un mot à ma femme. Stupéfaite elle accepte le présent. Se penchant sur l’enfant :
– Merci, tu es gentille, je vais la garder précieusement. Comment tu t’appelles ?
Elle bredouille quelque chose qu’on ne comprend pas bien. Sa mère précise :
– Juliette.
– C’est joli comme nom.
Nous nous séparons un peu émus. Pourquoi cette petite fille a-t-elle offert une fleur à une dame qu’elle ne connait pas ? On ne sait, ce qui est sûr c’est que son geste était plein d’empathie, désintéressé. Qui sait si à son âge on lui a déjà enseigné ou qu’elle a compris toute seule, qu’une mamie doit être célébrée.
Nous continuons notre promenade. Des cris et des aboiements attirent notre attention. Un jeune homme accompagné de deux femmes élégantes excite un chien. Une espèce de bulldog (une race de chiens dont le museau a été raccourci par des sélections impitoyables ce qui leur permet à peine de respirer). L’homme hurle sur le chien qui ne comprend pas ce qu’on lui veut. Désemparée, la bête fait n’importe quoi et aboie pour montrer qu’elle n’est qu’un chien. Ce qui fait rire les deux femmes devant son désarroi et se rengorger le tyran, qui le tourmente de plus belle à l’aide d’un bâton.
Nous avions cru un instant que le monde était beau comme celui d’une petite fille. Il n’en est rien bien sûr. La stupidité, la méchanceté règnent, quand ce n’est pas la cruauté. Dans le bois mutilé, nous sommes obligés de penser aux guerres…
Non au plastique
Le 03/05/2022
À la une du Télégramme du 22 avril 2022, une photo titrée « Marioupol, la chute ». On y voit une femme plutôt jeune, tirant un caddie où sont ficelés plusieurs sacs. Elle est chaudement vêtue, porte des chaussures de marche en bon état et un sac-à-dos. Elle tient à la main, un sac en toile où il est écrit : « No to plastic » et « Stop au plastique ». Le sol est jonché de débris, de tôles tordues, derrière elle on peut voir un abribus défoncé et des immeubles éventrés et noircis à perte de vue.
Elle regarde en arrière avec un rictus douloureux, comme si elle attendait quelqu’un, (sans doute un enfant car elle baisse un peu la tête) ou jette un dernier regard sur son passé en ruine. Personne d’autre sur la photo sauf au loin, un secouriste peut-être, vêtu de blanc et de rouge. La femme a pris l’essentiel de ses affaires et s’est préparée à l’exode. À passer des nuits dehors. À survivre sur ses propres ressources pendant plusieurs jours. Le sac de la femme porte, curieusement en français et en anglais, une injonction contre le plastique. Peut-être songe-t-elle maintenant, à sauver sa vie. D’abord.
La guerre ! À la télévision ! Des morts partout, suppliciés, des ruines, comme à Brest à la libération et des massacres perpétrés par les troupes en retraite (Gouesnou, Plouvien…) La civilisation n’a-t-elle donc fait aucun progrès en 80 ans ? La guerre des images (manipulées ou non) fait rage. J’ai pensé au début, qu’elles pourraient enrayer le conflit et qu’une protestation générale pourrait entrainer un armistice. Mais la télévision et le cinéma ont tellement banalisé les images d’horreur et de crime, que le public blasé, anesthésié en quelque sorte, ne réagit que par une compassion humanitaire, insuffisante pour arrêter les hostilités. Et l’opinion russe, qui pourrait faire cesser la guerre, assommée par la propagande, ne réagit pas efficacement.
Wladimir Poutine pense sans doute comme le héros de Michel Houellebecq dans anéantir : « Une guerre est le moyen le plus sûr de ressouder une nation, et d’améliorer la popularité du chef de l’État. » Cynisme absolu mais très répandu !
Lénine écrivait en 1902 : Que faire ? Un livre sur la stratégie à adopter pour asseoir le pouvoir communiste en Russie. Il a mis 15 ans et une guerre mondiale pour y parvenir. Cent ans après, nous en subissons encore les terrifiantes conséquences. On ne se débarrassera jamais de la guerre, peut-être du plastique ?