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Blog

Le roman

"Ulysse" de James Joyce

Le 29/08/2025

Ulysse

Je viens d’achever la lecture d’Ulysse de James Joyce après trois tentatives infructueuses (se limitant aux pages 10 à 12) en cinquante ans. Le livre est réputé illisible, 704 pages en livre de poche, en caractères minuscules, marges de 1,5 cm. Un pavé. James Joyce a mis sept ans pour l’écrire, j’ai mis six mois pour le lire et j’avoue que j’ai sauté certains paragraphes. Le livre (fragile) est ruiné.

Il faut dire que l’auteur ne se soucie guère du lecteur. On ne sait pas trop qui est le conteur ni de (ou à) qui il parle, en revanche il donne des précisions irritantes sur le prix d’objets, le nom du magasin où on peut les acheter et son adresse complète à Dublin. Le roman se déroule sur une seule journée (le 16 juin 1904) et une nuit qui paraissent parfois bien longues. On sent une certaine lassitude de l’auteur vers la fin du livre (où il aère un peu son discours en  étranges questions-réponses) qui se termine cependant en apothéose, l’auteur se mettant dans la peau d’une femme pour cinquante pages, sans ponctuation et sans aller à la ligne une seule fois (féministes s’abstenir).

Le style est souvent allusif, élusif comme peut l’être un monologue intérieur qui n’a pas à se faire comprendre par autrui. Le vocabulaire est flamboyant, on y trouve une mixture de plusieurs langues dont le latin, de néologismes et de barbarismes comiques (et même du breton, peut-être du gaëlique ou est-ce une fantaisie du traducteur ?). Tout ça ne facilite pas la compréhension du texte qui de plus fait de fréquentes allusions à l’histoire de l’Irlande dont beaucoup de détails m’échappent. D’où l’oblitération de certain passages.

Il faut de la patience pour lire ce livre ou, comme le préconise un certain critique, piocher au hasard dans les pages, on tombera probablement sur une pépite. Il n’est pas nécessaire de tout lire pour apprécier ! Et si vous aimez les livres illisibles il vous reste “Au-dessous du volcan” de Malcolm Lowry : « Il faut beaucoup de chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse ».  

La Dame blanche apparait, cassandre messagère de mort

La dame blanche

Le 27/07/2025

La Dame blanche

Les témoignages abondent. Vous pouvez la voir surtout les soirs de brume, à l’orée des bois, sur les routes désertes, aux rivages des eaux sombres, sur les ponts gagnés par le brouillard glacé qui monte d’une rivière. Forme blanche indistincte d’abord, elle se précise, élancée dans sa longue robe blanche. Elle esquisse un geste comme si elle voulait suggérer quelque chose, indiquer un danger, peut-être barrer le chemin si un malheur vous attend là où vous allez.

On ne sait si elle est bienveillante ou perverse. Souvent elle annonce la mort, émissaire blanc d’un crime de sang, d’un accident terrible. Un témoin l’a vue apparaître  sur le pont de Plougastel un soir tempétueux. Le lendemain on trouvait sur la grève le cadavre désarticulé d’un homme qui se serait jeté du haut du pont. Le témoin encore imbibé d’alcool lors de sa déposition aux gendarmes, n’était peut-être pas digne de foi.

Dans la cour d’une ferme au Zorn, le soir de la veillée de Noël, une épaisse brume venant de la mer estompe les bâtiments et le puits. Une étrange lueur qui flotte sur l’aire de battage intrigue le paysan. Il sort. La lueur se précise. C’est une femme en robe blanche. Elle regarde fixement dans la direction du tracteur, à l’abri dans le hangar où sont rangés les instruments aratoires. La femme du paysan sur le pas de la porte du logis hurle à son mari de rentrer. La vision disparait. Dans la cheminée, le feu s’est éteint brusquement. La veillée est écourtée, tout le monde va se coucher. Personne ne dormira. Quelques jours plus tard, le fils des fermiers, âgé de quatorze ans conduit le tracteur, il met une roue dans un fossé. Le tracteur verse. L’enfant meurt écrasé.

Et les témoignages datent de longtemps. Sur le champ de bataille d’Eylau, au lendemain soir du massacre, les cadavres de chevaux et les morts, couverts de neige, bossuent la plaine à perte de vue. Une Dame blanche semble errer parmi les corps comme si elle cherchait quelqu’un. Elle disparaît enfin dans le cimetière où eurent lieu de terribles combats. Des petits trous dans la neige témoignent des larmes qu’elle aurait versées.

Ou encore sur le môle du port de Concarneau, la Dame blanche, échevelée malgré l’absence de vent, les bras en croix, semble vouloir dissuader les pêcheurs de thons d’appareiller. Les dundees partiront tout même. Deux-cent-sept pêcheurs périront dans la tempête horrible qu’ils subiront en novembre 1930 dans le golfe de Gascogne.

Fantôme, la Dame blanche l’est assurément. Mais pourquoi cette femme à la robe blanche et aux longs cheveux de lin s’intéresse-t-elle à la mort, sans jamais pouvoir l’éviter. Cassandre fantomatique, esprit condamné pour un crime inexpiable ou bonne volonté d’un ectoplasme maladroit et impuissant, la Dame blanche compagne de la mort, se contente de  terroriser les vivants.

Je suggèrerais à cette bonne dame de se rapprocher de la Prévention routière. Une présence opportune pourrait suggérer aux conducteurs imprudents, alcoolisés ou survoltés, une prudence plus efficace que la peur du gendarme. Ou alors, plus simple, un panneau figurant la Dame blanche pourrait s’allumer automatiquement à la détection d’un fou du volant dans ses œuvres (privilégier les sorties de boîtes de nuit). Un hologramme serait encore mieux.

Derrière le mur, ou mourir sans peine grâce aux logarithmes

Derrière le mur

Le 30/06/2025

Derrière le mur

Comment aborder ce mur qui borne la vie ? Interrogation nébuleuse de tous les âges, de toutes les conditions, de toutes les circonstances.

C’est cette approche qui guide ces récits, parfois fondés sur des faits réels ou de pure imagination. Fins héroïques, volontaires, accidentelles, résignées ou révoltées, elles ne sont que le reflet de la vie, avec souvent de fatales erreurs de jugement, erreurs humaines par excellence, faillites de la Raison jusqu’à en être comiques.

Combats guerriers sur terre et sur mer, histoires d’amour et d’orgueil, sciences, secrets et maléfices inspirent ces récits de vie conduisant finalement à sauter ce mur qui en fin de compte n’existe peut-être pas. C’est la thèse farfelue de ce livre, la mort logarithmique ! Ces histoires, illustrées de dessins de l’auteur, n’ont pas plus de sens que l’existence elle-même.

ISBN : 978-2-414-80896-0

Nombre de pages : 273

Prix : 18,90 €

Editions Edilivre (contact@edilivre.com)

La gravié, notre poids, reste un phénomène innexpliqué

La gravité

Le 29/05/2025

Gravité

La gravité est ce qui nous tient les pieds sur terre. Notre poids en résulte. Mais ce phénomène qui nous attire vers le centre de la terre reste un mystère des plus prégnant de la physique. Newton puis Einstein l’ont mis en équation. Des lois précises gouvernent les mouvements des corps massifs mais n’expliquent nullement pourquoi, les masses s’attirent mutuellement (en fonction inverse du carré de leur distance) pas plus que l’inertie qu’elles présentent (la masse pesante est strictement égale à la masse inertielle, pourquoi ?).

La matière est composée de molécules, associations d’atomes. Les atomes ont un noyau (si l’atome a la taille de la tout Effel, le noyau est gros comme un petit-pois) entouré d’un nuage d’électrons. Le noyau est constitué de quarks encore mille fois plus petits. Les électrons et les quarks sont des particules élémentaires, on ne leur connait pas de constituants. Pour tenir ensemble les électrons échangent en permanence des photons (particules élémentaire également) dans un halo de particules virtuelles. Dans le noyau, les quarks sont soudés par des gluons qui mènent une sarabande effrénée dans ce qu’on appelle la mer. On devrait plutôt dire une partie de cache-cache. Un coup je suis là, un coup je ne suis plus là. Tout ça dans un feu d’artifice de photons. En permanence l’énergie se transforme en matière et inversement suivant la fameuse formule E=mc2.

On pourrait croire que cette connaissance intime de la matière explique la gravité, il n’en est rien. La matière est composée de particules, l’énergie est composée de quanta (petites quantités non sécables). La gravité au contraire agit sur la forme de l’espace, le temps et les vitesses, grandeurs qui sont continues (elles peuvent prendre n’importe quelle valeur). Il est difficile d’imaginer un espace discontinu ou un temps avec des trous entre des séquences infinitésimales. Nous avons déjà le vide, alors le vide de vide ? Le temps mis sur pause ? Des physiciens optimistes ont inventé le graviton, pendant des particules médiatrices des forces fondamentales qui assurent la stabilité des atomes (c’est la gravité quantique). Les équations correspondantes ont eu pour résultat une infinité d’infinis, ce qui n’est pas raisonnable, compte tenu que l’infini n’existe pas dans la nature. La découverte du graviton bouleverserait la physique mais existe-t-il ?

Une autre particule, l’inflaton participerait à l’expansion extraordinaire du début de l’univers « mais concernant le big bang, nous n’avons pas non plus la preuve de l’inflation et dire quand l’univers est né n’a aucun sens puisque nous sommes incapable de décrire le temps (la durée) à ces époques-là… (David Elbaz) » L’écoulement du temps, les scientifiques vulgarisateurs qui tentent d’expliquer la naissance de l’univers se gardent bien d’en parler (ils ont bien un planning mais il est si précis qu’on flaire le faux témoignage, les physiciens les plus honnêtes parlent de gastrophysique, ça leur fait mal au ventre !). Si le temps est fonction du champ de gravité comme le prévoit la relativité générale, comment en tenir compte pour la gravité colossale des origines ?    

Lors de la visite du pape Jean-Paul II au CERN, un scientifique lui expliquait le fonctionnement du LHC (ce tunnel de 27 km de circonférence où des protons entrent en collision) en lui disant : « C’est ici que nous créons des particules ». Le pape lui a répondu : « C’est ici que vous produisez des particules, la création reste notre affaire ! » (cité par Yann Mambrini La nouvelle physique, Albin Michel). En effet si rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme (Lavoisier) », la création primordiale, le début de l’univers, s’explique plus facilement si on fait intervenir la puissance divine qui aurait fait le tout à partir de rien. Malheureusement Jean-Paul II n’a pas fait beaucoup avancer la science.

Les éoliennes tueuses de faucons durement sanctionnées

Les éoliennes tueuses

Le 29/04/2025

Espèces menacées

Le tribunal de Montpellier a ordonné le 7 avril 2025, l’arrêt pendant quatre mois des 31 éoliennes du parc d’Aumelas (Hérault), période correspondant à la présence du faucon crécerellette, une espèce migratoire menacée de disparition, dont 150 à 300 individus ont été tués par les pales des éoliennes, malgré les dispositifs d’effarouchement. En outre, EDF Renouvelable (EDF R) et neuf de ses filiales qui exploitent le site, ont été condamnés à de lourdes peines d’amendes (jusqu’à 500 000 € chacune dont 250 000 avec sursis) et l’ancien P-DG d’EDF R à six mois de prison avec sursis et 100 000 € d’amende (dont 30 000 € avec sursis). L’association à l’origine de la plainte reçoit 228 000 € de dédommagement. EDF R est aussi condamné à verser à l’État 74 087 € au titre de réparation du préjudice écologique. Appel a été interjeté mais il y a exécution provisoire (c’est nouveau pour les oiseaux, les hommes et les femmes politiques ne seront pas jaloux).

Dura lex, sed lex ! Aurait-on surpris le P-DG d’EDF R à tirer au fusil sur ces petits faucons si mignons qu’il n’aurait pas été plus durement condamné. Comment après des années de procédures, de millions d’euros dépensés, d’enquêtes publiques, de plaintes des riverains, de décisions finalement favorables des autorités et enfin de vingt ans d’exploitation, peut-on arriver à de telles condamnations ? Ce n’est pas bien de tuer des oiseaux protégés (les autres non plus) mais ce n’est pas le but des éoliennes. Elles sont installées pour nous protéger, nous humains et tous les êtres vivants, du réchauffement climatique, sauver la planète aussi parait-il. Toutes les éoliennes tuent des oiseaux, il faudrait donc renoncer à ce mode de production d’énergie ? C’est les riverains des parcs de moulins à vent qui seraient contents.

Peut-être que dans le cahier des charges de construction des éoliennes il était mentionné qu’elles ne devaient pas tuer d’oiseaux d’espèces protégées. Autant demander à un fusil de choisir ses cibles, ça arrangerait les chasseurs malvoyants. On demande bien aux pécheurs de ne pas prendre de dauphins.

La solution est de consommer moins d’énergie car, quoi qu’on fasse, sa production et son utilisation sont toujours polluantes, dangereuses et délétères. On n’en prend pas le chemin, loin de là. Je crois qu’il n’y a pas de jugement assez sévère pour le misérable néanderthalien qui a domestiqué le feu, notre première énergie (les Grecs l’avaient compris qui avaient enchainé Prométhée pour qu’un aigle vienne lui picorer le foie, voilà sa punition pour avoir donné le feu aux hommes).

Le tribunal de Montpellier a récidivé le 9 avril en condamnant, avec exécution provisoire, la société d’énergies renouvelables du Languedoc (ERL) à un an de suspension et à 200 000 € d’amende dont 100 000 avec sursis, pour le meurtre d’un aigle royal par une éolienne du parc de Bernagues. Son dirigeant écope d’une amende de 40 000 € dont 20 000 avec sursis. C’était un mercredi, le procureur, qui avait mangé une volaille à midi, n’a pas requis de prison contre lui.

Baptême des bleus à l'ETM traditions et anecdotes mémorables

Baptême aux Ecoles Techniques de la Marine

Le 28/03/2025

Le baptême ETM

Septembre 1963, je suis reçu aux Écoles Techniques de la Marine de Pontanézen à Brest. Me voilà pratiquement assuré de devenir un cadre de la Direction des Constructions et Armes Navales (DCAN). J’ai bien entendu dire qu’un baptême carabiné est réservé aux bleus mais ce ne doit pas être si terrible. Rendez-vous est donné place de Strasbourg ou un car de la marine nous prendra pour nous conduire à l’école.

Un énorme véhicule bleu nous embarque. À deux cents mètres du portail de l’école, le car s’arrête. Il faut descendre. Les anciens nous attendent armés de matraques confectionnées avec des plans d’atlas, en papier fort roulé serré.

« En canard ! » L’injonction est appuyée de coups de matraques. Nous obéissons plus ou moins vite mais il faut s’y résoudre. Tous accroupis nous progressons vers la porte de l’école. Pour l’instant l’humiliation est plus forte que la douleur mais l’exercice, qui sera répété maintes et maintes fois, deviendra bientôt une véritable épreuve. Enfin on peut s’assoir dans l’amphi, discours sur les traditions sacrées de l’école. Les consignes sont données pour la semaine. Il faut apporter un bleu de chauffe et chacun devra fournir un litre de cachet bleu, le vin à douze degrés, le rouge qui tache. Commence l’apprentissage du bleu.

D’abord les chansons : « La vieille » hymne de l’école, effectivement très vieux puisqu’on y parle de l’école de Maistrance (à ne pas confondre avec l’école de Maistrance qui forme les officiers marinier) créée en 1820 et qui a fonctionné jusqu’à 1912. J’en entends encore des paroles :

« Parfois on voit déambuler

Dans les rues sans se presser,

Un joyeux groupe chantant toujours

Le vin, la pipe et les amours… »

Puis « La jeune » qui me semble dater d’avant-guerre à cause de paroles de père de famille (on recrutait plus vieux à l’époque). On chante à genoux sur les tables, sans doute pour nous mettre sur les rotules et ça fait mal.

Encore cinq jours à tenir. Parfois nous avons le droit à un moment de détente sur le terrain de sport. Il faut trouver des trèfles à quatre feuilles ou faire des tours de piste, la veste à l’envers, en chantant « Petit papa Noël » de Tino Rossi. Ou moins élégant, à la file indienne, collés les uns aux autres en psalmodiant : « J’ai quelque chose de pointu qui me rentre dans le cul ».

L’aspect psychologique n’est pas négligé. Il est prévu qu’il faudra passer à la piscine pour la traverser en apnée. Parmi nous certains ne savent même pas nager. C’est l’angoisse. Les anciens les installent sur une table à dessin pour apprendre la brasse. C’est comique la bonne volonté qu’ils mettent à gesticuler sur le ventre. Une fois l’apprentissage de la nage effectué nous descendons un par un à la piscine. Une grande bâche dissimule le bassin. Elle s’ouvre et le malheureux nageur est précipité dans une baille pleine d’eau. Il n’y a pas eu de noyé cette fois.

Dans les moments de détente nous faisons des fleurs en papier crépon, je ne sais pas encore à quoi elles vont servir mis à part la Romance à la rose, petite chanson ridicule que nous devons chanter à genoux pour une gente dame hypothétique. On s’entraine avec des poireaux.

« La fleur que ma main vous donne, cueillie au lever du jour

Est une rose d’automne, qui vient du jardin d’amour

Si vous l’effeuillez Madame, ayez des gestes très doux

Car c’est le meilleur de mon âââme, cueilli pour vous. »

 

La Poste a des problèmes de célérité et de respect des hommes

La Poste

Le 27/02/2025

La poste

Une lettre postée à La Rochelle le 16 décembre 2024, est arrivée à Brest le 24 janvier 2025. Nous savions qu’elle était en chemin depuis Noël, aussi quelle joie de la voir arriver chez nous. Quelle célérité ! 38 jours de voyage, presque en plein hiver.

Les sacs bourrées de lettres, chargés à l’aube dans le coffre de la diligence de la poste, sur la grande place de la ville huguenote, par les employés emmitouflés qui se pressent dans le froid humide de ce matin de décembre, portent les écrits soigneusement calligraphié de notaires consciencieux, de parents inquiets, d’amoureux séparés, de débiteurs en retard ou de créanciers exaspérés, de soldats et de marins loin de leur famille, d’écrivains désespérés, de poètes maudits, d’enfants exilés… enfin toute la joie, la misère et l’espérance d’un peuple, dans ces lettres qui arriveront à destination, sorties des sacoches de cuir des facteurs familiers, distribuées deux fois par jour aux destinataires impatients.

La diligence est partie, tirée par quatre postiers bretons fringants, crinière au vent. Ils ne voient pas la route car on leur a mis des œillères mais ils sentent aux jarrets, les côtes qu’il faut gravir en tirant la lourde voiture. Le fouet claque sur leur échine sans les toucher, leur intimant l’obligation de tirer plus fort. Sous les encouragements orduriers du cocher, les fers de leurs sabots lancent des étincelles sur les cailloux du chemin où d’ornières en nid de poule, rebondissent les roues cerclées de fer du char du courrier. Les chevaux en leur for intérieur pensent au relai de poste où dételés, bouchonnés, on leur mettra un sac d’avoine sur le museau. Ils resteront debout, pensifs et frissonnants en attendant de nouveaux efforts, de nouvelles routes, encore des claquements de fouet et des invectives dans une langue inconnue.

Sur les belles routes de France, ombragées par des lignes d’arbres centenaires, le courrier avance vite, distribué à qui de droit, dans le moindre hameau, à chaque ferme isolée. Point de boîte aux lettres, la missive est donnée en main propre avec les nouvelles que le facteur augure : « C’est de votre fils du Tonkin, ça fait un an qu’il y est, il va revenir bientôt, va ! » Ça mérite bien un verre de vin.

Trente-huit jours pour faire près de cinq cent kilomètres, ce n’est pas un exploit, mais le résultat du travail obstiné de La Poste (la lettre aurait pu ne jamais arriver). L’oiseau bleu qui figure sur son sceau a voyagé sur le dos d’un escargot, à cause des grèves.

L’organisation gigantesque robotisée s’est perdue dans un management forcené. Le fouet ne sied pas aux hommes, ils en meurent parfois (des dirigeants de La Poste ont été condamnés pour ça).

La Cour des comptes estime que La Poste coûte trop cher (bénéfice net en 2024 : 1,4 milliard d'euros). Un service public trop cher ? Pas rentable ? Yaka le supprimer. Comme disait Staline, le problème c’est les hommes, plus d’hommes plus de problème. 

Philippe Siou, prof de lettres et poète, 1970-2013

Philippe Siou

Le 28/01/2025

Philippe Siou

Tu nous as quitté il y a douze ans, la douleur est toujours là. La tempête de ces jours de fin janvier nous rappelle celle du 28 janvier 2013 où dans la nuit, nous roulions vers toi dans l’enfer trouble des bourrasques et des larmes.

Tu nous a laissé un livre de chansonnettes comme tu disais : « La pipe à l’envers ». Tu les chantais dans les boîtes et les bars de Lille où leur énormité faisait rire parfois ou laissait pantois les auditeurs qui n’en croyaient pas leurs oreilles.

Mais à relire ces textes, ces poèmes dans tous les sens du terme, on ressent le spleen qui sous-tend toute ton œuvre et ta vie, l’ailleurs du poète au milieu « du désert des hommes » évoqué dans une langue savante, mêlée de vieux français, d’argot, de régionalismes et de néologismes savoureux. Chansons insolites, insolentes et rebelles : « Que mâle mort poigne vos ors et vos toasts. » La messe est dite. Il faut vivre encore un peu.