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Le 29/02/2020
Apparu en 2017, le hand spinner ou toupie à main est déjà démodé. L’éducation nationale, toujours prompte à adopter les nouveautés dépassées, en a fait un sujet de l’épreuve de maths du Brevet 2018 (ce qui a peut-être déterminé son obsolescence). J’en ai acheté un. Le hand spinner est réputé déstressant et en effet, quand mon ordinateur affiche un petit sablier qui me condamne à l’inaction, je fais tourner mon jouet. Ça fait passer le temps sans énervement. Ou, si un mot me manque, ou une idée, ce qui bizarrement m’arrive de plus en plus souvent, je lance mon spinner et pendant un moment, j’oublie la cruauté de l’âge.
Nos chers adolescents qui tiennent la toupie entre le pouce et l’index, n’imaginent pas le trésor qu’ils ont entre les doigts. Les légères vibrations qu’ils ressentent, dues aux microrugosités des bandes de roulement du roulement à billes central et à l’imperfection de l’équilibrage, sont sensuelles, douces et caressantes. L’immédiateté stressante s’envole quelques secondes. On oublie ses voisins boutonneux, la planète qui meurt, la question du prof, ce qu’on va manger à la cantine et qu’il n’y a rien à la télé ce soir. On oublie même qu’on a un téléphone dans sa poche.
Mais le hand spinner a aussi ses secrets, une physique complexe qu’on n’aborde pas en troisième. Lançons la toupie. Si on change légèrement son orientation on sent une résistance. C’est l’effet gyroscopique. Le solide en rotation s’oppose à tous changements de direction. Cette propriété est utilisée pour guider les navires, les missiles et même le télescope spatial Hubble.
Regardons le tourner, à grande vitesse on ne voit plus que des cercles lumineux. Les masselottes restent invisibles, effet de la permanence rétinienne (ou de l’incapacité du cerveau à isoler plus d’une vingtaine d’images par seconde, on ne sait). On peut s’amuser à cligner des yeux rapidement, pour voir les masselottes comme dans un film en image par image.
On peut faire mieux. Observons la toupie lancée à grande vitesse sous une lumière électrique. Les masselottes semblent tourner lentement dans un sens puis dans l’autre et ainsi plusieurs fois, alors que la vitesse de rotation diminue. L’effet s’arrête quand on distingue les masselottes séparément donc à partir de 25 images par seconde soit, puisqu’il y a 3 masselottes, à environ 8 tours par seconde ou encore 480 tours par minute.
Pourquoi la toupie semble-elle tourner dans un sens puis dans l’autre sous la lumière électrique ? C’est ce qu’on appelle l’effet stroboscopique. La lumière s’allume et s’éteint 50 fois par seconde (courant alternatif à 50 Hz). Les masselottes sont éclairées au même rythme. S’il n’y avait qu’une seule masselotte tournant à 50 tours par seconde elle serait éclairée une fois par tour et semblerait immobile. Comme il y en a trois c’est en réalité 50/3= 16,66 tours par seconde (1 000 tours/minute).
Si la toupie tourne plus vite elle semble tourner en marche arrière. Quand elle atteint la fréquence électrique (synchronisation) elle s’arrête puis, quand la vitesse diminue encore, elle paraît tourner en marche avant. Le phénomène se reproduit quand les masselottes sont éclairées deux fois par tour, puis trois fois par tours, etc. Jusqu’à ce qu’on voie les masselottes individuellement. Si on a lancé la toupie très vite les masselottes peuvent être éclairées une fois tous les 2, 3, 4… tours, le phénomène est le même. Il suffit de compter combien de fois la toupie semble avoir changé de sens de rotation, pour savoir à quelle vitesse elle a été lancée. Par exemple, si ma toupie a changé de sens apparent de rotation 4 fois, c’est qu’elle a été lancée à plus de 3000 tours par minute (synchronisation à 3 000 ; 2 000 ; 1 000 et 500 t/min en tenant compte de l’effet de permanence rétinienne qui disparaît entre 500 et 300 t/min).
Les anciens se souviendront des westerns d’autrefois ou l’on voyait les roues des chariots, lancés à pleine vitesse pour fuir les indiens, tourner en sens inverse. Le phénomène est à peu près le même, il ne dépend plus de la lumière mais de la vitesse de prise de vue.
Le 15/02/2020
Quand les fleurs défient la lune
Mon site web, siou-gilbert.e-monsite.com vient de dépasser les 20 000 pages vues et a reçu 8 250 visiteurs uniques (certains font ça en une heure !). Je les remercie. J’ai publié 59 billets, 164 photos et 16 articles sur mes livres en 4 ans et demi. Je me demande pourquoi j’ai fait ça. Il est temps de se poser la question en effet !
J’ai voulu d’abord faire la promotion de mes ouvrages. Que j’ai illustrés par quelques photos inédites de la bataille de Mers el-Kébir conservées par mon père et des documents d’archives sur Portzmoguer.
Et puis vanité aidant, j’ai ajouté des photos de peintures et de céramiques de mon cru (façon de parler pour les céramiques).
Enfin, je me suis lancé dans un blog, qui ne fonctionne pas comme tel, fort heureusement. Par principe, je me tiens éloigné de l’actualité. L’abondance de commentaires éclairés nous aveugle, plus qu’il nous informe. Inutile d’en rajouter. Je serais plutôt dans la petite histoire, la langue ou les faits divers, dans ce qu’ils ont de farfelu et de parfois complexe. Le domaine scientifique m’inspire également car on y trouve les seules questions qui demandent une réflexion profonde et sereine. Et les savants ont bien plus d’imagination que les poètes. Je crains la philosophie et la politique m’exaspère. Je me rends compte tardivement, que pendant une grande partie de ma carrière, j’ai pratiqué des méthodes et appliqué des idées, que je réfute maintenant.
Je n’ai pas répondu à la question, pourquoi ? Je le sais bien allez, toutes ces informations ne pourront être inscrites sur ma tombe faute de place. Ce serait dommage qu’elles soient perdues !
Quant au titre, "Quand les fleurs défient la lune", mon sujet est futile (les fleurs) mon but est inaccessible (la lune).
Le 31/01/2020
"Le surlendemain du Mardi gras, cinq femmes du village se présentaient au bureau de police de ..."
Telle est la première phrase de "L'Affaire Lerouge" d' Émile Gaboriau publié en 1886, considéré comme le premier roman policier français contemporain, celui qui aurait inspiré Sherlock Holmes à Conan Doyle. C'est le point de départ choisi par La Gidouille pour émoustiller l'imagination des auteurs de ce livre qui devaient poursuivre cette première phrase à leur guise, sans forcément faire du polar.
La nouvelle "Les mystères de Camen" nous transporte dans un hameau du Sud Finistère ou se passent des choses étranges, un dentier disparaît et un homme reparaît après avoir été enlevé par des extraterrestres. Péripéties des années cinquante dans la campagne bretonne.
Philippe Siou, le poète disparu
Le 21/01/2020
Il y a 50 ans, le 21 janvier, naissait Philippe Siou. Disparu en 2013, le prof de lettres nous a laissé une centaine de chansons, qu’il chantait dans les bars et les boîtes de Lille. Leur énormité faisait rire parfois ou laissait pantois les auditeurs qui n’en croyaient pas leurs oreilles. Mais à les lire on ressent le spleen qui sous-tend toute son œuvre, l’ailleurs du poète au milieu du désert des hommes, qu’il évoque dans une langue savante, mêlée de vieux français, d’argot, de régionalismes et de néologismes savoureux.
Philippe mon fils, tu nous manques.
Ses chansons ont été rassemblées dans un livre : La pipe à l’envers chez Edilivre.
LES VACANCES
Voilà fermées les scoles, et adieu l’institutrice
L’humanité se bronze au feu du Dieu qui brûle
La maîtresse bikine sur les plages d’Ibize
Madame a bien maigri et elle s’en congratule.
Ils ont acquis ticket pour un bateau qui cingle
Ou désiré souper dedans le gros Boeing.
Déjougués ils s’ébattent en sandales au tarmac
En leur pupille tangue un rêve de hamac.
D’aucun vont en Asie, et son frère à la pêche.
Mais il faut aller loin, au loin que l’autre ignore.
La sandalette hardie foulera Marrakech,
Madame fut roulée des vagues du Bosphore.
De mon banc je les mire se ravir à l’exote
Et je songe en fumant à mon petit voyage
Croisière verticale, sur mon banc, sous la flotte.
Plus seul qu’un mort d’hier et son canard sauvage.
Ils reviendront hélas, pleine pogne d’images,
Le campeur héroïque et le touriste sage,
Me parler de la lune et du dresseur d’iguane,
C’est qu’ils ont vu Le Caire. J’écrase ma gitane.
Parfois un avion tombe, c’est Dieu qui rend justice.
Le 10/01/2020
Nous avons eu à Brest, 12 minutes de soleil la première semaine de 2020. Plutôt que de pleurnicher, il vaut mieux en rire avec ces mots d'enfants (authentiques)
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Ma petite sœur dort comme une marmite (A. 3 ans).
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P., un petit blond de 5 ans, était heureux à l’école à Diégo Suarez ou travaillait son père expatrié. De retour en France, il est malmené par ses camarades de classe. P. dit à sa mère : « Maman, je veux redevenir noir ! »
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Y. – C’est dans combien de temps mon anniversaire ?
Mamie : – Dans 5 mois.
Y. – Et ben, ils n’ont pas duré longtemps mes 6 ans !
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Les cuillers en argent, c’est tante Adèle qui nous en a fait cadeau pour sa mort. (Y. 8 ans)
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Au moment de prendre l’avion pour retrouver ses parents à Paris, le petit E. (6 ans) :
– Je ne voudrais pas mourir avant d’avoir fait le CP !
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Que signifient des ennuis pécuniaires ?
A. 10 ans répond : C’est quand on est aux toilettes et qu’on n’a plus de papier cul.
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G. 3 ans, explique la voiture de son père à ses grands-parents :
Ici t’as le volant, là le levier de vitesses et là dans la petite glace, papa regarde tout le temps en disant « Il va pas me doubler c’t’enculé ! »
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M. 6 ans, regarde le Tour de France à la télévision
Devant la confusion des voiture et des coureurs elle lance : Je suis sure que les vélos vont gagner.
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V. 4 ans, à sa mère qui enlève ses lunettes pour l’embrasser dans son lit :
Maman remet tes lunettes, je ne te vois pas bien.
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F. 6 ans : Quand je serai grand, je serai travailleur !
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Y. 5 ans, marche à quatre pattes à cause de son plâtre au pied :
Je marche à quatre pieds (l’expression était courante il y a un siècle).
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En passant devant un magasin d’affaires de bébé avec son père et la nouvelle femme de celui-ci tout à fait enceinte, M. 4 ans, affirme : Bébé pue !
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M. 5 ans, a découvert un nouveau mot, à la sortie de l’école où l’attend sa grand-mère, elle jette aux garçons :
– Bande de pédés ! Sa grand-mère la reprend :
– Il ne faut pas dire ça, dit plutôt, bande de ouistitis.
Arrivée à la maison, M. dit au chien :
– Espèce de ouistiti. Son grand-père étonné lui demande :
– C’est quoi un ouistiti ?
– Un ouistiti c’est un pédé !
*
Alors qu’on se promène avec elle en voiture, V. 6 ans, dont les parents viennent de divorcer, s’étonne :
Qu’est-ce qu’il y a comme églises aujourd’hui !
Le 22/12/2019
Ce sera bientôt Noël. Joseph qui n’a pas encore 10 ans, est venu à Paris avec sa maman et sa tante Hortense, pour voir les devantures des grands magasins et les illuminations. Joseph sait bien que les automates, les petits trains, les panoplies de Zorro… ne trouveront pas de place dans ses souliers. Mais les oranges, les petits Jésus en sucre et le jouet en bois confectionné par son menuisier de père, le raviront tout de même le matin de Noël. La nuit tombe sur la ville illuminée. Les yeux plein d’étoiles ils se dirigent vers la gare Saint-Lazare pour rentrer chez eux à Argenteuil.
Ils passent devant un homme déguisé en père Noël, qui joue de l’accordéon assis sur un pliant au bord du trottoir. Ils l’écoutent un moment, Hortense lui jette une pièce adroitement dans sa sébile. Joseph captivé par les doigts de l’artiste qui courent sur les touches, se demande comment il peut jouer des deux mains à la fois. Il veut le dire à sa mère, tourne la tête dans tous les sens sans la voir. Les deux femmes sont parties. Il est seul !
Joseph presse le pas pour les rejoindre. La foule est dense, il ne voit guère que des souliers et des manteaux. Il ne reconnaît pas la rue, croit marcher vers la gare mais il est parti dans le mauvais sens. Joseph panique un peu, il se met à courir et s’éloigne de plus en plus. Bientôt il est complètement perdu, il se met à pleurer. Sur la plaque de rue il lit à travers ses larmes : rue de Provence. Il pourrait demander aux passants le chemin de la gare Saint-Lazare mais il n’ose pas. Les gens emmitouflés, les mains dans les poches, passent en regardant leurs pieds sans faire attention à lui. Sur le trottoir, curieusement, des femmes peu frileuses font les cent pas, jupes fendues, blouson en peau de lapin, bas en filet qu’on dirait de leurs cuisses, que c’est des rôtis de porc.
L’une d’elles s’approche de Joseph. Elle porte sur sa tête un bonnet rouge et blanc de père Noël, coquettement posé de travers.
– Pourquoi tu pleures mon petit ?
– Je suis perdu !
– Tu es tout seul ?
– J’étais avec maman et tata Hortense mais elles m’ont oublié devant l’accordéoniste.
– Tu habites où ?
– À Argenteuil.
– T’es venu en train ?
– Oui.
– Viens, je vais te conduire à la gare.
– Mais j’ai pas de billet, c’est maman qui l’a.
– T’inquiète pas, je vais t’en acheter un.
C’est ainsi que le petit Joseph est rentré chez lui. La femme lui a posé un tendre baiser sur la joue, avant de le laisser monter dans le train. Arrivé à la maison il guette l’arrivée de sa mère à la fenêtre, un peu inquiet. Son père qui est rentré entre-temps, se contente de rire de son aventure.
– Elles doivent te chercher partout, je parie qu’elles sont allées au commissariat. C’est bien fait pour elles, elles n’avaient qu’à faire attention à toi. Et pas te laisser aller voir les putes !
La nuit est tombée depuis longtemps quand la mère de Joseph rentre à la maison. Elle est tellement soulagée de retrouver son fils, qu’elle ne songe même pas à lui faire la leçon. Elle l’embrasse, le serre dans ses bras et se retient de justesse de lui mettre une gifle pour se soulager.
Dix ans plus tard, Joseph travaille avec son père comme menuisier. Il est à l’ouvrage dans le garage de la maison familiale, porte grande ouverte. Deux agents de police traînent dans la rue, le nez au vent, inspectant voitures et maisons. Enfin ils approchent, ils cherchent le voisin qui paraît-il a disparu. Joseph ne sait rien. Sa mère de sa fenêtre les a vus. Elle descend dans le garage dès qu’ils sont partis, curieuse :
– Qu’est-ce qu’ils voulaient ?
– Oh rien, ils s’inquiétaient juste de savoir si tu avais récupéré ton fils !
La mère, interloquée d’abord par les lenteurs de la police, finit par éclater de rire mais elle se détourne, pour cacher les larmes qui coulent sur ses joues, au souvenir de cette terrible soirée qui lui revient à chaque veille de Noël.
Le 11/12/2019
Prairial an II, juin 1794. La France est en souffrance. Guerre extérieure, guerre civile, désorganisation économique due à la Révolution et aux mauvaises récoltes (Brest est couvert de neige durant 30 jours pendant l’hiver 93-94), crise religieuse, etc., la Convention a instauré la Terreur comme solution ultime. La disette s’intensifie. Le Comité de salut public décide d’importer du blé américain (payé par la dette américaine de la guerre d’indépendance). Un convoi de 117 navires marchands appareille de la baie de Chesapeake le 11 avril 1794, à destination de Brest. Sachant que les Anglais vont tout mettre en œuvre pour empêcher le convoi d’arriver, le Comité de salut public décide de lancer l’escadre du Contre-Amiral Villaret Joyeuse à sa rencontre. 26 vaisseaux appareillent de Brest. L’Amiral Lord Howe, chargé d’intercepter le convoi, commande l’escadre anglaise forte de 26 vaisseaux également.
Les flottes s’aperçoivent le 28 mai, à 400 nautiques dans l’ouest d’Ouessant. Villaret informé de la route du convoi, met cap à l’ouest pour entraîner les Anglais au plus loin des navires marchands. Le soir, l’arrière garde française est rejointe par les Anglais. Après un combat inégal à six contre un, le Révolutionnaire est réduit à l’état d’épave.
Les Anglais attaquent à nouveau l’arrière garde française le lendemain dans la matinée. Plusieurs vaisseaux anglais réussissent à passer au vent. Le Tyrannicide et l’Indomptable pris entre deux feux sont ravagés. Bien qu’éprouvés eux aussi, les bâtiments anglais ont gagné l’avantage du vent en fin de journée.
Les 11 et 12 prairial (30 et 31 mai 1794) une brume épaisse couvre la mer. Impossible de se battre. Pendant ce temps le convoi de navires marchands passe à l’endroit où s’est déroulé le combat du 9 prairial. La route lui est ouverte jusqu’à Brest.
Le 13 prairial (1er juin 1794) au lever du soleil, la visibilité est bonne. Les deux escadres se trouvent en lignes parallèles, à cinq ou six nautiques de distance, cap nord-nord-ouest. Les Anglais ont l’avantage du vent. C’est-à-dire que les Français, sous le vent, peuvent laisser porter et s’éloigner. L’Amiral Howe ne veut pas leur laisser cette possibilité. Dès huit heures du matin (il a laissé à ses marins le temps de déjeuner), il ordonne à ses bâtiments de couper la ligne française et d’attaquer à fond les navires ainsi isolés. Le feu commence vers 9 heures et demie. Six vaisseaux anglais réussissent à couper la ligne. Les autres se lancent à la poursuite des Français sans vouloir, ou pouvoir, couper la ligne, plusieurs bâtiments anglais déjà très endommagés par les combats précédents manœuvrent mal.
Sur l’avant de la bataille, le HMS Defence qui s’est précipité à l’attaque, se trouve isolé et mis en difficulté par le Mucius et le Tourville. Le HMS Malborough engage l’Impétueux et s’emmêle dans son gréement. Les bâtiments bord à bord, se foudroient à bout portant. Tous les mâts sont abattus, les batteries de l’Impétueux sont bouleversées. Il va se rendre quand le Mucius, aveuglé par la fumée, entre en collision avec le HMS Malborough. Les trois navires emmêlés continuent à se battre. Une frégate anglaise vient remorquer le HMS Malborough pour le sortir de ce piège et le Mucius parvient à s’éloigner vers le nord. L’Impétueux est hors de combat, il sera capturé.
Au centre, le vaisseau amiral HMS Queen Charlotte a réussi à passer derrière le bâtiment amiral français la Montagne, à cause de l’inertie ou de la poltronnerie du capitaine du Jacobin, un provençal qui vient d’être nommé Capitaine. Un duel terrible s’engage entre les deux bâtiments amiraux. Les vaisseaux, à une portée de pistolet (moins de 50 mètres) se foudroient mutuellement. La Montagne garde tous ses mâts mais subit de lourdes pertes. Jusqu’à six vaisseaux anglais l’entourent, elle réussit néanmoins à se dégager. La mêlée est telle que dans la fumée, le HMS Gibraltar tire sur son propre navire amiral en provoquant un incendie.
Dès le début de l’engagement le HMS Brunswick en voulant passer entre le Vengeur du peuple et L’Achille, aborde le Vengeur. Les deux navires restent accrochés par les ancres. Ils échangent des bordées à bout portant, provoquant des dégâts considérables et un véritable massacre.
Vers 12 heures 45, le HMS Brunswick et le Vengeur se séparent enfin. Ils ont perdu tous leurs mâts. Le HMS Ramilies attaque alors le Vengeur. Une brèche est ouverte dans son flanc tribord, plusieurs couples brisés ont déchiré la coque sous la flottaison. L’eau s’engouffre dans le trou. Les matelots, le corps hors des sabords ou grimpés sur les mantelets, tentent de placer un paillet sur l’ouverture pour aveugler la voie d’eau. Les canons anglais s’acharnent sur eux. Le paillet détruit, les marins broyés par le canon ou fusillés par les soldats, s’acharnent à sauver le navire avec des paquets de voiles, des prélarts… Mais le Vengeur coule inexorablement. Le pavillon est amené, les Anglais cessent le feu. Dans le désordre du désastre final, quelques marins ont mis à sac la cambuse et se sont enivrés.
Les Anglais mettent des chaloupes à la mer pour secourir les naufragés. 267 marins seront sauvés sur un équipage de 723 hommes. À 18 heures 15, il ne reste plus à bord que les morts et les blessés agonisants. Des marins ivres gambadent encore sur la proue en agitant le drapeau tricolore et en criant : « Vive la nation, vive la République ! » Ils couleront avec le Vengeur du peuple. Le Capitaine Renaudin est recueilli par les Anglais avec les survivants. Il n’a pas coulé avec son navire, il n’est même pas resté le dernier à bord comme le veut la tradition. Après une brève captivité en Angleterre, il sera promu Contre-Amiral et servira jusqu’en 1800.
Le combat ne reprendra pas le lendemain. Villaret rentre à Brest avec les débris de son escadre, il ne sait pas encore que le convoi est sauvé. Howe quant à lui, pense qu’il en a assez fait. Les équipages sont épuisés, les navires dévastés.
Défaite ou victoire, le combat du 13 prairial est les deux. Victoire pour avoir permis l’arrivée du convoi de grains à Brest, défaite sur le plan militaire. La France y perd sept vaisseaux capturés par les Anglais et le Vengeur du Peuple a coulé. Rien que sur les prises, les Anglais ont compté 754 morts et 771 blessés, auxquels il faut ajouter les victimes du naufrage du Vengeur soit environ 460. Au total la France a perdu plus de 1 600 hommes, 1 500 blessés et 3 000 prisonniers. Les Anglais annoncent moins de 300 tués et entre 800 et 1000 blessés. Belle victoire navale pour eux, qu’ils appelleront le Glorieux premier juin.
À la Convention, Bertrand Barrère présente la bataille comme une victoire tactique et un combat héroïque où la marine française inscrit une nouvelle page de gloire. Il décrit le naufrage du Vengeur du Peuple comme une tragédie antique, le commandant coupé en deux par un boulet sur la dunette, les marins héroïques, combattant jusqu’à la fin, coulant avec leur navire en criant : Vive la liberté, vive la République, le pavillon cloué au mât. Le mythe du Vengeur du Peuple est né. Une maquette du navire sera pendue à la voûte du Panthéon. Les journaux anglais rendent hommage aux marins français (il faut bien que les ennemis soient valeureux, sinon où serait le mérite de les vaincre ?). On peut y lire : « Les Français sont comme des cailloux ; plus on les frappe, plus ils rendent du feu. »
Le 19/11/2019
Comporte toi en stupide, tu deviendras impénétrable pour l’éternité.
La monade de John Dee est un hiéroglyphe qui concentre toute la sapience de l’univers. C’est aussi un talisman contre l’intelligence. Je vais tenter de l’expliquer, en usant le moins possible de tétrapiloctomie (l’art de couper les cheveux en quatre).
Monade signifie unité, principe absolu en métaphysique, c’est-à-dire Dieu ou esprit père. Elle peut aussi être représentée par un point au centre d’un cercle. Ou par le signe de Kih-Oskh qui a tant intrigué Tintin dans ‟Les cigares du pharaon”. Et bien d’autres, tout autant ésotériques.
La Monade (avec une majuscule) est le principe, la monade (sans majuscule) est l’unité. Une particule élémentaire, éternelle, incréée, toujours identique à elle-même pouvant se multiplier à l’infini comme si elle était vue dans des miroirs parallèles. Autrement dit chaque monade est un point de vue clair dans un ensemble flou, une lumière pure qu’on ne peut voir car la regarder la fait disparaître du champ de vision (en application du principe d’incertitude d’Heisenberg).
C’est le point en mathématiques et la particule élémentaire en physique quantique. Pour l’esprit, c’est une individualisation extrinsèque de la divinité. Quand la matière se divise en monades physique, elle est prête à devenir esprit. La désintégration conduit à l’inexistence donc à la mort. Contenant l’esprit et la matière, la monade représente ainsi la conscience individuelle, impénétrable, originale, en relation avec les autres monades qui constituent l’univers, multiple manifestation des monades uniques. Tout communie dans l’Un, la Monade, Dieu.
Miroir vivant de l’univers, la monade est composée d’un principe énergétique, l’âme et d’un principe passif, la masse. Ainsi est expliqué avec pilocatabase (l’art de s’en sortir à un poil près), le mystère de l’équivalence entre la masse et l’énergie chère à Einstein.
Je vous laisse réfléchir, je vais pratiquer maintenant l’avunculogratulation (l’art de saluer sa tante), elle arrive. Je ne voudrais pas faire attendre sa Monade.
Si vous voulez en savoir plus, lire ‟ Le pendule de Foucault” de Umberto Eco, 648 pages (en livre de poche), d’élucubrations savantes et humoristiques. Un feu d’artifice de mots inconnus, de sorcellerie et d’ésotérisme. Et de sagesse : « Ma gavte la nata ! » dit le héros en dialecte milanais pour conclure. Ôte ton bouchon ! C’est ce qu’on dit à une personne gonflée d’importance, qui devrait ôter le bouchon de son cul pour dégonfler.