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Blog

Colbert raciste ? Sans doute pas mais technocrate inexorable

Le code noir

Le 25/08/2020

        On s’en prend à Colbert à propos du Code noir. Certes il est à l’origine de l’édit du roi, mais c’est la signature de son fils (le marquis de Seignelay) qui figure sous celle de Louis XIV, au-dessus du grand sceau de cire verte à lacs de soie verte et rouge. C’était il y a plus de 330 ans, il ne faut pas juger les actes de cette époque avec les idées d’aujourd’hui. Les nouvelles lunes actuelles, seraient mieux inspirées de s’occuper de l’exploitation des êtres humains encore massivement pratiquée de nos jours. Colbert était-il coupable d’institutionnaliser ainsi l’esclavage dans les colonies, alors qu’il était interdit sur le sol de France depuis 1315 ? (tout esclave arrivant en France était automatiquement affranchi).

        Le code noir, ainsi nommé par l’éditeur de l’édit en 1718 (le titre fait vendre), et non par Colbert, prend des résonnances racistes. Le noir est maléfique, tragique, volontairement dissimulé, voire illégal (le Code noir l’était vraiment, puisque le parlement avait refusé de l’enregistrer). Il ne peut être qu’exécrable. Mais que dit-il ?

        Religion : le baptême et l’instruction dans la religion catholique est obligatoire, (le protestantisme est interdit et les juifs sont chassés des colonies). Les esclaves ont le droit de se marier religieusement et d’avoir une famille. Le dimanche et les jours de fête sont chômés. Le maître peut épouser une esclave, elle et ses enfants seront libres. Un esclave peut se marier avec une femme libre, leurs enfants seront libres, lui reste esclave. Sans mariage, l’enfant garde le statut de la mère.

         Vie et mort : L’esclave est un meuble (au sens notarial) et comme tel, entre dans la communauté des biens, vente, héritage, hypothèque… Il a cependant une personnalité juridique. Le maître est tenu de nourrir et de vêtir ses esclaves (l’alcool leur est interdit). Ceux-ci peuvent porter plainte près du procureur pour traitements barbares et inhumains. Les esclaves infirmes, malades ou trop vieux pour travailler doivent être nourris et entretenus par le maître. L’esclave ne possède rien, ce qu’il peut acquérir ou qu’on lui donne appartient au maître, mais celui-ci peut lui constituer un pécule.

         Justice : L’esclave ne peut être partie en matière civile ou criminelle mais il peut être poursuivi comme une personne libre. Toutes formes de réunion ou d’association lui sont interdites. L’esclave qui frappe son maître, sa femme ou ses enfants avec contusion de sang, peut être puni de mort. Le vol est puni des verges et de la flétrissure (comme en France). Le fugitif aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys à l’épaule, le récidiviste aura le jarret coupé, évadé une troisième fois il sera puni de mort. Si le maître estime qu’ils le méritent, les esclaves peuvent être enchaînés et battus de verges. Ils ne seront pas torturés (sic) ou mutilés. Le maître qui aurait tué un esclave sera puni selon l’atrocité de ses actes. Le mari et la femme ainsi que leurs enfants impubères ne peuvent être vendus séparément.

         Affranchissement : Le maître peut affranchir un esclave sans justification. L’affranchi est réputé être né dans nos îles et jouir de tous les avantages des sujets nés libres dans le royaume.

         L’édit du roi ne fait pas mention du transport des esclaves, d’Afrique jusqu’aux Caraïbes, pourtant la plus terrible épreuve que ces malheureux devaient subir. Un sur cinq pouvait y laisser sa vie. Colbert aurait été bien inspiré de le réglementer, si l’humanité avait été son but.

         Le code noir n’est pas le premier du genre. Dans la Bible, le code de l’alliance consacre un verset aux lois relatives aux esclaves : Exode 21 1-11 ; ainsi que le code deutéronomique : Deutéronome 15 12-18. Le Coran également énonce des lois relatives aux esclaves : sourates IV 25, 36, 92 et XC 13. Dieu prend soin de ses fidèles créatures (Ces codes ne concernent que les esclaves hébreux pour la bible ou musulmans pour le Coran, les autres, les chrétiens ou animistes par exemple, sont laissés à la merci de leurs propriétaires).

          Colbert, raciste, horrible esclavagiste ? Non, mais inexorable technocrate. Il réglemente le traitement des esclaves pour les christianiser (sans doute sur l’ordre exprès de Louis XIV), pour limiter les rébellions, les garder en bonne santé et donc travailler plus. La productivité avant tout. On n’en était pas encore au néolibéralisme mais le profit tenait déjà lieu de compassion.

Expression

Mais pas que

Le 09/08/2020

        Au lieu de dire : « Mais pas seulement » on entend fréquemment sortir de bouches illustres, à la télévision et même à l’académie (Michel Serres) : « Mais pas que ». Pourquoi ? La langue bouge pour parler, «mais pas que ». Elle naît dans la rue, prospère dans les médias et finit dans des « petits » dictionnaires qui feraient sauter le couvercle du cercueil d’Émile Littré, ressuscité de colère en entendant une expression aussi grotesque.

        Pour qu’un discours intéresse, il lui faut surprendre, faire dresser l’oreille, réveiller l’auditeur qui sommeille. Pour cela rien de mieux qu’un mot nouveau, une expression insolite, un mot d’argot glissé dans une arabesque littéraire, une grossièreté inattendue. Les hommes politiques en sont friands.

        On se souvient du « Casse-toi pov’ con » de Sarkozy, de l’abracadabrantesque de Chirac, des néologismes anglicisants de Macron mais, en « même temps », ces parleurs de haut vol (ou leurs communicants) calculent leurs effets. Sauf en cas d’improvisation où ils sont obligés, pour ne pas dire de bêtise, de parler très lentement ce qui accentue les liaisons, les faisant paraître alors incongrues. Cependant le vulgaire « mais pas que », il faut l’oser.

        Mais c’est l’expression « qui va bien », qui « percute ». Le téléspectateur « il est content ». Sur l’écran, le premier de la classe, « qui est souvent une première » s’exprime comme lui. « J’ai envie de dire », dit-il, et il dit, ce que tout le monde a déjà lu et entendu, avant de l’entendre et de le voir une nouvelle fois, « de visu ». Les concurrents des médias ont « tout fait pour » grâce à l’information spatio-temporelle qui nous accable.

        N’oublions pas les apéros, c’est souvent là qu’on entend les propos les plus intelligents car, l’alcool aidant, (pas à l’élocution bien sûr) les inhibitions disparaissent, les interdits entre « potes » n’ont plus cours. Et on peut toujours ajouter, après une tirade affreusement raciste ou misogyne : « Je dis ça, je dis rien » ou en cas de réaction défavorable : « Je déconne ! » La forme doit être convenue, normalisée en quelque sorte par les humoristes à la mode. Le plus doué en fera un sketch où tout le monde se reconnaîtra. Et s’il conclut par « mais pas que… » chacun saura de quoi il parle. « Toute honte bue ».      

La caisse d'épargne et de prévoyance en 1935, 5% d'intérêts

La caisse d'épargne en 1935

Le 19/07/2020

        J’ai trouvé dans les papiers de la famille, un livret de la Caisse d’épargne et de prévoyance de Paris, au nom de Melle Le Lann Isabelle. Il mentionne un seul versement, d’un montant de 50 francs, le 17 janvier 1935 et aucun retrait. Maman avait alors 14 ans. Il s’agit d’un cadeau de sa marraine pour les étrennes. Découvrir ce livret, en parfait état m’a ému. J’imagine Isabelle adolescente, fille d’une concierge rue Vaugirard et d’un ouvrier électricien chez Renault à l’île Seguin. Heureuse à Paris. Elle ne manquait de rien. Chaque été, la famille venait passer des vacances en Bretagne, parfois logée au château de Sainte-Barbe au Relecq-Kerhuon. C’était avant l’institution des congés payés.

        En 1935 le plafond des dépôts était de 20 000 francs pour les particuliers (22 950 euros aujourd’hui). Si on fait confiance aux statisticiens, 20 000 francs 1935 équivalent à 14 600 euros d’aujourd’hui et les 50 francs d’Isabelle à 36 euros. Avec cette somme à l’époque, elle aurait pu s’acheter un chemisier, une douzaine de mouchoirs et deux paires de chaussettes. Elle n’en obtiendrait guère plus aujourd’hui, en produits chinois, vietnamiens ou thaïlandais. La somme de 50 francs n’était pas disponible sur ce livret type A2, le remboursement étant conditionné à la majorité ou au mariage de l’épargnant. Le taux d’intérêts se montait à 5 %, véritable aubaine car la France était en pleine récession, les prix avaient fortement baissés depuis 1930.

        La caisse centrale était ouverte tous les jours de 9 heures à 16 heures et le dimanche de 9 heures à 12 heures. La femme mariée, quel que soit le régime de son mariage, pouvait se faire ouvrir un livret, avec ou sans le concours de son mari. Si elle déclarait agir seule, sa signature suffisait. Un mineur était autorisé à effectuer des versements et des retraits pour lui-même, sans intervention de son représentant légal, sur un livret ordinaire.

        L’épargnant avait la possibilité, pour la modique somme de 18 francs par an, de louer un petit compartiment dans un coffre-fort (construit par Fichet) installé dans les sous-sols de la caisse, à l’abri de tout danger d’effraction ou d’incendie. La caisse d’épargne et de prévoyance désirait mettre ainsi à la portée des ouvriers, domestiques ou employés, les commodités d’un coffre-fort. De plus, la caisse d’épargne fournissait aux détenteurs de livrets, une tirelire que chacun pouvait garder chez soi mais sans en posséder la clé. Il fallait se rendre à la caisse pour l’ouvrir.

        Le conseil des directeurs de la caisse d’épargne, présentait un feu d’artifice de grands noms, tous décorés d’au moins la Légion d’honneur : le vicomte Regnault de Beaucaron, le baron Hottinguer, le baron de Fontenay, le comte Gabriel de la Rochefoucauld, le marquis de Matharel, le comte de Pillet-Will, le baron Edmond de Rothschild, le marquis de Vogüe… bardés de références bancaires ou industrielles, présidents, administrateurs, régents, fondés de pouvoirs, etc. Les professions d’ingénieurs, inspecteurs des finances, docteurs en droit, colonels, notaires, rivalisaient avec le titre ronflant de propriétaire. L’industrie et la finance mettaient leurs compétences au service du peuple. Mais le peuple n’aime pas le paternalisme (et les baisses de salaire), il n’allait pas tarder à le faire savoir dans les urnes et dans la rue.

        Isabelle n’a jamais touché ses 50 francs. On en parlait parfois à la maison, mais pourquoi se déplacer pour toucher ce qui ne représentait plus dans les années cinquante qu’une poignée de carambars ! Le général De Gaulle n’avait pas encore multiplié le franc par cent.

La vie et l'oeuvre du Chevalier de Fréminville, célèbre brestois

Le chevalier de Fréminville

Le 25/06/2020

"Les aventures du chevalier de Fréminville, marin, savant et travesti"

éditions Coop Breizh         

 

         Le Chevalier Christophe-Paulin de la Poix de Fréminville nait à Ivry sur Seine en 1787 dans une grande famille d’écrivains, juristes, ingénieurs et marins. Il est fait Chevalier de Malte dès son enfance. Engagé dans la marine à 14 ans, il poursuit une carrière d’officier de marine jusqu’au grade de Capitaine de frégate et participe à plusieurs combats navals. Amoureux de la Bretagne, il réside à Brest entre deux campagnes et y prend sa retraite. Il décède de maladie dans cette ville en 1848.

         Fréminville est un original, royaliste et légitimiste (au point de démissionner de la marine à l’avènement de Louis-Philippe). Dès l’adolescence il s’intéresse à la nature, il suit les cours de Lamarck et Brongniart au Muséum d’histoire naturelle. Il manque de mourir de la fièvre jaune à Saint-Domingue, navigue en Mer glaciale, en mer Baltique, aux Caraïbes…

         C’est là qu’il rencontre Caroline et vit une tragique histoire d’amour (elle se suicidera pour lui) qui sans doute influencera son comportement ultérieur. À son retour en France il paraîtra en public habillé en femme.

        Écrivain prolixe et érudit, il fait l’éloge du costume féminin et produit de nombreux ouvrages sur la navigation, l’histoire du moyen âge et les ‟antiquités” de Bretagne. Fréminville est encore cités aujourd’hui pour ses observations archéologiques.

        Celtomane, romantique, naturaliste, ‟antiquaire”, franc-maçon, marin et chouan à l’occasion, il laisse dans la mémoire des Brestois l’image d’un travesti savant, et d’un Templier d’un autre âge.

         Le livre est rédigé à la première personne. Il nous fait revivre l’époque napoléonienne et la Restauration où dominaient la celtomanie et le romantisme, sans chercher à imiter les excès de l’époque en matière de langage et de sentiments. Les rapports complexes de Fréminville avec les femmes (il a été marié et a eu deux enfants) sous-tendent l’ouvrage mais sa vraie passion est l’Histoire héroïque. Nous parcourons les mers avec lui et vivons à Brest au début du 19ème siècle. L’ouvrage est fondé sur une documentation originale et souvent peu connue.         

2020, l'année de la nausée. Il faut relire Jean-Paul Sartre.

La nausée

Le 05/06/2020

         Il faut relire « La nausée » de Jean-Paul Sartre. Cela ne nous aidera pas à surmonter les informations qui nous submergent ad nauseam en cette année 2020, qui promettait pourtant d’être si belle (notée 20 sur 20 par les Nornes, ces parques scandinaves qui se partagent un seul œil entre trois, d’où leur clairvoyance).        Cependant j’aime ce grand écrivain qui ne manquait jamais de comporter comme un imbécile en politique. Mais il avait l’art de mettre des mots sur ces vagues sentiments qui nous envahissent parfois, sans qu’on puisse les expliquer. Voici quelques citations de « La nausée ».

         « J’ai vu pointer un mot sous la trame des sensations. Ce mot-là je devine qu’il va bientôt prendre la place de plusieurs images que j’aime […] la prochaine fois que je les évoquerai, une bonne partie en sera figée. »

         « Pour que l’évènement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu’on se mette à le raconter. C’est ce qui dupe les gens : un homme, c’est toujours un conteur d’histoire, il vit entouré de ses histoires et des histoires d’autrui, il voit tout ce qui lui arrive à travers elles, et il cherche à vivre sa vie comme s’il la racontait. »

        « La première lumière qui s’alluma fut celle du phare Caillebotte : un petit garçon s’arrêta près de moi et murmura d’un air d’extase : « Oh ! Le phare ! » Alors je sentis mon cœur gonflé d’un grand sentiment d’aventure. »

         « Le passé c’est un luxe de propriétaire. »

         « Mais il adviendrait bien un moment où le livre serait écrit, serait derrière moi et je pense qu’un peu de sa clarté tomberait sur mon passé. Alors peut-être que je pourrais, à travers lui, me rappeler ma vie sans répugnance. » 

L'expression

Au doigt et à l'œil

Le 02/05/2020

        Avant 1677, année où le Parlement de Paris interdit les congrès, ceux-ci consistaient en joutes publiques où un mari soupçonné d’impuissance, devait prouver devant témoins, médecins et matrones, que l’accusation était calomnieuse. Le malheureux qui se gavait de nourritures poivrées et pimentées, censées doper sa virilité, devait s’exécuter sans faillir, sous peine de voir son mariage annulé. Le résultat de la copulation était vérifié au doigt et à l’œil, selon la formule juridique en vigueur.

        Visitée aussi au doigt et à l’œil par les matrones, la victime d’un viol pour vérifier si les organes de la plaignante ont gardés leur apparence naturelle. Comme dans toutes les techniques de haute volée, un vocabulaire spécifique était employé pour désigner les parties examinées (et égarer les oreilles indiscrètes) :

         Les barres, l’os pubien ; le lippion, le poil ; l’entrepet, le périnée ; les balunaus, les grandes lèvres ; le lipppendis, le bord des lèvres ; les baboles, les nynphes ; les halerons, les caroncules ; le barbidan, le clitoris ; le guilboquet, le vagin ; la dame du milieu, l’hymen ; l’arrière fosse : l’orifice interne de la matrice.

         Comment une expression juridique, employée au sens propre d’examen par la vue et le toucher, est-elle devenue une injonction d’obéir sans discuter, au doigt et à l’œil ? Souvent, les sources divergent sur l’origine d’une expression ancienne. Depuis l’œil du tailleur qui était le coffre où il rangeait ses chutes de tissus (d’où peut-être, l’expression obtenir quelque chose à l’œil, c’est-à-dire gratuitement), jusqu’à l’obéissance des animaux de cirque ou domestiques, qui obéissent sans qu’on ait à leur parler, simplement sur un signe ou un regard, il n’y a rien de convaincant. Reste l’explication la plus simple. Examiner quelqu’un au doigt et à l’œil dans ses parties intimes, ne devait pas se faire sans quelques réticences. D’où le glissement du sens de l’expression, du sens propre au sens figuré, d’obéissance sans récrimination ni résistance. 

         Autrefois, les médecins utilisaient le latin pour exprimer leur ignorance et la dissimuler au malade (aujourd’hui, c’est en nous aveuglant de leurs lumières). Des mots scabreux qui pouvaient choquer les patients, exprimés en latin, ont survécu jusqu’aujourd’hui : pénis, phallus, utérus, hymen… Enfin, sans être malade, on pouvait utiliser un gaude-michi (réjouis moi en latin), devenu le moderne godemichet. 

Bises ou bisous, il faut choisir pour les amis, relations...

Bises ou bisous ?

Le 12/04/2020

             

En ces temps d’embrassades prohibées,

Comme tout ce qui est interdit,

Le baiser est sublimé.

Bise ou bisou ?

Rien du tout !

 

Ou juste par écrit,

La bise pour les amis,

Pauvres victimes

Du confinement.

Le bisou est pour les intimes,

Et plus si affinités :

Bisous partout !

 

Et bisous aussi pour les enfants,

Affectueux poutous

De la part des grands-parents.

 

« Tendres baisers »

Sur les cartes postales d’antan

Adressées au lointain fiancé.

 

Et embrassez celle, celle, celle,

Et embrassez, celle que vous aimerez…

On en chantait de belles

En faisant la ronde autour du brasier,

La nuit de la Saint-Jean.

 

« Les baisers des amants

Sont comme des bouses qui tombent »

Écrivait Montherlant.

Une femme a laissé un « Maudit sois-tu »,

Dans la boîte des « non lus » de sa tombe.

Mais l’image est juste

Pour les ados goulus

Et leurs amours frustes.

 

Moi-même, autrefois ado,

J’avais appris par cœur

La tirade de Cyrano :

« Un baiser mais à tout prendre qu’est-ce ?

… Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer…

Une communion ayant un goût de fleur,

Une façon d’un peu se respirer le cœur

Et de se goûter au bord des lèvres l’âme. »

Récité à l’oreille en ambiance propice,

Grâce au laid poète complice,

Elle fermera les yeux,

Ou claquera une gifle.

C’est gagné une fois sur deux,

Alors s’allume une flamme,

Sur ma joue ou dans son cœur.

 

Les amoureux se bécotent

Comme des pigeons, n’importe où

Sur un banc ou ailleurs et les voyous

Roulent une pelle à qui fricote,

Et elle aime qu’on la pelote.

 

Baisers légers de vieillards

Aux lèvres minces,

Touchants et doux,

Une trop vive étreinte,

Pourrait, mais trop tard,

Rallumer l’amadou,

(En provençal amoureux se dit amadou)

Qui causa tant de guerres,

Jadis et naguère.

*

Coronomédiavirus le virus qui donne la logorrhée aux médias

Coromédiavirus

Le 27/03/2020

        Je me vois obligé de déroger à la règle du présent blog qui n’est pas censé traiter de l’actualité. Je vais donc ajouter quelques mots à la logorrhée des médias sur le Coronavirus. Comment faire autrement puisqu’on ne parle plus que de ça.

        « Nous sommes en guerre », Macron l’a dit. En 1916, les journaux allemands titrent « À l’Ouest rien de nouveau » (Erich Maria Remarque). On continue à tuer 1000 hommes par jour, ce n’est pas nouveau, le front est calme. En France on donne des « Nouvelles du front ». Rassurantes. La véritable horreur ne sera dite que par les écrivains et les carnets de guerre des Poilus, plus tard. Que ce serait-il passé si les médias, avec les moyens d’aujourd’hui, avaient exposé la vérité, à la population, l’arrière, comme on disait alors ? On aurait montré des photos, réalisé des reportages, interviewé les médecins, les infirmières, les blessés, compté les morts. Qui sait, d’intrépides cadreurs auraient suivi en direct une attaque, sous le feu roulant de l’artillerie (à l’époque le direct n’existait pas, on se contentait de reconstitutions à l’arrière).

        Le public accablé, aurait déserté les théâtres et les cinémas. Un énorme nuage de prières se serait alors élevé vers Dieu (ou Marx), et le peuple en foule, se serait porté sur l’Assemblée nationale pour réclamer la paix. Les gouvernements ne pouvaient prendre le risque d’une transparence insoutenable. La propagande remplaçait la vérité.

         Aujourd’hui c’est la vérité qui constitue la propagande, ce qu’on voit, du moins ce qu’on nous montre, scientifiquement, avec calme et pudeur (pas toujours). Et c’est l’écœurement didactique, nous sommes assommés, sidérés, perclus d’inquiétude, bientôt morts de peur. La télévision, au journal de 20 heures, nous inflige chaque soir une émission spéciale Coronavirus. Il n’y a plus de guerres, de famines, de terroristes, d’émigrés, d’accidents, de sport, (confinement oblige), de pollution (c’est vrai), etc. Le journal de RTL s’est ouvert ce soir (26 mars) sur la mort de Michel Hidalgo, une petite respiration (si je puis dire) dans les nouvelles de la pandémie qui prennent toute la place.

        Trop d’informations ? Trop d’injonctions ? Le président, en chef de guerre, nous conduira à la victoire (j’ai confiance), alors pourquoi prend-il ce ton pleurnichard dans ses discours longs comme une journée de confinement et où il répète dix fois la même chose ? C’est le moment d’être martial au contraire, et bref. « Du sang, de la sueur et des larmes » (Churchill en 1940) mais ce serait trop violent pour nous, combattants du XXIe siècle. On nous montre jusqu’à la nausée, la sueur et les larmes, l’imagination fait le reste et c’est bien pire. Il faut arrêter de regarder les diaboliques chaînes d’information en continu.

        « Paroles, paroles… » comme dit la chanson de Dalida, compassion aussi et promesses, qui s’apparentent à une lettre au père Noël. Existe-t-il une stratégie de communication gouvernementale, en dehors des mensonges de circonstance ? Heureusement qu’il nous reste les réseaux sociaux, où l’humour des confinés nous fait parfois éclater de rire. « Rire en larmes » selon l’expression d’Homère.