Articles de siou-gilbert

La robe rouge
La robe rouge
J’ai lu « La servante écarlate » de Margaret Atwood, au programme du bac cette année. Ça m’a remis en mémoire une autre dystopie (le contraire d’une utopie) bien plus ancienne : « Ravage » de René Barjavel. Curieusement, dans les sociétés décrites dans ces deux livres, certaines femmes sont tenues de porter une robe rouge.
Margaret Atwood publie son roman en 1985, elle y met en scène à peu près toutes les horreurs dont sont capables les sociétés totalitaires : les pendaisons en groupe, les enfants volés, l’interdiction de l’apprentissage de la lecture, la restriction du droit à la propriété, la captation des biens par la classe dirigeante et la transgression par celle-ci des règles qu’elle impose au vulgum pecus. Dieu cautionne l’oppression. Et la guerre reste indispensable.
Dans le roman de Margaret Atwood les femmes ne sont pas toutes des servantes en robe rouge destinées à la procréation, elles participent à tous les niveaux du pouvoir, mais à titre décoratif semble-t-il, comme la femme du « Commandant ». La servante écarlate n’est rien d’autre qu’une mère porteuse. Elle est fécondée par le mari, couchée entre les cuisses de l’épouse stérile et elle accouche entre ses jambes sur une « Chaise d’accouchement ». Déjà dans la Bible, après Sarah, Rachel (La Genèse 30 1-3) : « Rachel dit à Jacob : “Fais-moi avoir aussi des enfants ou je meurs ! […] Voici ma servante Bilha. Va vers elle et qu’elle enfante sur mes genoux, par elle j’aurai moi aussi des enfants”. »
Il faut se souvenir que Barjavel écrit « Ravage » en 1942 en pleine guerre mondiale. La quasi-totalité du roman décrit une suite de massacres, de destructions et d’incendies. Le héros, François, tue sans état d’âme à coups de hache, le veilleur qui s’est endormi, mettant ses compagnons en danger. C’est lui qui fonde la société d’après-guerre. Les hommes décimés sont quatre fois moins nombreux que les femmes. Il faut vite faire des enfants. À cent-vingt-neuf ans il remplace sa septième femme par une fillette de dix-huit ans qui quelques mois plus tard, revêt la robe rouge des femmes enceintes.
François règne sur la région Alpes-côte d’Azur. Il impose la polygamie. « Les plus mous [des hommes] durent acquérir du caractère pour faire régner la paix entre leurs femmes. » Le chef lui, honore une de ses épouses chaque jour, la préférée passe le dimanche, la plus moche « se rase la moustache le vendredi » (jour de pénitence ?). Il limite le droit de propriété en interdisant à un homme de posséder plus de terre qu’il n’en puisse faire le tour à pied en une journée (la plus longue de l’été quand même).Tous les livres sont brûlés (sauf les livres de poésie) et seuls les chefs de village sauront écrire. Le père choisit l’époux de sa fille pour créer « une race de maîtres ». Le machinisme honni est proscrit dans tous les domaines (Barjavel le considère comme la cause de tous les maux, un de des fils de François paiera de sa vie d’avoir construit une espèce d’automobile).
Margaret Atwood en 1985 dénonce le totalitarisme machiste qui persiste dans nos sociétés et qui risque toujours de s’imposer sous la pression des hommes, avec la complicité des religions. Barjavel préfère la paix de la dictature des mâles aux massacres de la guerre. Le patriarche règne avec l’aide de Dieu. Travail et famille, il ne manque plus que la patrie pour que le maréchal Pétain soit totalement satisfait. L’important c’est de faire des enfants. Il y a probablement quelque ironie sournoise dans « Ravage ». Barjavel n’aurait pas pu décrire un monde libertaire né de la guerre. Il aurait surement été censuré.
La robe rouge dans beaucoup de civilisations est la robe de mariée. Les symboles qui s’attachent au rouge sont bien trop nombreux, aussi je m’arrêterai là.

Le jour de gloire du charcutier Lauverjat
Le jour de gloire du charcutier Lauverjat
Extrait du livre “Terreur à Brest, Jean-Nicolas Trouille et la Révolution”
Le 27 novembre 1791 un attroupement de plusieurs centaines de personnes, principalement des marins, se produit devant l’hôtel où déjeune M. André de la Jaille, capitaine de vaisseau. La veille, à la Société des amis de la constitution, nous avions décidé que cet homme, considéré comme un ennemi de la Révolution, ne devait pas prendre le commandement du Dugay-Trouin, navire à destination de Saint-Domingue. Il est sans doute renvoyé aux Antilles pour y opérer la contre-révolution. L’information venait des marins du Léopard qui rapportaient que l’officier avait rétabli l’ordre à Port-au-Prince en 1790. C’est un scélérat qui a fait rougir des boulets pour tirer sur les patriotes.
Les manifestants menés par le capitaine d’infanterie de marine Roffin, entrent dans l’hôtel, se pressent autour de La Jaille, lui signifient qu’il ne commandera plus aucun navire et le somment de quitter Brest immédiatement. La Jaille lève sa fourchette et répond qu’il le fera quand il aura fini de déjeuner. Il est hué, bousculé. Bien obligé de sortir, il se dirige vers la porte de Landerneau, pressé par une foule de plus en plus nombreuse. Il parvient quand même au relais de poste et monte en selle. Mais les sans-culottes le font descendre de cheval et le ramènent en ville. Poussé, tiré, on lui met le couteau sous la gorge, on lacère ses vêtements en entaillant la peau. Le malheureux se débat comme il peut.
Une mégère dépoitraillée avise un dragon qui regarde la scène bêtement sans réagir. Elle lui arrache son sabre et le présente au charcutier Lauverjat. On est devant sa boutique. Elle pense sans doute qu’un charcutier sera plus qualifié qu’elle, pour saigner et débiter en morceaux, un cochon d’aristocrate. Lauverjat saisit le sabre mais au lieu de s’attaquer à La Jaille, il se tourne vers la foule et s’écrie : « Vous êtes des scélérats ! Le premier qui approche, je l’embroche comme un poulet. » Le charcutier est cerné par les manifestants et il aurait rapidement succombé malgré sa corpulence et sa force, si je n’étais arrivé [c'est Trouille qui parle], accompagné du marchand de vin Prigent, du sellier Plessis, du caporal Tulpin et du sous-côme Biozon.
Nous mettons la Jaille en sureté au poste de garde de la porte de Landerneau, sous les insultes et hurlements des sans-culottes. La municipalité enfin prévenue, décide d’enfermer André de la Jaille au château. Son transfert n’est pas sans risques, il faut descendre toute la rue de Siam. Mollement défendu par la Garde nationale, c’est les habits littéralement en loques qu’il est poussé dans une cellule infecte. Il y restera cinq jours. Libéré il va se réfugier dans son manoir du Roual en Lannilis, d’où il écrit un plaidoyer à la Société des amis de la constitution de Paris, dont il fait partie depuis le premier jour. L’aurait-on su, il n’est pas sûr que les sans-culottes brestois lui eussent réservé un meilleur sort. À l’assemblée, les députés de Brest déclarent que : « l’insigne aristocrate ne l’a que trop mérité ».
Le roi n’est pas de cet avis. Il m’écrit le 28 février 1792 :
« Vous avez, Monsieur, courageusement défendu et puissamment concouru à sauver la vie d’un citoyen, le 27 novembre dernier à Brest.
J’ai pensé qu’un tel acte de civisme et de valeur ne devait pas rester sans récompense.
Je vous donne une médaille d’or, sur laquelle j’ai fait graver une inscription, qui rappelle la belle action que vous avez faite. Soyez toujours fidèle à la nation, à la loi et au Roi.
Signé : Louis »
Le Conseil général de la commune de Brest organise la cérémonie de remise des médailles aux récipiendaires (ceux que j’ai cités plus haut), les administrateurs du directoire du district et le procureur syndic sont invités. Après lecture des lettres du roi, le maire nous présente les médailles. Unanimement nous les refusons malgré l’insistance du conseil.
Lauverjat lui, accepte la récompense. Mandé à Paris il reçoit des propres mains du roi un sabre d’honneur et une médaille d’or sur laquelle est gravé : « Pour avoir courageusement défendu et sauvé la vie d’un citoyen le 27 nov. 1791 à Brest. » Quant à André de la Jaille, dégoûté de la Révolution, il émigrera peu après.
On peut noter que le portrait de la médaille n’est guère flatteur et qu’il est mentionné roi des Français et non pas roi de France. Nous sommes en novembre 1791, le roi vient d’accepter la nouvelle constitution et reprend ses fonctions après son arrestation à Varennes.

L'eau
L’eau
Quoi de plus banal que l’eau ? Même si elle fait l’actualité régulièrement à cause d’une probable sécheresse durable en France, il ne s’agit que d’un liquide incolore, inodore et sans saveur omniprésent, qui nécessite un parapluie quand il pleut. L’eau est pourtant un liquide extraordinaire.
Physiquement d’abord, l’eau détient le record de chaleur spécifique pour un liquide c’est-à-dire qu’il faut plus de chaleur pour faire bouillir de l’eau que pour tout autre liquide (si on excepte le mercure, lui aussi extraordinaire puisque c’est le seul métal liquide à température ambiante). Ça n’étonne personne de voir la glace flotter et pourtant cela résulte d’une anomalie. L’eau solidifiée est moins dense que l’eau liquide, ce qui ne se produit pour aucun autre corps. Dans le cas contraire la glace coulerait et les océans polaires seraient entièrement transformés en glace. La densité maximum de l’eau (douce) se trouve à plus quatre degrés, si bien qu’elle ne peut geler en profondeur (pour l’eau de mer c’est un peu différent mais le résultat est le même). Si l’anomalie de densité n’existait pas le climat serait totalement différent et la vie serait peut-être absente sur la terre.
L’eau est un solvant universel. Dans la mer, pratiquement tous les éléments chimiques sont présents en solution, pour beaucoup en faible proportion. En extraire de l’or comme ça déjà été tenté à Guernesey est une utopie, pourtant l’or est bien présent. D’autres métaux se retrouvent en concrétion au fond de la mer mais l’exploitation des nodules métalliques se révèle assez problématique.
Sur terre l’eau se trouve partout, même en plein Sahara l’humidité peut provoquer de la gelée blanche le matin. À Toulon sous le cagnard, le gosier sec, l’air peut être à 90% d’humidité, la sueur perle au moindre effort ! Ce qui n’est pas le cas à Brest (sauf pour le gosier). Cependant l’eau douce est rare, rivières, lacs et glaces ne représentent que 0,02 % de l’eau de surface. Il faut aller la chercher dans les nappes phréatiques à des profondeurs pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de mètres. Les nappes aquifères sont plus profondes encore. Enfin dans le manteau terrestre, entre 500 et 600 km de profondeur on trouve une couche de roches contenant une quantité d’eau considérable, comparable aux océans de surface. La planète bleue est gorgée d’eau. Les êtres vivants aussi.
L’eau est présente partout dans l’univers, généralement sous forme de glace. On en trouve sur la Lune, sur Mars, sur les astéroïdes. Il y a même un océan liquide sur Encelade satellite de Saturne, sous une couche de glace de 20 km d’épaisseur ainsi que sur Europe et Ganymède satellites de Jupiter, également sous une croute de glace très épaisse. On ne sait pas encore si la vie peuple ses eaux.
L’apparition de la vie sur terre est très probablement liée à la présence d’eau. Et sans eau, pas de vie possible. Les anciens l’ont bien compris qui font du titan Océan, un des premier et des plus puissants dieux. Le frère de Zeus, Poséidon dieu de la mer, exerce son hubris sur les eaux et la terre, provoquant tremblements de terre et tempêtes terrifiantes.
L’eau est aussi un solvant du péché originel puisqu’elle permet de s’en laver par le baptême. Saint Jean Celui qui a vu raconte : « Arrivés à Jésus ils le trouvèrent mort ; ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais l’un des soldats, de sa lance, lui perça le côté et aussitôt il sortit du sang et de l’eau… » (19 33) Le sang atteste du sacrifice du Christ et l’eau, symbole de l’Esprit, sa fécondité spirituelle. Dans le sang les chrétiens reconnaissent l’eucharistie et dans l’eau le baptême, l’eau lustrale.
L’eau lustrale, l’eau qui purifie, n’est-ce pas là sa meilleure définition ? Et une bonne raison pour la garder propre. Ne pissons pas dans le bénitier !

De l'infini
De l’infini
L’infini n’existe pas dans la nature (tout au plus peut-on parler de singularité dans les équations d’Einstein quand il arrive à une solution infinie qu’il sait bien irrecevable). Le signe représentant l’infini en mathématiques est un huit couché (
Et pourtant l’infini est partout. En Dieu bien sûr, infiniment bon, infiniment aimable… Dans la durée perçue, infiniment démesurée dans la souffrance, fugace dans le bonheur. Quant à la mort, on pourrait dire que c’est l’asymptote de la vie, repoussée à l’infini puisque personne ne vit sa mort (sauf ceux qui ont vécu une expérience de mort imminente).
L’univers ne peut être infiniment grand puisque rien ne l’est dans le monde matériel. L’univers observable est borné par l’expansion, quand celle-ci atteint la vitesse de la lumière aucune information ne peut plus nous parvenir. Cependant il n’y a pas de raison pour qu’il ne s’étende pas plus loin. On en restera aux spéculations sur sa taille, à moins d’un progrès décisif sur sa nature globale. Un univers fermé par exemple, qui se replie sur lui-même à l’image de l’anneau de Möbius mais on échoue encore à mesurer sa courbure, si elle existe.
Nous butons également sur l’infiniment petit. Les atomes mesurent un dixième de milliardième de mètre (10-10m). Leur noyau constitué de neutrons et de protons, est dix mille fois plus petit (10-14 m). Ceux-ci encore dix fois plus petits, sont constitués de quarks au moins mille fois plus petit que les protons (10-18 m) mais leur taille est hypothétique, de même que celle des électrons. Il se pourrait que quark et électrons soient ponctuels. La physique quantique est si étrange que quelque chose qui n’existe pas (le point matériel) pourrait bien exister quand même (comme le chat de Schrödinger mort et vivant à la fois). Nous voilà ramenés à l’infini mystérieux encore hors de portée de nos mesures, limitées actuellement au niveau du milliardième de milliardième de mètre.
Pourquoi l’infini nous préoccupe-t-il tellement (je parle pour moi) ? Parce qu’il est en nous. Non que l’intelligence soit infinie, elle a ses limites mais sa production, les idées, n’ont pas de limite. Dieu est né ainsi. « Le Dieu de la nature est le Dieu des Français » dit une chanson révolutionnaire à la gloire de l’Être suprême, régression des idées divines proche de l’animisme primitif. Infini de l’âme éternelle.
En fin de compte l’infini existe parce que nous pouvons le concevoir, tout comme bien des choses qui n’existent pas, les licornes ou la paix dans le monde.

Il y a dix ans disparaissait Philippe Siou
Philippe
Il y a dix ans, dans la nuit et la tempête, nous roulions vers La Rochelle, stupéfiés par la nouvelle de ta mort. Dans un état hors de nous-mêmes, comme flottant dans un océan de souffrances. Aujourd’hui tu nous accompagnes toujours : souvenirs, images, textes, chansons, comme polis par le temps. Et l’osmose de la mémoire qui laisse au passé les douleurs les plus vives…
Il y a dix ans, Anaïs, Maëlie, Léo, Camille, Estelle… élèves de sixième et de quatrième vous nous avez adressé des petits billets, des lettres, des dessins qui disent tous combien vous aimiez votre prof de français, sa culture, son humour, ses histoires, sa compassion et sa gentillesse aussi pour ceux qui avaient de mauvaises notes. L’un deux a simplement écrit : « Triste ».
Vous qui l’avez connu et aimé ses cours, vous avez maintenant entre 20 et 25 ans. Je suis certain que vous vous souvenez encore de lui, que la tristesse que vous avez pu ressentir à sa disparition est dissipée et qu’il ne reste qu’un souvenir tendre et joyeux de ce prof atypique qui jouait de la guitare. Et peut-être aussi quelques règles de grammaire et de précieux mots savants.
À toujours Philippe.

Terreur à Brest, Jean-Nicolas Trouille et la Révolution
J'évoque dans ce livre la vie quotidienne à Brest de 1789 à la Restauration. Je retrace les grands évènements auxquels les Brestois et leurs élus ont participé : la chute du roi, la bataille de Kerguidu, l'éviction des Girondins, le combat naval de Prairial, etc. L'installation du Tribunal révolutionnaire et de la guillotine à Brest ajoute l'horreur des exécutions arbitraires à la situation désastreuse de la ville : disette, émeutes, mutineries, chômage, épidémies, rébellions des campagnes, blocus anglais...
Jean-Nicolas Trouille, ingénieur des bâtiments civils de la marine, vénérable de la loge des Elus de Sully, commandant de la garde nationale de Brest, député de la ville au Conseil des 500 puis directeur des Travaux maritimes, est un acteur important dans l'épopée révolutionnaire brestoise.

Demoiselle
Demoiselle
Bras dessus, bras dessous, nous marchons allègrement au rythme de nos presque 80 ans quand une gamine nous rattrape. Nous nous saluons comme il est de coutume à la campagne. L’enfant au lieu de poursuivre à son allure, règle son pas sur le nôtre. Nous cheminons ensemble. Elle est jolie, le teint mat, les joues rosies par le grand air. Élégante (à la mode de son âge), elle porte un sac à dos pas trop lourd et montre son nombril malgré la température automnale.
Mon épouse, experte en conversation impromptue (elle arrêterait le cours du soleil si elle pouvait lui parler), l’interroge doucement. Elle est en sixième, sort d’un cours d’histoire géo qu’elle a passé dans la vallée du Nevent à construire des cabanes. Elle rentre chez elle en espérant que son père sera déjà là. Sa maman travaille et rentrera plus tard. Souvenirs, nous aussi nous n’aimions pas rentrer à la maison et la trouver vide. Avec une inquiétude légère, un manque de baisers, le front contre la vitre froide on attendait que le foyer revive.
L’enfant nous comprend. Elle est pareille. Bientôt elle nous quitte. Elle habite ici. On ne lui a pas dit : « Au revoir Mademoiselle. » c’est interdit. Mademoiselle est une désignation discriminante. La remplacer par Madame serait ridicule peut-être mais pourquoi pas. On dit bien Monsieur à un jeune garçon qui ne mérite pas toujours autant d’emphase. Mais Madame ne va pas non plus car : Le genre n’est pas nécessairement un caractère déterminant de l’identité et on ne peut pas en présumer en se fondant simplement sur l’apparence d’une personne (Rokhaya Diallo).
Pauvre fille, dans peu d’années quand sa féminité explosera, aspirera-t-elle à vivre en dehors des étiquettes genrées (idem) ? La beauté, la légèreté, l’esprit portés par ses ailes de Demoiselle devront-ils (le masculin s’impose encore car l’esprit l’emporte sur la beauté et la légèreté) se priver d’étiquette pour ne pas participer à l’affrontement délicieux des sexes ? Certes, il ne faut pas revenir au Moyen âge où les nobles Dames attachaient leur voile à la lance du chevalier allant jouter pour elles, ce serait déchoir. Les femmes aujourd’hui, tiennent aussi bien la lance que les hommes.

Black friday
Black Friday
Black Friday, vendredi noir
Jour maudit, désespoir.
L’obscurité s’abat
Sur le Golgotha.
Mais nous sommes de la religion
Des consuméristes compulsifs
Optimistes excessifs,
Nous achetons et achetons.
Comme des Américains
C’est bien le moins.
Et surtout moins cher.
On n’en a pas besoin si on est sincère,
Mais à ce prix-là, c’est quand même une affaire.
Le vendredi tout est permis :
C’est que du bonheur, la planète se réjouit
À ce qu’on dit :
Le CO² gonfle, la famine sévit,
Les incendies ravagent
Les espaces civilisés ou sauvages,
La mer monte, le corail meurt
(On s’en fout, on n’est pas acheteur),
Bien gérée, la pandémie
Nous laisse l’atonie,
Des guerres lointaines ou proches tuent…
Chez nous l’administration s’évertue
Lentement à disparaître
Derrière les robots nos maîtres.
Les services publics deviennent rentables
Quand ils sont passés sous la table.
L’argent est partout, virtuel,
Invisible, inépuisable, perpétuel.
Pendant ce temps, ce noir vendredi
Nous achetons à crédit
(Y en aura pas pour tout le monde,
Et moi et moi et moi !)
Crédit sur la fin du mois
Crédit sur l’utilité profonde
Crédit sur la pollution et la santé
Crédit sur la qualité…
Le vendredi est noir
Au sortir des dépotoirs,
Pardon, des dépôts-ventes
Ou des dépôts qui mentent.
Et que faire de ces achats ?
Je donne ma langue au chat !

Le nombre d'or
Le nombre d’or est généralement noté φ (lettre grecque phi). C’est aussi le logo de la France insoumise (FI). Le nombre d’or est le rapport idéal entre deux grandeurs (longueur, largeur par exemple). Est-ce une façon subliminale de la FI de se placer sur l’échelle des valeurs politiques françaises ?
Le nombre d’or ou division en extrême ou moyenne raison (raison est à prendre au sens latin de ratio), est défini par l’équation : (a+b)/a=a/b=φ qui peut s’écrire aussi : φ²- φ-1= 0 équation du second degré qui admet facilement pour solutions (si on n’a pas trop dormi pendant les cours de maths en seconde) :
φ'= 1,618… et φ''= - 0,618… On voit mal ce que pourrait représenter un nombre d’or négatif, aussi on ne le retient pas. Curieusement φ est un nombre irrationnel c’est-à-dire qu’on ne peut pas l’obtenir par la division de deux nombres entiers, ce qui est quand même un comble pour un nombre qui s’écrit a/b. Les mathématiciens depuis l’antiquité s’acharnent à donner une signification au nombre d’or, particulièrement en géométrie où il sublime triangles, polyèdres, spirales logarithmiques, etc.
Les ufologues les mieux informés, le tiennent pour un legs des extraterrestres. On retrouve le nombre d’or dans les proportions de la pyramide de Chéops, particulièrement dans la chambre du roi et, avec un mètre élastique, dans la plupart des monuments antiques (que nos ancêtres n’auraient jamais pu construire avec leurs moyens rudimentaires sans l’aide des Aliens).
Un savant comme Kepler, à qui on doit les lois de déplacement des planètes, tenait le nombre d’or pour un joyau précieux. Il arrondissait ses fins de mois en fournissant des horoscopes, comme quoi les mathématiques mènent à tout. Avec plus ou moins de précision, la plupart des grandes œuvres d’art peuvent se rapprocher du nombre d’or, depuis les proportions de l’homme de Vitruve (Léonard de Vinci) jusqu’au modulor de Le Corbusier.
Le nombre d’or atteint à la gloire au XIXe siècle avec le positivisme, qui prétend que tout peut être déterminé si on connaît les conditions initiales et les lois qui s’appliquent. Le nombre d’or en est une. La beauté serait alors liée au nombre d’or et le beau mis en équations, y compris en anatomie, en peinture, en architecture, voire en musique. L’art n’est plus qu’une question de calcul.
Il reste que si vous ne savez pas ce qui est beau, choisissez votre environnement en fonction du nombre d’or. Par exemple si vous mesurez 1,80 m, vous devez vous unir à une personne de 1,11 m ou, en sens inverse de 2,91 m (bon, ça ne fonctionne pas très bien, il faut croire qu’il n’y a pas de règle d’or pour constituer les couples). En revanche si vous achetez une table, pour que celle-ci soit parfaite, à une largeur d’un mètre doit correspondre à une longueur de 1,618 m (peu importe le nombre de convives).
La moyenne et extrême raison φ existe dans la nature, la pomme de pin en est un exemple approximatif. En fin de compte, en cherchant bien on la trouve partout, même en politique où règne on le sait, l’extrême raison qu’on appelle aussi le pouvoir.

Modération
Avec modération
Le vingtième siècle a été celui de tous les excès, le vingt et unième sera-t-il celui de la modération ? Après un siècle de guerres, de massacres, de famines, d’exploitation des nations et des hommes, de destruction de la nature, d’application de doctrines délirantes, l’humanité va-t-elle se calmer un peu ?
On pourrait le croire en regardant notre télévision. Et le marqueur civilisationnel qu’est la publicité. Les spiritueux sont vantés mais à consommer avec modération. Les voitures magnifiques et luxueuses ne brûlent presque plus de pétrole mais il est recommandé de les laisser au garage, pour prendre son vélo ou les transports en commun au quotidien. Des nourritures succulentes vous sont proposées mais il ne faut pas abuser du gras, du sucré et du salé. On a même inventé une fourchette modératrice pour signaler par vibrations, que le gourmand mange trop vite.
On nous montre des séquences de rêve sous les tropiques mais il est dangereux de s’exposer au soleil. Mettez de la crème solaire pour la protection mais n’en mettez pas si vous vous baignez, car ça pollue la mer. Allez en vacances au bout du monde pour moins de 100 euros mais ne prenez pas l’avion. Vapotez pour arrêter de fumer. Bref il faut se modérer en tout, résister à la publicité. La réduction de temps passé devant les écrans est également recommandée.
La modération est partout, parfois seulement en faux-semblants comme la modération des profits ou plus réelle, celle des retraites et des salaires. Modération aussi sur la consommation d’énergie, il va falloir baisser le chauffage (électrique) cet hiver quand bientôt toutes nos voitures seront électriques (avec des puissances sidérantes de plusieurs centaines de radiateurs domestiques). Mais elles rouleront à vitesse modérée. Il faut favoriser l’activité physique mais tout est fait pour qu’on n’ait aucun effort à fournir (en dehors de la salle). Ne marchez plus, prenez la trottinette électrique.
En communication (les réseaux sociaux) la réserve n’est pas de mise mais il est prévu des modérateurs automatiques qui censurent textes et images grâce à l’intelligence artificielle. Combien de temps faudra-t-il pour que celle-ci distingue l’île de Sein d’un site érotique et la statue de David (de Michel-Ange) d’un attentat à la pudeur ? Modérateurs aussi dans les débats sur les plateaux télé (tâche ingrate s’il en est). Et dans l’édition nous avons les sensitivy readers ou démineurs éditoriaux, chargés d’expurger des manuscrits ce qui pourrait être ressenti comme offensant par les membres d’une minorité.
Et le sexe donc ! Modération aussi, alors que la pornographie est en accès libre, que la mode est aux fesses nues sur les plages. Les plaisanteries grivoises sont interdites et gare aux égarements gestuels, la bien-pensance veille et condamne le verrat au pilori médiatique, sans appel (Tartuffe n’est pas mort·e).
Enfin, oublions la violence, contraire de la modération. En politique l’invective est de tous les temps et les excès actuels, par leur sottise, prêtent plutôt à rire. Ce siècle ne sera pas plus pacifique que les autres. Depuis Étéocle et Polynice, les frères humains se déchirent, la modération en matière de guerre est seulement une question de moyens. Souhaitons qu’ils restent limités, faute de pouvoir les supprimer.
Restons hypocrites si nous ne voulons pas désespérer.

La Cour d'amour
La cour d’amour
Un vent aigre souffle sur les Alpilles en ce mois de janvier 1421. Le myrte, piqué de mille aiguilles de glace, se réfugie dans les failles aigües des roches fendues. Le soleil blanc, sur le bleu roi du ciel, renonce à chauffer les pierres. Dans la plaine, les oliviers font le gros dos pour résister au froid et les vignes nues se tordent de douleur. Seuls quelques cyprès bravent la tempête et pointent par défi leurs verdures vénéneuses, dans l’air empli de sifflements glacés.
Dans la salle haute du château des Baux, un grand feu dans la cheminée armoriée, éclaire une assemblée noble enfouie sous d’épaisses fourrures. Antoinette de Turenne, épouse du maréchal de France Boucicaut, préside la Cour d’amour sur un lit couvert de peaux d’ours. Couché près d’elle sous les fourrures, le troubadour Bernard de Pignerol chante les arrêts rendus au Parlement d’amour de Pierrefeu d’où il vient. Seul un autre homme, François de Betas un chevalier de passage, a été admis dans la salle.
Les femmes, serrées autour du feu, tendrement enlacées ou alanguies sous les peaux de bêtes, s’appellent par des noms d’oiseaux. Antoinette se fait appeler la Dame de Aigle (le blason de Boucicaut est d’argent à l’aigle de gueules, becqué et membré d’azur), la Dame de Lignères répond au doux nom de Rossignol, l’héritière de Castelbayac est Mésange bleue, Mademoiselle de Chambriac Bergeronnette, la vieille Madame de Colleville ne craint pas de se faire appeler Messire Corbeau et les Pinson, Linotte, Merlette … attendent impatiemment leur tour de parler, car en Parlement d’amour, la présidente seule accorde la parole.
Dame Rossignol parle la première :
– Le cas de l’amour de l’Aigle pour son chevalier Boucicaut ne peut-il être jugé en cour d’amour ? Enfin, comment un pareil guerrier, toujours absent, souvent couvert de plaies et de bosses, peut-il honorer sa Dame, lui faire sa cour mignonne et prouver par des gages autres que sanglants, un amour sans fin. Sa valeur dans les tournois ou au combat, sa piété et sa gloire sont-ils suffisants pour une fin’amor, infinie et sacrée ? Entre époux qui plus est !
Antoinette intervient :
– La fin’amor dit-elle, n’est pas impossible entre époux comme l’a prétendu Marie de France dans son célèbre verdict de 1147. Jean et moi-même en sommes la preuve.
Bernard de Pignerol, le troubadour lève le bras :
– Si notre hôtesse le permet, le cas sera jugé. Dame Aigle étant partie prenante ne peut présider, je propose donc qu’elle cède la place à Messire Corbeau. Le chevalier Betas assurera la défense du Maréchal et je serai le procureur de la fin’amor.
Chacun s’installe confortablement pour le procès. Le troubadour s’approche d’Antoinette et l’accole gentiment pour la caresser sous les couvertures, le procureur ne lui est pas hostile, tant s’en faut. La Dame n’en laisse rien paraitre. Le Chevalier Betas se lance dans l’apologie de Jean II Le Meigre dit Boucicaut, prisonnier des Anglais depuis la bataille d’Azincourt :
– Il combat en tous lieux où l’appellent son Roi et la défense de la religion du Christ. Capturé par les infidèles en Tunisie, il reste prisonnier quatre mois au Caire. Puis il se joint aux chevaliers teutoniques, se bat en Prusse et en Lituanie et attaque les Polonais à Elbing. Le Roi le fait Maréchal de France à Königsberg. […]
La guerre continuelle décime les hommes des familles nobles. Souvent le père et les fils périssent ensemble. Les fiefs tombent en quenouille, les veuves subissent enlèvements, mariages forcés, spoliations de leurs biens ou pire encore. Boucicaut veut y porter remède. Il crée en 1399 l’ordre de la ‟Dame blanche à l’écu vert”. L’esprit de cette institution était de parcourir les campagnes, de visiter les châteaux, d’offrir des secours aux beautés malheureuses, aux amantes abandonnées, aux Dames vertueuses que la violence enchaînait, de redresser les torts, de faire rendre raison à toutes les Dames qui auraient été offensées en leurs biens ou leur honneur.
Bernard de Pignerol se soulève sur le coude pour plaider. Antoinette pousse un léger soupir, comme si elle regrettait que le troubadour s’écarte d’elle le moindrement.
– La Dame de l’aigle a 17 ans quand elle épouse Boucicaut, ici même. Jean a 29 ans. Ils ne se sont jamais rencontrés auparavant. Antoinette, héritière de la vicomté de Turenne, était destinée au Prince de Tarente, frère de Louis II d’Anjou mais le Roi de France veut mettre fin à la guerre qui ravage la Provence par une meilleure alliance […]
La Dame de l’Aigle demande la parole, Messire Corbeau d’un geste l’invite à parler :
– François de Betas a évoqué les exploits de mon époux, il n’a pas parlé de l’homme qu’il était dans son particulier. Nous ne nous connaissions pas avant les épousailles et cependant, l’amour entre nous est né très vite. Je ne saurai dire avec quelle douceur, quelle délicatesse il a su me séduire, m’enchanter…
Le procureur s’impatiente sous sa peau d’ours :
– Mais l’amour Madame, enfin, le Maréchal n’aime-t-il que vous ?
– Oui certes ! Il m’a donné un gage d’amour sans fin quand il a créé en 1399 l’ordre de la Dame blanche à l’écu vert.
– Comment ça ?
– Parce que en s’engageant à défendre les femmes en danger, il met ses armes à mon service. Toutes celles qu’il sauve sont moi, sous une autre personne. […] Ainsi, quand le Maréchal secoure une femme, toutes peuvent compter sur lui, et il m’offre cette lutte, ses exploits, à moi, la première des femmes de son cœur. Sa devise est : ‟Ce que vous voudrez”. Y a-t-il plus courtois ?
Antoinette pousse un petit cri et serre fortement ses cuisses sur la main du troubadour. Au même moment, Jean II Le Meingre dit Boucicaut, Maréchal de France, pose sa plume après avoir écrit un dernier poème pour son épouse :
‟O noble chose est que l’amour qui bien en sçait user, quoy que à tort aulcun le blasme ! Car si mal en prend à ceulx qui a droit n’en scavent user, ce n’est pas la coulpe d’amour ; car en soi il est bon.”
Puis il se couche sur la paille de sa prison du Yorkshire pour ne plus se relever. Fin juin (1421), après une longue lutte, le chevalier de la Dame blanche à l’écu vert rendit son âme à Dieu. Aux Baux de Provence, le verdict de la cour de fin’amor lui avait été favorable.
(Extrait de mon livre L’ombre du désir aux éditions Itinéraires.)

Les aventures du chevalier de Fréminville
Les aventures du chevalier de Fréminville, marin savant et travesti
Pour ceux qui n’auraient pas encore lu le livre en voici un extrait :
« Notre capitaine décide de rallier Cherbourg. Mais la route est longue et on ne peut porter que les basses voiles. Il fait presque nuit quand nous arrivons dans l’ouest de Cherbourg. Il faut embouquer la passe de Querqueville sans trop s’approcher de la côte.
Je suis sur le point de me coucher, épuisé, quand la cloche appelle tout le monde sur le pont. Je me précipite sur l’échelle pour gagner la batterie et de là le panneau de l’arrière quand, dans un coup de roulis terrible, la frégate se couche sur tribord. Les boulets sortent de leurs parcs et roulent avec fracas sur le pont. Je suis sur l’échelle. Elle sort de ses taquets et me frappe violemment sur les côtes. Je me raccroche de justesse au surbau du panneau au-dessus de ma tête. Ainsi pendu dans le vide, une douleur intense me déchire la poitrine. Un canonnier m’a vu. Il me tire par les bras de ma situation critique. Le navire s’est enfin redressé. Je me traîne sur le tillac en crachant du sang.
Dans une demi-obscurité, la tempête mène une bacchanale ahurissante. Des murs d’eau noire sillonnés d’écume sale, menacent de s’effondrer sur nous. Le vent arrache littéralement le sommet des vagues et nous arrose en permanence d’une douche glacée. Les nuages noirs sont frangés de lueurs de sang et la lune apparaît par instant, phare blafard jetant son linceul sur le navire et la mer. L’idée de la mort m’assaille et bizarrement, je n’ai pas peur. La douleur qui se manifeste à chaque mouvement que je fais, à chaque choc que le navire m’inflige, me signifie que je suis encore vivant. Je ne vais pas mourir. Je m’accroche à un canon pour ne pas être emporté par les masses d’eau qui balayent le pont.
Le vent nous pousse à la côte, il faut virer de bord, remettre de la toile. Le grand hunier déferlé, se déchire et claque comme un fouet. Le commandant Laignel jambes écartées, porte-voix à la main, parfaitement calme, ordonne de larguer le petit hunier. Les gabiers hésitent à monter sur la vergue. Un élève de seconde classe, Monsieur Heuverard montre l’exemple et s’élance le premier. La voile est établie et bordée. Elle tient bon. La frégate abat enfin et vient vent arrière. Nous regagnons le large. Je voudrais me coucher mais le poste est bouleversé, inondé, mon hamac trempé. Je me rencogne entre deux couples, secoué de quintes de toux douloureuses. Je ne dormirai pas. »

Le tabou du neuf
Le tabou, interdiction sociale sans fondement apparent, nous vient du fond des âges. Il persiste encore dans nos sociétés sous des formes évoluées.
« Le primitif met un tabou là où il redoute un danger. Ce danger est, d’une façon générale, un danger psychique […] il ne distingue pas le danger matériel du danger psychique ni le réel de l’imaginaire. Dans sa conception animiste et logique du monde, tout danger prend sa source dans le dessein hostile d’un être animé qui lui ressemble, qu’il s’agisse d’un danger menaçant provenant d’une force naturelle ou de celui provenant de choses, d’hommes ou d’animaux. […] Les dangers dont se croit menacé l’anxieux, ne répondent jamais si fort à son attente qu’au début de la situation dangereuse, et c’est alors seulement, qu’il convient de s’en protéger. » (Freud)
C’est le tabou du neuf, de ce qui n’a encore jamais servi. La virginité chez les femmes en est l’exemple le plus cruel. Les ponts aussi. Il faut qu’une autorité supérieure les franchisse d’abord (le pontife responsable du pont sacré à Rome) pour écarter le mauvais sort qui pourrait frapper celui qui ose passer le premier sans cérémonie (ou sans évoquer les Dieux à qui on doit tout, y compris les ponts). La pose de la première pierre aussi (un notable chasse le mauvais sort à coup de truelle). Ce qui n’a jamais servi doit donc être inauguré, béni ou baptisé (les navires au lancement) avant d’être sacrifié à l’usage commun. Ainsi honoré, le produit neuf se laissera faire sans dommage. Je n’ose évoquer la bénédiction nuptiale qui est d’un tout autre ordre.
Un équipement pourrait se venger sans pitié en cas d’outrage (on a l’exemple du Titanic qui coule lors de sa traversée inaugurale, sans doute pour punir le constructeur qui le prétendait insubmersible). Moins grave est l’angoisse pour une femme, de paraître sur la plage dans un maillot neuf à la dernière mode. Il faut transgresser le tabou qui interdit de montrer ses fesses.
Le tabou du neuf se manifeste de multiples manières. On peut laisser la boîte d’un meuble IKEA dans un coin sans l’ouvrir, plusieurs semaines, pour faire baisser le stress du montage, comme si celui-ci était enfermé dans l’emballage et s’évaporait progressivement. Le tabou de la robe de mariée que le futur époux ne doit pas voir avant la cérémonie, sous peine d’un mariage raté. La voiture neuve que le vendeur dévoile devant vous en enlevant sa housse : tada ! C’est comme si vous étiez le premier à la voir nue, tabou pour les autres, cadeau pour vous seul…
Le tabou du neuf s’est maintenu malgré la civilisation. Sa signification première est identique à celle des coutumes taboues qui sont observées encore aujourd’hui chez les primitifs. « Nous oublions trop facilement que ces peuples eux aussi, vivent dans une civilisation très éloignée des temps archaïques. Une civilisation aussi vieille dans le temps que la nôtre, et qui correspond elle aussi à un stade de développement avancé, quoique différent du nôtre » (Freud). L’homme craindra toujours l’imprévisible, et même si on ne prête plus une âme à l’échelle, on évitera de passer dessous.

L'enfer
Cette nuit j’ai reçu un message venant des profondeurs du sommeil. Je ne sais comment le Diable a trouvé l’adresse de mes rêves. C’est vrai qu’aujourd’hui on peut difficilement protéger ses données personnelles. Je n’ai pourtant pas fait dernièrement, d’achat sur l’Enfernet. Un représentant des Établissements infernaux m’a contacté (avec un fort accent étranger). Il s’est présenté : Iblîs (Je pense qu’il appelle du Magreb).
– Vous avez récemment effectué un voyage au ciel, n’est-ce pas ?
– Oui.
– J’espère que vous en êtes satisfait. Nous vous offrons maintenant, gratuitement, une excursion en enfer qui sera, nous l’espérons, bien plus excitante et chaleureuse que votre visite du ciel. Tout est compris, les protections thermiques nécessaires, les masques à adduction d’air réfrigéré, les bas de contention, le paracétamol, etc…
– Ça ne m’intéresse pas.
– Vous avez dit oui, ce message est enregistré…
Je n’ai pas le temps de me réveiller, je suis plongé dans un noir absolu. Je cherche à regarder l’heure sur le radioréveil (mon repère la nuit quand je me lève). Il a disparu. Lentement mes yeux s’accoutument à l’obscurité. Je distingue enfin une enseigne lumineuse verdâtre au-dessus d’une porte monumentale. Je lis : « Vous qui entrez, abandonnez toute espérance ». Je m’attends donc à visiter un parc d’attractions dantesque, quelle idée géniale ! Une foule énorme est canalisée vers l’intérieur par des vigiles habillés de noir et armés de fourches. Je ne sais comment mais je passe au travers sans dommage. Sur une petite porte, à côté du portail géant, est indiqué : VIP (Vraiment Important Pellerin). Une hôtesse habillée en sorcière de carnaval m’invite à entrer. Je prends conscience d’être en pyjama. Est-ce une tenue convenable pour visiter l’enfer ? En tout cas ce n’est pas payant !
J’entre. Une signalétique lumineuse indique les différents accès aux cercles de l’enfer. Les visiteurs sont invités à se rendre d’abord dans les stands de présentation pour faire leur choix et sans doute, payer les suppléments nécessaires pour accéder aux différentes attractions. J’ai pris un audioguide à l’entrée :
« Vous avez accès à tout. » Me dit la petite boite noire. « Pour commencer la visite appuyez sur le bouton rouge. » J’appuie. Me voilà propulsé sur une sorte de pont entièrement en verre qui passe au-dessus d’une énorme cavité circulaire. Elle s’enfonce en se rétrécissant étage par étage (j’en compte neuf), jusqu’à des profondeurs rougeoyantes d’où giclent parfois des jets de lave mêlés de silhouettes humaines noires désarticulées.
Le spectacle est véritablement dantesque, cascades de feu, rivières de lave incandescente, tourbillons de fumées noires. Une odeur épouvantable de chairs brûlées et de décomposition, portée par un vent suffocant, arrive à mes narines dans un bacchanal terrible de hurlements, craquements, explosions, sifflements… C’est insupportable. Je consulte l’audioguide pour changer de position : « Pour voir le châtiment des luxurieux, taper un. » Ça peut m’intéresser, je tape un.
Je me trouve transporté dans une plaine aride balayé par un vent glacial baigné dans une lumière de tombeau. Des femmes et des hommes nus se tordent de douleur, torturés par des démons ailés noirs. Les uns sont cloués au sol par des piquets, pendant que des diables les tenaillent avec des outils de fer rouillés, d’autres, pendus par le sexe, accrochés par les seins ou embrochés par les yeux sur des arbres épineux, hurlent pendant que les diables fouillent leur corps de leur phallus, semblable à une dague chauffée au rouge. J’en ai assez vu. Je tape deux. L’audioguide m’indique qu’il s’agit du châtiment des ivrognes.
Dans un tonneau (en axe horizontal) qu’un diable fait tourner à l’aide d’une manivelle, des hommes et des femmes sont précipités les uns sur les autres parmi des bouteilles cassées. Le sang déborde de la tonne en continu. Je ne trouve pas ça très original. Je passe au trois. Sur un plateau rocheux, des êtres décharnés sont torturé par une armée de serpents, de crapauds et de dragons dont la bave laisse des traces sanglantes sur leur peau. C’est le châtiment des médisants, la bave des crapauds...
Je touche le numéro quatre en tremblant. Je me retrouve au milieu d’un chaos de blocs de granit. Des hommes et des femmes, décharnés, les os brisés saillants, la chair à vif, poussent des rochers les uns contre les autres. Ils s’écrasent mutuellement, se mordent et se déchirent sans même l’intervention des démons. Ce sont les coléreux, les vindicatifs, les avares, les prodigues qui purgent leur peine. Le dégoût me gagne. Est-ce vraiment un parc d’attractions ? Mais la curiosité est la plus forte. Je presse le bouton numéro cinq.
Dans un champ labouré, les damnés rampent comme des serpents. Ils mangent de la terre, ce sont les voleurs. Je côtoie un vide abyssal peuplé de lueurs rouges et d’êtres ailés gigantesques qui s’affrontent. Pour sortir de là au plus vite je tape six. Sur une espèce de terrasse battu par un vent brûlant, je vois passer une troménie d’hommes et de femmes en chemise, qui tiennent par les cheveux leur tête coupé à la main, comme une lanterne. L’audioguide indique que ce sont les semeurs de discorde. La petite boîte noire m’indique : « Si vous avez trop chaud, tapez sept pour visitez l’enfer froid, le Yen Ifern des Bretons. »
Je tape sept. Je me retrouve devant un lac dont la surface paraît de verre. Je distingue des points noirs sur la glace, à perte de vue. Je m’approche en grelottant (mon pyjama n’est pas molletonné). Chaque point est une tête vivante, immobile, violacée, la bouche ouverte remplie de glace. Seuls les yeux bougent un peu, exorbités, gros et blancs comme des œufs durs. C’est le châtiment des traîtres.
J’interroge l’audioguide. Le huit et le neuf sont situés tout au fond du cirque infernal. Là où règnent des températures extrêmes. Les pires pécheurs y brûlent sans jamais se consumer dans la lave et le métal en fusion. Ce sont les simoniaques, les concussionnaires, les pervers narcissiques, les assassins, les blasphémateurs, les endurcis dans la pratique des sept péchés capitaux (l’avarice, la paresse, la gourmandise, la colère, la luxure, l’envie et l’orgueil).
Mais j’en ai assez. Roti, surgelé, boucané, je zappe le huit et le neuf. J’appuie frénétiquement sur la flèche verte pour la sortie. L’audioguide me rappelle à l’ordre : « Vous aurez toutes les protections nécessaires pour assister aux supplices des cercles huit et neuf. Ne ratez pas ce spectacle inouï, il est payant mais ça en vaut la peine… » Je hurle : « Non ! Je veux sortir d’ici ! » L’audioguide répond : « La sortie n’existe pas. »
Je cherche pourtant à m’évader. Par un escalier inégal, j’entre dans un souterrain. Une odeur insupportable d’excréments règne dans l’étroit boyau. Des tonneaux pleins de merde sont alignés à perte de vue, la tête d’un homme dépasse de chacun. Un diable ailé passe à toute vitesse une faux au ras des tonneaux. Les damnés sont obligés de rentrer la tête dans le bren à chaque passage. Quel péché a pu conduire ces hommes à un tel supplice ? Je me souviens que mon père m’a déjà raconté ce rêve. Serait-il héréditaire ? En réalité, il est inspiré du châtiment décrit dans la Divine Comédie de Dante au chant XXII de l’Enfer. Mais au lieu de merde, c’est dans la poix bouillante que plongent les damnés.
Je me suis réveillé avec la ferme volonté de ne plus pécher et de faire pénitence. Ça me rappelle le confessionnal de mon enfance, quand l’enfer existait encore.
Cet article s’inspire de mon livre Morvan lez Breizh roi des Bretons éditions Yoran Embanner.

Mon Miraj
La nuit dernière je suis monté au ciel, après avoir découvert le voyage nocturne de Mahomet, le Miraj. Je connais le chemin car j’ai longtemps vécu au Baradozic (le petit paradis). Un garde-républicain en grande tenue me portait sur son dos. J’étais un peu gêné par la poignée de son sabre qui me rentrait dans les fesses mais le militaire ne voulait pas se séparer de son arme.
Nous franchissons d’abord une porte monumentale gardée par des anges bleus. Un désert de graviers blancs éblouissant nous sépare d’un palais merveilleux, orné de toutes parts de statues, d’incrustations de pierres semi-précieuses, de pilastres et de colonnes doriques, ioniques ou corinthiennes. Des coupoles couvertes de zinc noir et d’or brillent au soleil, quatre minarets de marbre s’élancent vers le ciel et des dômes ornés de céramiques multicolores, ajoutent une fraîche fantaisie dans tout ce luxe architectural. Devant une large porte de cristal, le garde me dépose sur le tapis rouge qui couvre les marches. Il n’a pas le droit d’aller plus loin. La porte coulisse silencieusement. J’entre hardiment.
Un ange aux ailes noires avec une queue de pie, le poitrail barré par une chaine d’or, me demande ce que je veux en s’inclinant. Je dis que je souhaite voir le chef de la hiérarchie humaine. C’est légitime me répond-il. Je vais vous annoncer à GABRIEL. Il me fait entrer dans une sorte de boîte et l’instant d’après, je me trouve devant une porte monumentale qui s’ouvre à deux battants.
Je me trouve devant l’ange GABRIEL. Il est assis sur un trône qui représente la lune. Ses ailes étendues sont l’une de lumière, l’autre d’ombre rougeâtre comme les pattes des paons. Il tient un smartphone dans une main, une lampe-torche dans l’autre. Derrière lui se déroule comme un film, les images apocalyptiques de la destruction de Sodome et Gomorrhe. Il me dit :
– Je sais que tu veux chasser le mal du monde sublunaire. Ce n’est pas ma mission, je ne peux qu’annoncer la parole de Dieu. Va voir l’archange MIKAËL, le prince des anges t’aidera peut-être.
Je suis transporté aussitôt sur une planète étrange où les pierres flottent sur l’eau, je comprends qu’il s’agit de Mercure. La chaleur est suffocante. Apparaît alors l’archange gigantesque. Il porte une lance, une cuirasse et des cnémides dorées. Il me dit :
– Je ne peux rien pour toi, tes intentions sont bonnes mais je ne commande qu’aux anges. Je chasse SATAN du ciel, c’est aux hommes de lutter contre lui sur la terre. Va voir HANIEL chef des Principautés, il a pouvoir de commandement. Sa force peut t’aider.
Après un court voyage dans les nuées je rencontre HANIEL. Je le reconnais à son allure martiale. Un diadème de plumes multicolore couronne sa tête et son buste est paré d’un pare-flèche cousu de laine rouge. Autour de lui des femmes sublimes, comme venues de Vénus, sortent de la mer, nues, seulement parées de leurs abondantes chevelures rousses. Il me dit :
– Tu n’obtiendras rien ici. Je commande à la troisième sphère qui n’est chargée que du courrier de Dieu. Il te faut remonter dans la hiérarchie des anges pour trouver plus de pouvoir. Veux-tu affronter la deuxième sphère ?
Je n’ai pas le temps de répondre que je me trouve dans une vaste salle violemment illuminée. Un ange est assis sur un trône de bois sculpté. Mais la lumière est si intense que je ne distingue pas son visage. Ses pieds reposent sur une planche à clous de fakir. Ses bras s’appuient sur les accoudoirs du siège. Il tient dans sa main gauche un livre et dans sa main droite une seringue. Il me dit :
– Je suis RAPHAËL. Mon symbole est le soleil et j’inspire les Vertus. Ainsi chacun sait ce qu’il devrait faire et que pourtant il ne fait pas. Toi par exemple que fais-tu au ciel ? As-tu les vertus ardentes nécessaires ? Le courage et la force pour les exercer ? Vas voir CAMAËL, il te dira peut-être comment les trouver.
J’ai compris qu’il est inutile de répondre. Je me retrouve sur Mars, assis sur le rover Curiosity. Les vallonnements rouges qui m’entourent évoquent le sang des guerriers, les bouleversements de la guerre, les destructions aveugles. CAMAËL me survole. Ses ailes de feu avec un flap flap d’hélicoptère, agitent des globules de fumées noires venues de combats invisibles et silencieux. Il me dit :
– Je suis les Puissances. Ainsi se nomment les nations souveraines qui font valoir leurs intérêts, qu’elles croient vitaux, par la guerre. Je n’ai le pouvoir que de tuer et de détruire, sans jamais faire gagner l’un ou l’autre des belligérants. Tous sont vaincus car la mort est leur plus petit commun multiple (PPCM). Vas plutôt voir ZADKIEL.
Une porte circulaire genre coffre-fort de banque s’ouvre lentement. J’entre dans une tour dont je ne vois pas le sommet tant elle est haute. Un escalier à vis tourne à gauche. Je monte jusqu’à l’épuisement. Au sommet je regarde autour de moi. Je ne comprends pas tout de suite. Un visage de femme me fait face. Elle est aussi grande que la tour. Casquée, cuirassée, l’épée au côté. D’une voix exagérément grave (à cause de sa taille sans doute) elle me dit :
– Je suis ZADKIEL, Dominations et Seigneuries. Jupiter est mon fils. Je sais ce que tu veux mais ça ne m’intéresse pas. Je suis au-dessus de ces basses préoccupations du bien et du mal. Tu as fait le tour de la deuxième sphère. Si tu veux accéder à la première, prépare-toi à souffrir. Et pour voir Dieu, il faut mourir.
La peur me saisit. Dans le noir, je vois tourner d’immenses roues embrasées (elles sont si grandes que je ne peux les voir en entier). Des yeux sur la jante me regardent au passage. Leur regard fixe de serpent me terrifie. Une voix de tonnerre s’écrie :
– Je suis ZAPHKIEL de la première sphère, je porte le trône de Dieu. Saturne mon incarnation, dévore ses enfants.
Je tente de fuir mais je cours sur place sans avancer. Tout à coup je suis environné d’anges portant quatre ailes bleues. Ils babillent dans un langage incompréhensible parlant d’étoiles fixes, de supernovas, de rayonnement électromagnétique, de hadrons, bosons, neutrinos, parfois étranges ou chargés de beauté. Ils chantent : Nous sommes les chérubins porteurs de science, JOPHIEL est notre maître. Je reconnais les anges qui se font face sur le propitiatoire en or, qui couvre l’Arche d’alliance.
La chaleur devient brûlure intense, des anges portant six ailes rouges, deux pour se voiler les yeux devant Dieu, deux pour voler et deux pour cacher leur intimité, envahissent le ciel qui prend une couleur de braises incandescentes. Ils sont au plus près de Dieu, ceux qui brûlent, les séraphins. MACRON le recteur des anges, le prince de la Face, règne sur eux.
Je me réveille affolé. Macron, que vient-il faire dans ce cauchemar ? Lapsus freudien, rêve révélateur. Le prince de la face, le recteur des anges ce n’est pas lui, c’est MÉTATRON, l’archange le plus proche de Dieu. J’ai eu chaud.

Non au plastique
À la une du Télégramme du 22 avril 2022, une photo titrée « Marioupol, la chute ». On y voit une femme plutôt jeune, tirant un caddie où sont ficelés plusieurs sacs. Elle est chaudement vêtue, porte des chaussures de marche en bon état et un sac-à-dos. Elle tient à la main, un sac en toile où il est écrit : « No to plastic » et « Stop au plastique ». Le sol est jonché de débris, de tôles tordues, derrière elle on peut voir un abribus défoncé et des immeubles éventrés et noircis à perte de vue.
Elle regarde en arrière avec un rictus douloureux, comme si elle attendait quelqu’un, (sans doute un enfant car elle baisse un peu la tête) ou jette un dernier regard sur son passé en ruine. Personne d’autre sur la photo sauf au loin, un secouriste peut-être, vêtu de blanc et de rouge. La femme a pris l’essentiel de ses affaires et s’est préparée à l’exode. À passer des nuits dehors. À survivre sur ses propres ressources pendant plusieurs jours. Le sac de la femme porte, curieusement en français et en anglais, une injonction contre le plastique. Peut-être songe-t-elle maintenant, à sauver sa vie. D’abord.
La guerre ! À la télévision ! Des morts partout, suppliciés, des ruines, comme à Brest à la libération et des massacres perpétrés par les troupes en retraite (Gouesnou, Plouvien…) La civilisation n’a-t-elle donc fait aucun progrès en 80 ans ? La guerre des images (manipulées ou non) fait rage. J’ai pensé au début, qu’elles pourraient enrayer le conflit et qu’une protestation générale pourrait entrainer un armistice. Mais la télévision et le cinéma ont tellement banalisé les images d’horreur et de crime, que le public blasé, anesthésié en quelque sorte, ne réagit que par une compassion humanitaire, insuffisante pour arrêter les hostilités. Et l’opinion russe, qui pourrait faire cesser la guerre, assommée par la propagande, ne réagit pas efficacement.
Wladimir Poutine pense sans doute comme le héros de Michel Houellebecq dans anéantir : « Une guerre est le moyen le plus sûr de ressouder une nation, et d’améliorer la popularité du chef de l’État. » Cynisme absolu mais très répandu !
Lénine écrivait en 1902 : Que faire ? Un livre sur la stratégie à adopter pour asseoir le pouvoir communiste en Russie. Il a mis 15 ans et une guerre mondiale pour y parvenir. Cent ans après, nous en subissons encore les terrifiantes conséquences. On ne se débarrassera jamais de la guerre, peut-être du plastique ?

De l'intérêt général
L’intérêt général semble à priori une notion simple qui devrait recevoir l’adhésion de tout le monde. Cependant la société est composée d’individus. Il n’y a pas de société, il n’y a que des individus (Margareth Thatcher), selon la tradition anglo-saxonne. Ce n’est pas du tout la nôtre. Faut-il opposer les intérêts de l’individu à l’intérêt général ? Les droits de l’homme à l’État de droit ?
Il faut donc commencer par définir les droits de l’homme et du citoyen (l’individu). La démocratie doit s’appuyer sur ces droits pour construire la société. Celle-ci est issue de la souveraineté du peuple qui s’exprimera par ses représentants ou directement par référendum (c’est la Constitution de la France qui le dit). Mais la souveraineté du peuple est-elle garante de l’intérêt général ?
Au passage, il faut retenir que la souveraineté du peuple est remise en cause par le développement considérable des normes supranationales de source oligarchique (non démocratique), qui font primer le droit européen sur le droit national, y compris sur la Constitution de l’État. Constitution qui prévoit d’ailleurs, la prééminence des traités internationaux sur le droit français (Titre VI art. 55)
À partir du moment où une société est fondée sur des individus pour lesquels tout désir devient un besoin et tout besoin et devient un droit, on n’arrive plus à formuler un intérêt général (Bertrand Mathieu). Le développement de l’individualisme et du moralisme à la carte pourrait-on dire, mettent à mal l’État de droit. La religion n’est plus là pour mettre des limites claires et chaque individu, dans le cadre de la loi (ou non) peut, au nom des droits de l’homme, nuire gravement à l’intérêt général. Le développement du tourisme de masse en est un exemple parmi tant d’autres (droit à la libre circulation, art. 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme). Enfin, il n’y a rien dans la Déclaration des droits de l’homme de 1789 qui pourrait justifier la tyrannie des minorités (Philippe Raynaud).
Il ne faut pas confondre l’État de droit et des tas de droits. (Guy Carcassonne). Éric Zemmour quant à lui, estime que l’État de droit n’a rien à voir avec la démocratie. Mise à part la provocation, on peut se demander si le gouvernement des juges, qui tend à s’installer, (l’interprétation des lois et uniquement cela) n’est pas au fond injuste, ou manque d’humanité : Dura lex, sed lex, formule qui n’a rien à voir avec les préservatifs.
Au-delà des mots et des arguties, la démocratie (même représentative) est le meilleur des systèmes car elle est fondée sur la liberté. La majorité élue décide de l’intérêt général, qui parfois peut imposer des privations de libertés individuelles (confinement covid par exemple) ou des répressions cruelles. Et si le peuple n’est pas content, il lui reste historiquement le droit à l’insurrection (art. 35 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, article non retenu dans les Constitutions de 1946 et 1958).
Finalement, l’intérêt général en démocratie, dépend plus de l’attitude individuelle de chaque citoyen que de l’État de droit. C’est ce qu’on appelle le civisme.

L'exode
Le terrible exode des Ukrainiens me rappelle celui des Brestois en août 1944. Je ne sais qui a qualifié d’Exode ce déplacement de population, sans doute moins important que la sortie des Hébreux d’Égypte, mais le mot s’est imposé. J’avais un an et demi et on me l’a raconté souvent.
Les Américains approchent de Brest. Cernés, les Allemands se préparent à soutenir un siège. Ils font partir les populations civiles pour ne pas risquer qu’on leur tire dans le dos. L’ordre d’évacuation de Brest et des communes alentour est donné le 14 août. Tout le monde doit partir immédiatement. Certains prennent une petite valise, d’autres partent comme ils sont. Il fait un temps magnifique, on ne songe même pas à prendre des vêtements chauds, des couvertures. Pour les provisions la question ne se pose pas, il n’y en a plus. Gaby, la sœur de papa, fera tout l’exode avec un seul chemisier. Il faudra lui trouver quelque chose à mettre pour sauvegarder sa pudeur quand elle le lavera.
Le père Le Lann (mon grand-père) a mis la grand-mère impotente dans une brouette. Elle n’est pas bien lourde mais on a chargé sur elle toutes sortes de choses si bien que la brouette paraît de plomb. Les hommes se relaient, échangent leur brouette pour se défatiguer. Je suis tranquille dans mon landau. Calme et jovial malgré la chaleur. On a entassé sur moi tout ce qu’on pouvait sans m’étouffer. Les enfants s’amusent à pousser mon carrosse. Maman a du mal à suivre.
Des paysans de Kerhuon nous dépassent en charrette à cheval. Voyant la grand-mère dans sa brouette ils la prennent avec eux. On n’a pas eu de ses nouvelles pendant tout l’exode. Il n’était pas nécessaire de la chercher dans toutes les fermes de la région. Belle-mère du père Le Lann (la deuxième femme de son père), il ne l’aimait pas beaucoup. Elle finira par rentrer chez elle, on ne sait comment.
Les Allemands nous font traverser le pont de Plougastel (qu’ils dynamiteront le 25 août) puis remonter l’Elorn par la rive gauche. La côte est dure pour arriver à Dirinon mais un poste de secours de la Croix Rouge nous y attend. Des infirmières distribuent du lait pour les enfants, quelque nourriture pour les femmes et de l’eau à l’abreuvoir pour tout le monde. Les hommes, servis en dernier, n’ont ni vin ni pain. On fait étape.
Les paysans autorisent les réfugiés à dormir dans la paille, mais interdiction de fumer. Mon père préfère dormir dans la ferme sur un banc. Pour se mettre un peu à l’abri des moustiques, il a placé un demi oignon cru de chaque côté de sa tête. Il ne craint pas de tomber du banc dans son sommeil, car dessous dorment les sœurs Normand, toutes deux souples et grasses à souhait. Les fermiers ont tenu à installer maman dans un lit clos avec moi. Elle ne fermera pas l’œil de la nuit, disant au matin qu’elle a dormi sur des barres de fer ! On lui avait pourtant bien préparé son lit, avec des draps propres. Les draps des morts, lui disent les commères voisines, venues observer le lendemain les citadins en déroute.
Le père Le Lann a dormi dans la paille avec la plupart des hommes. Ils sont dévorés par les moustiques. Après une nuit agitée, le jour le réveille avec une impérieuse envie de fumer. Perdu dans le foin, il tâtonne autour de lui cherchant sa blague à tabac. Il trouve enfin quelque chose de mou et de froid. Qui se met à bouger, il a saisi un crapaud à pleine main. Chacun s’écarte de son côté, réveillé pour de bon. Pendant la nuit, des combats ont eu lieu près de Dirinon. Les FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) ont attaqué les Allemands. Nous ne pouvons pas rester là.
L’errance reprend. Les réfugiés s’installent dans les fermes qui veulent bien les recevoir, à Plounéventer, à Plouédern... Mon père décide d’aller à Plouguerneau où il a sympathisé avec des paysans, à qui il achète du beurre. Encore trente kilomètres de marche. Maman n’en peut plus. « C’est après ce virage, en haut de cette côte, on est presque arrivé… » qu’on lui dit sans cesse. Enfin c’est vrai, les Morvan nous accueillent dans leur ferme. Morte de fatigue, morte de faim, maman se laisse tomber par terre. Papa fait à manger. En cas de guerre ou d’épidémie il sait faire la cuisine. Dans la grande marmite qui sert à cuire la nourriture pour les cochons, il met les pommes de terre et le lard. L’évocation de l'odeur puis du goût, faisaient encore saliver les anciens, 50 ans après.
A la ferme, je suis comme un roi. Je cours partout avec la fille de la maison qui a mon âge. Je patauge dans le purin avec mes petits souliers blancs, je n’en ai pas d’autres (maman m’habille comme un petit prince). Elle ne parle que le breton et moi le français, quelques mots chacun, c’est suffisant. Elle m’appelle : « Deus’ta Gilbert ! » (Viens donc). J’accours pour jouer avec la terre. Cette petite sera l’aînée de dix-neuf frères et sœurs, des bébés que la mère rapporte parfois du champ dans son tablier. Ce qui prouve que les enfants naissent bien dans les choux, du moins à la ferme.
On n’était pas si mal à Plouguerneau mais Gaby, et Jo son mari, se faisaient du souci pour leur maison. Papa décide donc d’aller voir à Kerhuon s’il y a eu des dégâts. Il en profitera pour ramener son vélo. Vers Guipavas des combats violents ont eu lieu. François passe par les champs pour ne pas être arrêté par les Américains. Dans un talus des Allemands avaient creusé des trous individuels. Ils y sont encore, tous morts, portant des blessures dans le dos. Ils n’avaient pas choisi le bon côté. Papa avise une paire de bottes qui ont l’air neuves. Il les rejette horrifié, les pieds sont encore dedans. Il raconte :
« J’arrive à la maison, tout paraît normal. Je passe par-dessus le mur car je sais que les Allemands aiment bien piéger les portes. J’entre, tout est ouvert, sens dessus dessous. La saleté partout. Tous les lits ont été descendus dans la cave, sur l’un d’eux trône un tas de merde. De gros réveils sont posés dans tous les coins. Des photos traînent, je reconnais deux filles du bourg. J’apprendrai plus tard que celles-là sauveront leurs cheveux et leur peau car elles auront la chance d’être arrêtées. De toute évidence la maison a servi de bordel aux parachutistes allemands.
Tout ce qui avait une valeur quelconque, négociable immédiatement a été volé. Ils ont même volé ma croix de guerre avec étoile d’argent (reçue à Mers el-Kébir sur le cuirassé Dunkerque), heureusement je retrouve mon vélo. J’avais pris la précaution de cacher les roues dans le faux plafond de la cave. Le cadre seul n’était pas vendable en ces temps d’urgences.
Quelques jours après, je reviens avec Jo pour une exploration plus approfondie. Le jardin a été déminé. Je trouve dans le four de la cuisinière un énorme plat de poires cuites dans une épaisse couche de sucre caramélisé. Pour les poires, il suffit de se servir dans le jardin où les poiriers admirablement tenus par Jo, croulent sous les fruits. Mais pour le sucre en poudre, je n’en ai pas vu une telle quantité depuis longtemps. Jo ne veut pas en manger, elles sont peut-être empoisonnées. Elles ne l’étaient pas car j’en serais sûrement mort ! Jo a soudain une idée. Gaby a caché une bouteille de Byrrh dans la cheminée. On cherche, la bouteille y est toujours. A la guerre comme à la guerre, il a fallu la boire en entier, il aurait été peu vraisemblable que les voleurs en aient laissé. »
Le dix-huit septembre 1944 Brest est libéré. Nous rentrons à la maison. Ce n’est pas le cas pour tout le monde. Brest n’est plus qu’un monceau de ruines.

La troisième guerre mondiale
La guerre en Ukraine nous fait souvenir qu’une guerre mondiale est toujours possible. Et que les forces de dissuasion nucléaires n’empêchent en rien une guerre de conquête conventionnelle d’un grand pays. On peut même dire aujourd’hui que ça la favorise, en mettant l’agresseur à l’abri d’une riposte ou d’une aide directe des alliés, en leur faisant croire qu’une action quelconque en faveur de l’agressé peut déclencher le feu nucléaire. La dissuasion visée est donc inversée.
La situation dans les années 70, du temps de l’URSS, n’était pas du tout la même. Le livre du général sir John Hackett, La troisième guerre mondiale, 4 août/25 août 1985, nous donne une idée très précise de ce qu’aurait pu être un conflit mondial à cette époque, entre l’OTAN et les forces du Pacte de Varsovie. La cause principale de la guerre étant l’impérialisme soviétique inexorable et son entrisme en Afrique, au Moyen Orient, en Asie et jusqu’en Amérique.
Le conflit éclate quand la situation politique en Pologne devient intenable pour le pouvoir central soviétique. La guerre est le remède habituel des dictatures en difficultés intérieures. Après des succès initiaux, sans utilisation d’armes nucléaires tactiques ou stratégiques, l’URSS recule, elle va perdre la guerre. Le Kremlin décide alors d’utiliser la bombe H. Birmingham est vitrifiée. Riposte immédiate, c’est au tour de Minsk d’être rayée de la carte par quatre missiles MSBS.
C’est la fin, les républiques soviétiques et les états satellites de l’URSS se rebellent. L’empire éclate. Curieusement, c’est un Ukrainien infiltré au KGB, qui prend le pouvoir à Moscou. Il négocie le cessez-le-feu puis le traité de paix. L’union soviétique est démembrée, les républiques obtiennent leur indépendance et particulièrement l’Ukraine qui obtient un siège à l’ONU.
Contrairement à ce qu’on pouvait penser dans les années 70, l’URSS ne s’effondrera pas à cause d’une guerre mondiale. Elle s’est dissoute d’elle-même, sa ressource idéologique étant épuisée. Paul-Marie de La Gorce dans la postface du livre, évoque la fragilité des systèmes politiques de l’Est de l’Europe : « On peut récuser les faiblesses de son scénario, [de la troisième guerre mondiale] peu de gens comprendront qu’au premier choc la Biélorussie et l’Ukraine se séparent de la Russie, alors que ces trois pays forment depuis des siècles une même nation, unies par la même histoire – malgré les tentatives de dissidences menées en 1918 ou en 1941par les Allemands auprès des Ukrainiens – ayant résistés aux mêmes périls, traversés les mêmes épreuves, et que ces peuples sont étroitement imbriqués dans la société soviétique. »
« Le monde que décrit le brigadier général Hackett est bien tel qu’il est en réalité : un monde éclaté. De là la multiplication des crises qui le secouent, et qui le secoueront davantage encore à l’avenir. Et de là, peut-être, le seul risque concevable d’une guerre générale, si l’un ou l’autre camp, soudain trop affaibli par ces crises, tentait de rétablir son emprise par la force et déclenchait ainsi l’engrenage irrémédiable. »
Wladimir Poutine pressent-il sa fin prochaine, pour prendre le risque de déclencher l’apocalypse ? Peut-être ce Sardanapale ne le sait-il pas lui-même.

La caverne élyséenne
Emmanuel Macron a affirmé publiquement : « Je crois profondément qu’il peut exister des continuités entre Dieu et la science. » Cette énormité, dite sans doute spontanément, à l’inverse de certaines déclarations longuement méditées avec ses communicants et destinées à faire le buzz, est passée presque inaperçue dans la logorrhée générale. Elle a pourtant une grande importance.
C’est d’abord un non-sens évident. Il ne peut y avoir de continuité entre deux choses aussi opposées (c’est-à-dire un passage progressif de l’une à l’autre). La science est fondée sur la connaissance, Dieu n’existe que par la foi. Et la foi n’est fondée que sur l’opinion, qui elle ne repose sur rien de scientifique. Par exemple, les opinions politiques, en général, sont fondées sur la conjonction de points-de-vues, tous aussi peu étayés que la cueillette du gui chez les Gaulois.
Platon l’explique dans l’allégorie de la caverne. Des hommes sont enchaînés au fond d’une grotte depuis leur naissance. Ils ne perçoivent du monde, que les ombres portées sur les parois par les évènements extérieurs, qu’un feu allumé à l’entrée de la grotte leur projette. Ils se font ainsi une image de l’univers qu’ils croient réelle puisqu’ils la voient. Qu’un homme vienne à les visiter et leur expliquer le monde tel qu’il est, ils ne peuvent le croire. L’un a la connaissance, les autres ont l’opinion, l’ombre des choses. La science contre l’apparence. Comment pourrait-il y avoir continuité entre les deux ? La réalité virtuelle serait une version moderne de la caverne de Platon, espérons qu’elle ne devienne pas un outil de gouvernance.
La religion relie l’homme à Dieu. Elle s’appuie sur des textes anciens et des faits miraculeux. On sait combien les références religieuses s’opposent à la science. Beaucoup d’hommes ont risqué leur vie et l’ont parfois perdue, pour avoir voulu enseigner la vérité contre elles. Socrate, accusé de détourner les jeunes de la religion, Giordano Bruno qui croyait en la pluralité des mondes, Copernic qui attend d’être mourant pour publier son livre Des révolutions des orbes célestes, Galilée : « et pourtant elle tourne ! » et bien d’autres. Il est vrai que plus nombreux encore, sont ceux qui sont morts pour leur foi.
Mais Emmanuel Macron (Emmanuel signifie Dieu est avec nous et désigne le Messie) croit-il en Dieu ? N’a-t-il pas prononcé cette phrase tout simplement pour rassurer les croyants qui se sentent constamment attaqués par la laïcité à la française ? Vous pouvez voter pour moi, je crois en même temps à Dieu et au progrès scientifique. Mais ce n’est pas ce qu’il a dit. Le président n’a pas, comme Mitterrand accès à la transcendance (je peux me tromper). Il ne croit pas aux forces de l’esprit (qui n’ont pas de compte en banque). Peut-être est-il trop loin de la mort pour cela ?
Et les savants ne négocient pas avec Dieu. Copernic était chanoine, n’est-ce pas l’abbé Lemaître qui a inventé le Big-Bang en contradiction flagrante avec la bible ? Quant aux pseudo-scientifiques (le dernier est de la puissante et catholique famille Boloré) qui tentent de nous faire croire à l’intelligent desing américain (Dieu a tout prévu dès le début, ce qui explique l’évolution par exemple et renvoie Adam et Ève au vestiaire des ancêtres), ils ajoutent une croyance supplémentaire complètement inutile à la religion. On ne peut pas prouver scientifiquement l’existence de Dieu (pas plus que le contraire).
Notre président de la République, du fond de sa caverne élyséenne (il en sort souvent mais il l’emporte avec lui dans ses déplacements), croit voir le ciel. Pense-t-il aussi que le ciel le regarde ? Je le lui souhaite (pour la France) !