La bataille de Kerguidu a été popularisée par le livre en breton de Lan Inizan (publié en 1877). Le Breton rebelle, jaloux de sa liberté, est prêt à donner sa vie pour sa famille, sa religion, sa terre. Il est bien douloureux d’être opprimé, il n’y a de honte qu’à se soumettre. En 1793, les paysans et les villageois sont excédés par les réquisitions de leurs maigres récoltes et la persécution de leurs prêtres. Survient la levée en masse de 300 000 hommes décidée par la Convention le 24 février 1793. C’en est trop. Les paysans du Léon s’insurgent aussitôt. Le tirage au sort des conscrits tourne à l’émeute et bientôt en bataille rangée. Celle de Kerguidu suit de quelques jours le combat de Saint-Pol-de-Léon qui fit trois morts parmi les Républicains.
Le rapport du citoyen Prat, commissaire du district de Lesneven qui accompagnait le Général Canclaux à Kerguidu, est sans doute le plus proche de la vérité sur ce qui s’est passé. Il n’a que faire d’un patriotisme breton, sa nation c’est la France et elle est en danger.
Les paysans avertis de l’arrivée de Canclaux, coupent la route de Lesneven à Saint-Pol, en détruisant le pont sur la rivière Guillec à la hauteur de Kerguidu, le samedi 23 mars 1793. L’eau haute et le courant rapide rendent très difficile le passage à gué et impossible le franchissement sous le feu ennemi. Le lendemain, dimanche des rameaux, le régiment des volontaires du Calvados, la Garde nationale de Saint-Pol, renforcée de celle de Morlaix, soit 460 hommes au total, se rendent à Kerguidu avec un chariot chargé de poutres et de planches pour réparer le pont. Ils disposent d’un canon. Plusieurs milliers de paysans sont embusqués dans le bois de Kerminguy pour empêcher les Républicains de passer. Le combat s’engage vers dix heures du matin. On remarque parmi les insurgés, plusieurs femmes qui se battent avec beaucoup de courage et de résolution. Les Républicains sont en infériorité numérique. Bientôt encerclés, ils se forment en carré sur une éminence, rive droite de la rivière. Dans cette manœuvre précipitée, le canon a roulé dans un trou. Essieu cassé, la pièce est hors d’usage. La situation semble critique quand le Général Canclaux arrive, avec 1 200 hommes de la garnison de Brest, du côté de Lesneven. Ses deux canons de huit mis en batterie, font fuir les paysans qui gardent le pont détruit. Ils escaladent les talus et s’embusquent derrière pour continuer à tirer.
Courageusement, les charpentiers patriotes de Saint-Pol réparent sommairement le pont sous le feu des insurgés. Les troupes du Général Canclaux franchissent enfin le Guillec et chargent à la baïonnette sur la rive gauche. Les paysans se débandent. Un canon positionné sur l’éminence ainsi libérée, sème le désordre dans les rangs des insurgés. Canclaux lance alors l’assaut sur la rive droite, les paysans pris à revers s’enfuient. Cinq sont fait prisonniers, dont une femme. Elle porte encore sur elle deux pistolets chargés. Les Républicains peuvent faire leur jonction et marchent sur Saint-Pol, harcelés sans répit par les insurgés embusqués derrière les haies et les talus. Arrivés au croisement du chemin de Landivisiau à hauteur de Plougoulm, les paysans barrent la route. Le combat est bref, le canon ouvre la route de Saint-Pol. Les républicains y arrivent au crépuscule.
On ignore combien de paysans ont été tués dans l’affaire, ils sont sans doute revenus chercher leurs morts pendant la nuit. Ils seraient probablement plus d’une centaine, (L’historien Albert Laot pense à seulement 6 morts, l’abbé Cadic à 120 et le Général Canclaux les évalue à 400). Les républicains n’ont eu que 8 blessés.
La commission militaire chargée de juger les rebelles pris les armes à la main, se réunit le premier avril 1793. Le 4 elle condamne à mort Jean Pedel cabaretier au Relecq en Guipavas (Relecq-Kerhuon aujourd’hui) et le 5 elle condamne François Guiavarch cultivateur a Keros en Guipavas, immédiatement exécutés (il y a eu probablement d’autres exécutions). Le tribunal criminel condamne à mort François Barbier notaire et maire de Ploudalmézeau qui tente de s’ouvrir les veines avec un mauvais couteau dans la nuit. Sauvé par ses gardiens, il marche d’un pas ferme le lendemain vers l’échafaud. Le 23 avril, condamnation à mort de Jean Prigent maire de Plouzévédé, un des notables les plus actifs de l’insurrection. L’exécution a lieu à Lesneven pour bien montrer aux insurgés ce qu’ils risquent en se rebellant contre la République. Le 11 avril 1793 La convention nationale décrète que l’administration départementale et le Général Canclaux avaient bien mérité de la patrie.