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Révolution

Medaille de lauverjat

Le jour de gloire du charcutier Lauverjat

Le 07/04/2023

Le jour de gloire du charcutier Lauverjat

Extrait du livre “Terreur à Brest, Jean-Nicolas Trouille et la Révolution”

Le 27 novembre 1791 un attroupement de plusieurs centaines de personnes, principalement des marins, se produit devant l’hôtel où déjeune M. André de la Jaille, capitaine de vaisseau. La veille, à la Société des amis de la constitution, nous avions décidé que cet homme, considéré comme un ennemi de la Révolution, ne devait pas prendre le commandement du Dugay-Trouin, navire à destination de Saint-Domingue. Il est sans doute renvoyé aux Antilles pour y opérer la contre-révolution. L’information venait des marins du Léopard qui rapportaient que l’officier avait rétabli l’ordre à Port-au-Prince en 1790. C’est un scélérat qui a fait rougir des boulets pour tirer sur les patriotes.

 Les manifestants menés par le capitaine d’infanterie de marine Roffin, entrent dans l’hôtel, se pressent autour de La Jaille, lui signifient qu’il ne commandera plus aucun navire et le somment de quitter Brest immédiatement. La Jaille lève sa fourchette et répond qu’il le fera quand il aura fini de déjeuner. Il est hué, bousculé. Bien obligé de sortir, il se dirige vers la porte de Landerneau, pressé par une foule de plus en plus nombreuse. Il parvient quand même au relais de poste et monte en selle. Mais les sans-culottes le font descendre de cheval et le ramènent en ville. Poussé, tiré, on lui met le couteau sous la gorge, on lacère ses vêtements en entaillant la peau. Le malheureux se débat comme il peut.

Une mégère dépoitraillée avise un dragon qui regarde la scène bêtement sans réagir. Elle lui arrache son sabre et le présente au charcutier Lauverjat. On est devant sa boutique. Elle pense sans doute qu’un charcutier sera plus qualifié qu’elle, pour saigner et débiter en morceaux, un cochon d’aristocrate. Lauverjat saisit le sabre mais au lieu de s’attaquer à La Jaille, il se tourne vers la foule et s’écrie : « Vous êtes des scélérats ! Le premier qui approche, je l’embroche comme un poulet. » Le charcutier est cerné par les manifestants et il aurait rapidement succombé malgré sa corpulence et sa force, si je n’étais arrivé [c'est Trouille qui parle], accompagné du marchand de vin Prigent, du sellier Plessis, du caporal Tulpin et du sous-côme Biozon.

Nous mettons la Jaille en sureté au poste de garde de la porte de Landerneau, sous les insultes et hurlements des sans-culottes. La municipalité enfin prévenue, décide d’enfermer André de la Jaille au château. Son transfert n’est pas sans risques, il faut descendre toute la rue de Siam. Mollement défendu par la Garde nationale, c’est les habits littéralement en loques qu’il est poussé dans une cellule infecte. Il y restera cinq jours. Libéré il va se réfugier dans son manoir du Roual en Lannilis, d’où il écrit un plaidoyer à la Société des amis de la constitution de Paris, dont il fait partie depuis le premier jour. L’aurait-on su, il n’est pas sûr que les sans-culottes brestois lui eussent réservé un meilleur sort. À l’assemblée, les députés de Brest déclarent que : « l’insigne aristocrate ne l’a que trop mérité ».

Le roi n’est pas de cet avis. Il m’écrit le 28 février 1792 :

« Vous avez, Monsieur, courageusement défendu et puissamment concouru à sauver la vie d’un citoyen, le 27 novembre dernier à Brest.

J’ai pensé qu’un tel acte de civisme et de valeur ne devait pas rester sans récompense.

Je vous donne une médaille d’or, sur laquelle j’ai fait graver une inscription, qui rappelle la belle action que vous avez faite. Soyez toujours fidèle à la nation, à la loi et au Roi.

Signé : Louis »

Le Conseil général de la commune de Brest organise la cérémonie de remise des médailles aux récipiendaires (ceux que j’ai cités plus haut), les administrateurs du directoire du district et le procureur syndic sont invités. Après lecture des lettres du roi, le maire nous présente les médailles. Unanimement nous les refusons malgré l’insistance du conseil.

Lauverjat lui, accepte la récompense. Mandé à Paris il reçoit des propres mains du roi un sabre d’honneur et une médaille d’or sur laquelle est gravé : « Pour avoir courageusement défendu et sauvé la vie d’un citoyen le 27 nov. 1791 à Brest. » Quant à André de la Jaille, dégoûté de la Révolution, il émigrera peu après.

On peut noter que le portrait de la médaille n’est guère flatteur et qu’il est mentionné roi des Français et non pas roi de France. Nous sommes en novembre 1791, le roi vient d’accepter la nouvelle constitution et reprend ses fonctions après son arrestation à Varennes.

Chouans

La bataille de Kerguidu

Le 26/09/2019

        La bataille de Kerguidu a été popularisée par le livre en breton de Lan Inizan (publié en 1877). Le Breton rebelle, jaloux de sa liberté, est prêt à donner sa vie pour sa famille, sa religion, sa terre. Il est bien douloureux d’être opprimé, il n’y a de honte qu’à se soumettre. En 1793, les paysans et les villageois sont excédés par les réquisitions de leurs maigres récoltes et la persécution de leurs prêtres. Survient la levée en masse de 300 000 hommes décidée par la Convention le 24 février 1793. C’en est trop. Les paysans du Léon s’insurgent aussitôt. Le tirage au sort des conscrits tourne à l’émeute et bientôt en bataille rangée. Celle de Kerguidu suit de quelques jours le combat de Saint-Pol-de-Léon qui fit trois morts parmi les Républicains.

        Le rapport du citoyen Prat, commissaire du district de Lesneven qui accompagnait le Général Canclaux à Kerguidu, est sans doute le plus proche de la vérité sur ce qui s’est passé. Il n’a que faire d’un patriotisme breton, sa nation c’est la France et elle est en danger.

        Les paysans avertis de l’arrivée de Canclaux, coupent la route de Lesneven à Saint-Pol, en détruisant le pont sur la rivière Guillec à la hauteur de Kerguidu, le samedi 23 mars 1793. L’eau haute et le courant rapide rendent très difficile le passage à gué et impossible le franchissement sous le feu ennemi. Le lendemain, dimanche des rameaux, le régiment des volontaires du Calvados, la Garde nationale de Saint-Pol, renforcée de celle de Morlaix, soit 460 hommes au total, se rendent à Kerguidu avec un chariot chargé de poutres et de planches pour réparer le pont. Ils disposent d’un canon. Plusieurs milliers de paysans sont embusqués dans le bois de Kerminguy pour empêcher les Républicains de passer. Le combat s’engage vers dix heures du matin. On remarque parmi les insurgés, plusieurs femmes qui se battent avec beaucoup de courage et de résolution. Les Républicains sont en infériorité numérique. Bientôt encerclés, ils se forment en carré sur une éminence, rive droite de la rivière. Dans cette manœuvre précipitée, le canon a roulé dans un trou. Essieu cassé, la pièce est hors d’usage. La situation semble critique quand le Général Canclaux arrive, avec 1 200 hommes de la garnison de Brest, du côté de Lesneven. Ses deux canons de huit mis en batterie, font fuir les paysans qui gardent le pont détruit. Ils escaladent les talus et s’embusquent derrière pour continuer à tirer.

        Courageusement, les charpentiers patriotes de Saint-Pol réparent sommairement le pont sous le feu des insurgés. Les troupes du Général Canclaux franchissent enfin le Guillec et chargent à la baïonnette sur la rive gauche. Les paysans se débandent. Un canon positionné sur l’éminence ainsi libérée, sème le désordre dans les rangs des insurgés. Canclaux lance alors l’assaut sur la rive droite, les paysans pris à revers s’enfuient. Cinq sont fait prisonniers, dont une femme. Elle porte encore sur elle deux pistolets chargés. Les Républicains peuvent faire leur jonction et marchent sur Saint-Pol, harcelés sans répit par les insurgés embusqués derrière les haies et les talus. Arrivés au croisement du chemin de Landivisiau à hauteur de Plougoulm, les paysans barrent la route. Le combat est bref, le canon ouvre la route de Saint-Pol. Les républicains y arrivent au crépuscule.

         On ignore combien de paysans ont été tués dans l’affaire, ils sont sans doute revenus chercher leurs morts pendant la nuit. Ils seraient probablement plus d’une centaine, (L’historien Albert Laot pense à seulement 6 morts, l’abbé Cadic à 120 et le Général Canclaux les évalue à 400). Les républicains n’ont eu que 8 blessés.

        La commission militaire chargée de juger les rebelles pris les armes à la main, se réunit le premier avril 1793. Le 4 elle condamne à mort Jean Pedel cabaretier au Relecq en Guipavas (Relecq-Kerhuon aujourd’hui) et le 5 elle condamne François Guiavarch cultivateur a Keros en Guipavas, immédiatement exécutés (il y a eu probablement d’autres exécutions). Le tribunal criminel condamne à mort François Barbier notaire et maire de Ploudalmézeau qui tente de s’ouvrir les veines avec un mauvais couteau dans la nuit. Sauvé par ses gardiens, il marche d’un pas ferme le lendemain vers l’échafaud. Le 23 avril, condamnation à mort de Jean Prigent maire de Plouzévédé, un des notables les plus actifs de l’insurrection. L’exécution a lieu à Lesneven pour bien montrer aux insurgés ce qu’ils risquent en se rebellant contre la République. Le 11 avril 1793 La convention nationale décrète que l’administration départementale et le Général Canclaux avaient bien mérité de la patrie.

Malmanche2

Brest, meurtre du Lieutenant Patrys

Le 02/04/2019

           Juin 1791. Le désordre est total à Brest. On ne sait plus qui commande. Les marins et les soldats se mutinent, ils ne veulent plus obéir à des officiers nobles (la moitié des officiers ont déjà quitté ou ne réintègrent pas le service après des congés). Les chefs militaires de la place de Brest démissionnent les uns après les autres, considérant leur tâche impossible. Les ouvriers de l’arsenal se mettent en grève et manifestent avec violence dans les rues. Ils ne sont pas payés régulièrement et refusent les assignats (il faudra qu’ils s’y fassent). Les ecclésiastiques réfractaires sont emprisonnés au Château, tandis que les prêtres constitutionnels sont insultés et caillassés par les femmes dans la rue. La Société des amis de la constitution s’immisce dans toutes les affaires, y compris militaires et s’oppose à la municipalité trop timorée à son avis. La chiourme s’agite, la Garde nationale est obligée d’intervenir au bagne. Les sans-culottes brestois maintiennent une agitation permanente et s’opposent aux patriotes modérés, bourgeois, commerçants et artisans. L’excitation est à son comble quand on apprend la fuite du Roi.

          Les officiers de l’armée de terre ont l’habitude de se réunir au café de la Comédie, situé à l’angle de la rue Saint-Yves et de la rue d’Aiguillon. Des sans-culottes aperçoivent sur une table des graffitis anti révolutionnaires. Ils demandent : « Qui a fait ça ? » Un jeune officier du régiment du Poitou nommé Patrys se lève et dit fièrement : « C’est moi ! » Il s’en suit une bagarre, les uns courent dehors en criant au contre-révolutionnaire pour ameuter les sans-culottes, les autres se saisissent de Patrys, le traîne hors du café et avec un couteau de cuisine, lui détachent la tête du corps. Ses camarades retranchés dans le fond de la salle ont dégainé leur épée et tiennent les sans-culottes en respect.

           Le maire, Charles François Malmanche prévenu, arrive rapidement accompagné des administrateurs du district. Mais c’est trop tard pour Patrys. Aidé par un groupe de patriotes de bonne volonté, Malmanche réussit à extraire du café les autres officiers et à les mettre en sureté. Plantée sur une pique, la tête du jeune lieutenant est promenée par les rues de Brest et son corps jeté dans le ravin du Pont de terre. Première victime de la Révolution à Brest. Il y en aura beaucoup d’autres, dont Malmanche lui-même.