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Blog

Les 50 ans de la naissance de Philippe Siou le poète disparu

Philippe Siou, le poète disparu

Le 21/01/2020

          Il y a 50 ans, le 21 janvier, naissait Philippe Siou. Disparu en 2013, le prof de lettres nous a laissé une centaine de chansons, qu’il chantait dans les bars et les boîtes de Lille. Leur énormité faisait rire parfois ou laissait pantois les auditeurs qui n’en croyaient pas leurs oreilles. Mais à les lire on ressent le spleen qui sous-tend toute son œuvre, l’ailleurs du poète au milieu du désert des hommes, qu’il évoque dans une langue savante, mêlée de vieux français, d’argot, de régionalismes et de néologismes savoureux.

Philippe mon fils, tu nous manques.

Ses chansons ont été rassemblées dans un livre : La pipe à l’envers chez Edilivre.

 

LES VACANCES

Voilà fermées les scoles, et adieu l’institutrice

L’humanité se bronze au feu du Dieu qui brûle

La maîtresse bikine sur les plages d’Ibize

Madame a bien maigri et elle s’en congratule.

 

 Ils ont acquis ticket pour un bateau qui cingle

Ou désiré souper dedans le gros Boeing.

Déjougués ils s’ébattent en sandales au tarmac

En leur pupille tangue un rêve de hamac.

 

D’aucun vont en Asie, et son frère à la pêche.

Mais il faut aller loin, au loin que l’autre ignore.

La sandalette hardie foulera Marrakech,

Madame fut roulée des vagues du Bosphore.

 

De mon banc je les mire se ravir à l’exote

Et je songe en fumant à mon petit voyage

Croisière verticale, sur mon banc, sous la flotte.

Plus seul qu’un mort d’hier et son canard sauvage.

 

Ils reviendront hélas, pleine pogne d’images,

Le campeur héroïque et le touriste sage,

Me parler de la lune et du dresseur d’iguane,

C’est qu’ils ont vu Le Caire. J’écrase ma gitane.

 

Parfois un avion tombe, c’est Dieu qui rend justice.

Mots d'enfants, ou comment se réjouir sous la pluie.

Mots d'enfants

Le 10/01/2020

 

Nous avons eu à Brest, 12 minutes de soleil la première semaine de 2020. Plutôt que de pleurnicher, il vaut mieux en rire avec ces mots d'enfants (authentiques)

Ma petite sœur dort comme une marmite (A. 3 ans).

*

P., un petit blond de 5 ans, était heureux à l’école à Diégo Suarez ou travaillait son père expatrié. De retour en France, il est malmené par ses camarades de classe. P. dit à sa mère : « Maman, je veux redevenir noir ! »

*

Y. – C’est dans combien de temps mon anniversaire ?

Mamie : – Dans 5 mois.

Y. – Et ben, ils n’ont pas duré longtemps mes 6 ans !

*

Les cuillers en argent, c’est tante Adèle qui nous en a fait cadeau pour sa mort. (Y. 8 ans)

*

Au moment de prendre l’avion pour retrouver ses parents à Paris, le petit E. (6 ans) :

– Je ne voudrais pas mourir avant d’avoir fait le CP !

*

Que signifient des ennuis pécuniaires ?

A. 10 ans répond : C’est quand on est aux toilettes et qu’on n’a plus de papier cul.

*

G. 3 ans, explique la voiture de son père à ses grands-parents :

Ici t’as le volant, là le levier de vitesses et là dans la petite glace, papa regarde tout le temps en disant « Il va pas me doubler c’t’enculé ! »

*

M. 6 ans, regarde le Tour de France à la télévision

Devant la confusion des voiture et des coureurs elle lance : Je suis sure que les vélos vont gagner.

*

V. 4 ans, à sa mère qui enlève ses lunettes pour l’embrasser dans son lit :

Maman remet tes lunettes, je ne te vois pas bien.

*

F. 6 ans : Quand je serai grand, je serai travailleur !

*

Y. 5 ans, marche à quatre pattes à cause de son plâtre au pied :

Je marche à quatre pieds (l’expression était courante il y a un siècle).

*

En passant devant un magasin d’affaires de bébé avec son père et la nouvelle femme de celui-ci tout à fait enceinte, M. 4 ans, affirme : Bébé pue !

*

M. 5 ans, a découvert un nouveau mot, à la sortie de l’école où l’attend sa grand-mère, elle jette aux garçons :

– Bande de pédés ! Sa grand-mère la reprend :

– Il ne faut pas dire ça, dit plutôt, bande de ouistitis.

Arrivée à la maison, M. dit au chien :

– Espèce de ouistiti. Son grand-père étonné lui demande :

– C’est quoi un ouistiti ?

– Un ouistiti c’est un pédé !

*

Alors qu’on se promène avec elle en voiture, V. 6 ans, dont les parents viennent de divorcer, s’étonne :

Qu’est-ce qu’il y a comme églises aujourd’hui ! 

Petit conte de Noël, une prostituée aide un enfant perdu

Petit conte de Noël

Le 22/12/2019

        Ce sera bientôt Noël. Joseph qui n’a pas encore 10 ans, est venu à Paris avec sa maman et sa tante Hortense, pour voir les devantures des grands magasins et les illuminations. Joseph sait bien que les automates, les petits trains, les panoplies de Zorro… ne trouveront pas de place dans ses souliers. Mais les oranges, les petits Jésus en sucre et le jouet en bois confectionné par son menuisier de père, le raviront tout de même le matin de Noël. La nuit tombe sur la ville illuminée. Les yeux plein d’étoiles ils se dirigent vers la gare Saint-Lazare pour rentrer chez eux à Argenteuil.

        Ils passent devant un homme déguisé en père Noël, qui joue de l’accordéon assis sur un pliant au bord du trottoir. Ils l’écoutent un moment, Hortense lui jette une pièce adroitement dans sa sébile. Joseph captivé par les doigts de l’artiste qui courent sur les touches, se demande comment il peut jouer des deux mains à la fois. Il veut le dire à sa mère, tourne la tête dans tous les sens sans la voir. Les deux femmes sont parties. Il est seul !

        Joseph presse le pas pour les rejoindre. La foule est dense, il ne voit guère que des souliers et des manteaux. Il ne reconnaît pas la rue, croit marcher vers la gare mais il est parti dans le mauvais sens. Joseph panique un peu, il se met à courir et s’éloigne de plus en plus. Bientôt il est complètement perdu, il se met à pleurer. Sur la plaque de rue il lit à travers ses larmes : rue de Provence. Il pourrait demander aux passants le chemin de la gare Saint-Lazare mais il n’ose pas. Les gens emmitouflés, les mains dans les poches, passent en regardant leurs pieds sans faire attention à lui. Sur le trottoir, curieusement, des femmes peu frileuses font les cent pas, jupes fendues, blouson en peau de lapin, bas en filet qu’on dirait de leurs cuisses, que c’est des rôtis de porc.

        L’une d’elles s’approche de Joseph. Elle porte sur sa tête un bonnet rouge et blanc de père Noël, coquettement posé de travers.

        – Pourquoi tu pleures mon petit ?

        – Je suis perdu !

        – Tu es tout seul ?

        – J’étais avec maman et tata Hortense mais elles m’ont oublié devant l’accordéoniste.

        – Tu habites où ?

        – À Argenteuil.

        – T’es venu en train ?

        – Oui.

        – Viens, je vais te conduire à la gare.

        – Mais j’ai pas de billet, c’est maman qui l’a.

        – T’inquiète pas, je vais t’en acheter un.

        C’est ainsi que le petit Joseph est rentré chez lui. La femme lui a posé un tendre baiser sur la joue, avant de le laisser monter dans le train. Arrivé à la maison il guette l’arrivée de sa mère à la fenêtre, un peu inquiet. Son père qui est rentré entre-temps, se contente de rire de son aventure.

        – Elles doivent te chercher partout, je parie qu’elles sont allées au commissariat. C’est bien fait pour elles, elles n’avaient qu’à faire attention à toi. Et pas te laisser aller voir les putes !

        La nuit est tombée depuis longtemps quand la mère de Joseph rentre à la maison. Elle est tellement soulagée de retrouver son fils, qu’elle ne songe même pas à lui faire la leçon. Elle l’embrasse, le serre dans ses bras et se retient de justesse de lui mettre une gifle pour se soulager.

        Dix ans plus tard, Joseph travaille avec son père comme menuisier.  Il est à l’ouvrage dans le garage de la maison familiale, porte grande ouverte. Deux agents de police traînent dans la rue, le nez au vent, inspectant voitures et maisons. Enfin ils approchent, ils cherchent le voisin qui paraît-il a disparu. Joseph ne sait rien. Sa mère de sa fenêtre les a vus. Elle descend dans le garage dès qu’ils sont partis, curieuse :

        – Qu’est-ce qu’ils voulaient ?

        – Oh rien, ils s’inquiétaient juste de savoir si tu avais récupéré ton fils !

        La mère, interloquée d’abord par les lenteurs de la police, finit par éclater de rire mais elle se détourne, pour cacher les larmes qui coulent sur ses joues, au souvenir de cette terrible soirée qui lui revient à chaque veille de Noël.

Glorieux combat naval pour sauver un convoi de grains

Le combat de prairial an II

Le 11/12/2019

        Prairial an II, juin 1794. La France est en souffrance. Guerre extérieure, guerre civile, désorganisation économique due à la Révolution et aux mauvaises récoltes (Brest est couvert de neige durant 30 jours pendant l’hiver 93-94), crise religieuse, etc., la Convention a instauré la Terreur comme solution ultime. La disette s’intensifie. Le Comité de salut public décide d’importer du blé américain (payé par la dette américaine de la guerre d’indépendance). Un convoi de 117 navires marchands appareille de la baie de Chesapeake le 11 avril 1794, à destination de Brest. Sachant que les Anglais vont tout mettre en œuvre pour empêcher le convoi d’arriver, le Comité de salut public décide de lancer l’escadre du Contre-Amiral Villaret Joyeuse à sa rencontre. 26 vaisseaux appareillent de Brest. L’Amiral Lord Howe, chargé d’intercepter le convoi, commande l’escadre anglaise forte de 26 vaisseaux également.

         Les flottes s’aperçoivent le 28 mai, à 400 nautiques dans l’ouest d’Ouessant. Villaret informé de la route du convoi, met cap à l’ouest pour entraîner les Anglais au plus loin des navires marchands. Le soir, l’arrière garde française est rejointe par les Anglais. Après un combat inégal à six contre un, le Révolutionnaire est réduit à l’état d’épave.

        Les Anglais attaquent à nouveau l’arrière garde française le lendemain dans la matinée. Plusieurs vaisseaux anglais réussissent à passer au vent. Le Tyrannicide et l’Indomptable pris entre deux feux sont ravagés. Bien qu’éprouvés eux aussi, les bâtiments anglais ont gagné l’avantage du vent en fin de journée.

        Les 11 et 12 prairial (30 et 31 mai 1794) une brume épaisse couvre la mer. Impossible de se battre. Pendant ce temps le convoi de navires marchands passe à l’endroit où s’est déroulé le combat du 9 prairial. La route lui est ouverte jusqu’à Brest.

         Le 13 prairial (1er juin 1794) au lever du soleil, la visibilité est bonne. Les deux escadres se trouvent en lignes parallèles, à cinq ou six nautiques de distance, cap nord-nord-ouest. Les Anglais ont l’avantage du vent. C’est-à-dire que les Français, sous le vent, peuvent laisser porter et s’éloigner. L’Amiral Howe ne veut pas leur laisser cette possibilité. Dès huit heures du matin (il a laissé à ses marins le temps de déjeuner), il ordonne à ses bâtiments de couper la ligne française et d’attaquer à fond les navires ainsi isolés. Le feu commence vers 9 heures et demie. Six vaisseaux anglais réussissent à couper la ligne. Les autres se lancent à la poursuite des Français sans vouloir, ou pouvoir, couper la ligne, plusieurs bâtiments anglais déjà très endommagés par les combats précédents manœuvrent mal.

         Sur l’avant de la bataille, le HMS Defence qui s’est précipité à l’attaque, se trouve isolé et mis en difficulté par le Mucius et le Tourville. Le HMS Malborough engage l’Impétueux et s’emmêle dans son gréement. Les bâtiments bord à bord, se foudroient à bout portant. Tous les mâts sont abattus, les batteries de l’Impétueux sont bouleversées. Il va se rendre quand le Mucius, aveuglé par la fumée, entre en collision avec le HMS Malborough. Les trois navires emmêlés continuent à se battre. Une frégate anglaise vient remorquer le HMS Malborough pour le sortir de ce piège et le Mucius parvient à s’éloigner vers le nord. L’Impétueux est hors de combat, il sera capturé.

        Au centre, le vaisseau amiral HMS Queen Charlotte a réussi à passer derrière le bâtiment amiral français la Montagne, à cause de l’inertie ou de la poltronnerie du capitaine du Jacobin, un provençal qui vient d’être nommé Capitaine. Un duel terrible s’engage entre les deux bâtiments amiraux. Les vaisseaux, à une portée de pistolet (moins de 50 mètres) se foudroient mutuellement. La Montagne garde tous ses mâts mais subit de lourdes pertes. Jusqu’à six vaisseaux anglais l’entourent, elle réussit néanmoins à se dégager. La mêlée est telle que dans la fumée, le HMS Gibraltar tire sur son propre navire amiral en provoquant un incendie.

        Dès le début de l’engagement le HMS Brunswick en voulant passer entre le Vengeur du peuple et L’Achille, aborde le Vengeur. Les deux navires restent accrochés par les ancres. Ils échangent des bordées à bout portant, provoquant des dégâts considérables et un véritable massacre.

        Vers 12 heures 45, le HMS Brunswick et le Vengeur se séparent enfin. Ils ont perdu tous leurs mâts. Le HMS Ramilies attaque alors le Vengeur. Une brèche est ouverte dans son flanc tribord, plusieurs couples brisés ont déchiré la coque sous la flottaison. L’eau s’engouffre dans le trou. Les matelots, le corps hors des sabords ou grimpés sur les mantelets, tentent de placer un paillet sur l’ouverture pour aveugler la voie d’eau. Les canons anglais s’acharnent sur eux. Le paillet détruit, les marins broyés par le canon ou fusillés par les soldats, s’acharnent à sauver le navire avec des paquets de voiles, des prélarts… Mais le Vengeur coule inexorablement. Le pavillon est amené, les Anglais cessent le feu. Dans le désordre du désastre final, quelques marins ont mis à sac la cambuse et se sont enivrés.

        Les Anglais mettent des chaloupes à la mer pour secourir les naufragés. 267 marins seront sauvés sur un équipage de 723 hommes. À 18 heures 15, il ne reste plus à bord que les morts et les blessés agonisants. Des marins ivres gambadent encore sur la proue en agitant le drapeau tricolore et en criant : « Vive la nation, vive la République ! » Ils couleront avec le Vengeur du peuple. Le Capitaine Renaudin est recueilli par les Anglais avec les survivants. Il n’a pas coulé avec son navire, il n’est même pas resté le dernier à bord comme le veut la tradition. Après une brève captivité en Angleterre, il sera promu Contre-Amiral et servira jusqu’en 1800.

         Le combat ne reprendra pas le lendemain. Villaret rentre à Brest avec les débris de son escadre, il ne sait pas encore que le convoi est sauvé. Howe quant à lui, pense qu’il en a assez fait. Les équipages sont épuisés, les navires dévastés.

         Défaite ou victoire, le combat du 13 prairial est les deux. Victoire pour avoir permis l’arrivée du convoi de grains à Brest, défaite sur le plan militaire. La France y perd sept vaisseaux capturés par les Anglais et le Vengeur du Peuple a coulé. Rien que sur les prises, les Anglais ont compté 754 morts et 771 blessés, auxquels il faut ajouter les victimes du naufrage du Vengeur soit environ 460. Au total la France a perdu plus de 1 600 hommes, 1 500 blessés et 3 000 prisonniers. Les Anglais annoncent moins de 300 tués et entre 800 et 1000 blessés. Belle victoire navale pour eux, qu’ils appelleront le Glorieux premier juin.

        À la Convention, Bertrand Barrère présente la bataille comme une victoire tactique et un combat héroïque où la marine française inscrit une nouvelle page de gloire. Il décrit le naufrage du Vengeur du Peuple comme une tragédie antique, le commandant coupé en deux par un boulet sur la dunette, les marins héroïques, combattant jusqu’à la fin, coulant avec leur navire en criant : Vive la liberté, vive la République, le pavillon cloué au mât. Le mythe du Vengeur du Peuple est né. Une maquette du navire sera pendue à la voûte du Panthéon. Les journaux anglais rendent hommage aux marins français (il faut bien que les ennemis soient valeureux, sinon où serait le mérite de les vaincre ?). On peut y lire : « Les Français sont comme des cailloux ; plus on les frappe, plus ils rendent du feu. »

La monade de John Dee concentre la sapience de l'univers

La monade de John Dee

Le 19/11/2019

                         Comporte toi en stupide, tu deviendras impénétrable pour l’éternité.

        La monade de John Dee est un hiéroglyphe qui concentre toute la sapience de l’univers. C’est aussi un talisman contre l’intelligence. Je vais tenter de l’expliquer, en usant le moins possible de tétrapiloctomie (l’art de couper les cheveux en quatre).

        Monade signifie unité, principe absolu en métaphysique, c’est-à-dire Dieu ou esprit père. Elle peut aussi être représentée par un point au centre d’un cercle. Ou par le signe de Kih-Oskh qui a tant intrigué Tintin dans ‟Les cigares du pharaon”. Et bien d’autres, tout autant ésotériques.

        La Monade (avec une majuscule) est le principe, la monade (sans majuscule) est l’unité. Une particule élémentaire, éternelle, incréée, toujours identique à elle-même pouvant se multiplier à l’infini comme si elle était vue dans des miroirs parallèles. Autrement dit chaque monade est un point de vue clair dans un ensemble flou, une lumière pure qu’on ne peut voir car la regarder la fait disparaître du champ de vision (en application du principe d’incertitude d’Heisenberg).

          C’est le point en mathématiques et la particule élémentaire en physique quantique. Pour l’esprit, c’est une individualisation extrinsèque de la divinité. Quand la matière se divise en monades physique, elle est prête à devenir esprit. La désintégration conduit à l’inexistence donc à la mort. Contenant l’esprit et la matière, la monade représente ainsi la conscience individuelle, impénétrable, originale, en relation avec les autres monades qui constituent l’univers, multiple manifestation des monades uniques. Tout communie dans l’Un, la Monade, Dieu.

         Miroir vivant de l’univers, la monade est composée d’un principe énergétique, l’âme et d’un principe passif, la masse. Ainsi est expliqué avec pilocatabase (l’art de s’en sortir à un poil près), le mystère de l’équivalence entre la masse et l’énergie chère à Einstein.

         Je vous laisse réfléchir, je vais pratiquer maintenant l’avunculogratulation (l’art de saluer sa tante), elle arrive. Je ne voudrais pas faire attendre sa Monade.

         Si vous voulez en savoir plus, lire ‟ Le pendule de Foucault” de Umberto Eco, 648 pages (en livre de poche), d’élucubrations savantes et humoristiques. Un feu d’artifice de mots inconnus, de sorcellerie et d’ésotérisme. Et de sagesse : « Ma gavte la nata ! » dit le héros en dialecte milanais pour conclure. Ôte ton bouchon ! C’est ce qu’on dit à une personne gonflée d’importance, qui devrait ôter le bouchon de son cul pour dégonfler.    

Succès du mot glaçant sur le net. C'est le goût de l'horreur

C'est glaçant

Le 29/10/2019

         Glaçant, le mot est à la mode. On le trouve fréquemment dans les médias et particulièrement sur le net, à propos de tout ce qui nous semble horrifique. Utilisé même à la télévision publique (pourtant garante d’une bienséante modération), dans la ravissante bouche d’Anne-Claire Coudray par exemple ou celle non moins souriante de Christophe Hondelatte.

        Définition de glaçant : qui glace au propre et au figuré, c’est-à-dire qui fait perdre ou diminuer l’ardeur des sentiments ; intimider ; remplir d’effroi (Larousse 1954). Pour Littré (Dictionnaire abrégé de 1963) glaçant n’est que le participe présent de glacer : au figuré, causer de la répulsion par le froid des manières ; causer le froid de l’ennui ; causer une profonde impression morale ; causer une émotion pénible et si forte que le mouvement du sang en semble arrêté. Enfin, dans le décevant Petit Larousse de 2011 : qui décourage, rebute par sa froideur.

         Exemple d’articles trouvés sur le net avec glaçant dans le titre : Les glaçants carnets secrets d’un chirurgien pédophile ; Le cannibale de Rothenburg et autres faits glaçants ; Meurtres glaçants des disparus de Mirepoix ; Affaire Troadec, détails glaçants…  Ça donne envie de lire !

         La définition actuelle de l’adjectif serait plutôt : qui fait peur, terrifie, horripile ; est glaçant un évènement qui ne nous touche pas personnellement mais qu’on craint de subir, et par conséquent, nous intéresse intensément. Glaçant dans le titre d’un article, attire irrésistiblement le curieux, fait lire le texte et voir les publicités qui l’accompagnent. Pire encore, le mot sent le scandale, l’horreur. Meurtre, viol, attentat, massacre, génocide, fin du monde, un délicieux frisson nous passe dans le dos et nous tournons page après page (nouvelles publicités à chaque fois), dans l’espoir d’en savoir plus, de décortiquer l’horreur. Et parfois nous sommes déçus, le fait glaçant ne l’est pas tant que ça (ou c’est l’habitude qui l’édulcore). La page est fermée et nous passons à autre chose. La maison est bien chauffée c’est l’essentiel.

         L’occurrence du mot glaçant en littérature reflète l’état de la langue écrite et des mœurs. Autrefois, vers le début du siècle des Lumières, le langage châtié et relevé n’hésite pas sur le mot. Il se perd un peu, puis trouve un nouveau succès à la Révolution avec les têtes qui tombent. Vient une période d’étiage, les guerres de plus en plus féroces ne glacent plus personne. À partir des années cinquante, soixante, un renouveau s’amorce vers une remontée, qui s’accélère actuellement grâce au net. Allons-nous vers une civilisation de la peur ? 

         De tous temps, les journaux ont cherché à attirer le lecteur par le scandale. Il faut voir les unes du Petit journal (1853-1944), de Détective (créé en 1928) ; des journaux révolutionnaires, Le père Duchesne (foutre !) et bien d’autres. Comme on dit toujours, on n’est pas obligé de lire ou de regarder. Il suffit de le faire en loucedé.

Kerguidu, symbole de la résistance bretonne à l'oppression.

La bataille de Kerguidu

Le 26/09/2019

        La bataille de Kerguidu a été popularisée par le livre en breton de Lan Inizan (publié en 1877). Le Breton rebelle, jaloux de sa liberté, est prêt à donner sa vie pour sa famille, sa religion, sa terre. Il est bien douloureux d’être opprimé, il n’y a de honte qu’à se soumettre. En 1793, les paysans et les villageois sont excédés par les réquisitions de leurs maigres récoltes et la persécution de leurs prêtres. Survient la levée en masse de 300 000 hommes décidée par la Convention le 24 février 1793. C’en est trop. Les paysans du Léon s’insurgent aussitôt. Le tirage au sort des conscrits tourne à l’émeute et bientôt en bataille rangée. Celle de Kerguidu suit de quelques jours le combat de Saint-Pol-de-Léon qui fit trois morts parmi les Républicains.

        Le rapport du citoyen Prat, commissaire du district de Lesneven qui accompagnait le Général Canclaux à Kerguidu, est sans doute le plus proche de la vérité sur ce qui s’est passé. Il n’a que faire d’un patriotisme breton, sa nation c’est la France et elle est en danger.

        Les paysans avertis de l’arrivée de Canclaux, coupent la route de Lesneven à Saint-Pol, en détruisant le pont sur la rivière Guillec à la hauteur de Kerguidu, le samedi 23 mars 1793. L’eau haute et le courant rapide rendent très difficile le passage à gué et impossible le franchissement sous le feu ennemi. Le lendemain, dimanche des rameaux, le régiment des volontaires du Calvados, la Garde nationale de Saint-Pol, renforcée de celle de Morlaix, soit 460 hommes au total, se rendent à Kerguidu avec un chariot chargé de poutres et de planches pour réparer le pont. Ils disposent d’un canon. Plusieurs milliers de paysans sont embusqués dans le bois de Kerminguy pour empêcher les Républicains de passer. Le combat s’engage vers dix heures du matin. On remarque parmi les insurgés, plusieurs femmes qui se battent avec beaucoup de courage et de résolution. Les Républicains sont en infériorité numérique. Bientôt encerclés, ils se forment en carré sur une éminence, rive droite de la rivière. Dans cette manœuvre précipitée, le canon a roulé dans un trou. Essieu cassé, la pièce est hors d’usage. La situation semble critique quand le Général Canclaux arrive, avec 1 200 hommes de la garnison de Brest, du côté de Lesneven. Ses deux canons de huit mis en batterie, font fuir les paysans qui gardent le pont détruit. Ils escaladent les talus et s’embusquent derrière pour continuer à tirer.

        Courageusement, les charpentiers patriotes de Saint-Pol réparent sommairement le pont sous le feu des insurgés. Les troupes du Général Canclaux franchissent enfin le Guillec et chargent à la baïonnette sur la rive gauche. Les paysans se débandent. Un canon positionné sur l’éminence ainsi libérée, sème le désordre dans les rangs des insurgés. Canclaux lance alors l’assaut sur la rive droite, les paysans pris à revers s’enfuient. Cinq sont fait prisonniers, dont une femme. Elle porte encore sur elle deux pistolets chargés. Les Républicains peuvent faire leur jonction et marchent sur Saint-Pol, harcelés sans répit par les insurgés embusqués derrière les haies et les talus. Arrivés au croisement du chemin de Landivisiau à hauteur de Plougoulm, les paysans barrent la route. Le combat est bref, le canon ouvre la route de Saint-Pol. Les républicains y arrivent au crépuscule.

         On ignore combien de paysans ont été tués dans l’affaire, ils sont sans doute revenus chercher leurs morts pendant la nuit. Ils seraient probablement plus d’une centaine, (L’historien Albert Laot pense à seulement 6 morts, l’abbé Cadic à 120 et le Général Canclaux les évalue à 400). Les républicains n’ont eu que 8 blessés.

        La commission militaire chargée de juger les rebelles pris les armes à la main, se réunit le premier avril 1793. Le 4 elle condamne à mort Jean Pedel cabaretier au Relecq en Guipavas (Relecq-Kerhuon aujourd’hui) et le 5 elle condamne François Guiavarch cultivateur a Keros en Guipavas, immédiatement exécutés (il y a eu probablement d’autres exécutions). Le tribunal criminel condamne à mort François Barbier notaire et maire de Ploudalmézeau qui tente de s’ouvrir les veines avec un mauvais couteau dans la nuit. Sauvé par ses gardiens, il marche d’un pas ferme le lendemain vers l’échafaud. Le 23 avril, condamnation à mort de Jean Prigent maire de Plouzévédé, un des notables les plus actifs de l’insurrection. L’exécution a lieu à Lesneven pour bien montrer aux insurgés ce qu’ils risquent en se rebellant contre la République. Le 11 avril 1793 La convention nationale décrète que l’administration départementale et le Général Canclaux avaient bien mérité de la patrie.

Souvenirs de l'apprentissage d'ajusteur  à la DCAN de Brest.

Souvenirs d'apprentissage

Le 27/08/2019

        Près d’un chantier de construction d’immeubles, je trouve sur le trottoir trois écrous. Ils ont sales mais pas rouillés, marqués A2-035. J’en déduis qu’ils sont en acier inoxydable (vérification faite sur internet, c’est de l’acier inox austénitique). Paf ! Renvoyé soixante ans en arrière. Aux apprentis de la DCAN, à l’arsenal de Brest.

        Jean-Claude, un gars de troisième année, vient à mon étau me montrer discrètement une bague, qu’il a confectionnée dans un écrou en inox. C’est de la bricole, de la perruque. Il est interdit de travailler pour son compte dans les ateliers mais les instructeurs ne sont pas toujours sur notre dos. On travaille tellement dur pendant les essais, qu’on peut aussi se divertir un peu. Pourquoi appeler la réalisation de progressions pédagogiques des essais ? Les ouvriers peuvent, sous conditions, se présenter à des épreuves pratiques et théoriques pour changer de catégorie, ce sont des essais (la plupart du temps réussi), d’où le nom.

        Sa bague est polie comme un miroir. Elle comporte un insert minuscule en bronze, ajusté en queue d’aronde. Je m’extasie sans plus. Je pense que je n’arriverais pas à faire aussi bien. Jean-Claude est un cador, comme on dit dans les ateliers. À mon tour je m’essaie à confectionner une bague. Les écrous s’échangent à prix d’or. Enfin j’en ai un. Il faut aussi trouver le papier carborundum pour obtenir le poli miroir. Nous en conservons précieusement des lambeaux, quand on nous en donne pour la finition de certains outils que nous fabriquons. Je me lance, je perce, je scie, je lime, je polis. Mais pour finir je me contente d’un chaton en forme de diamant. Banal. Je n’ai pas tenté le chef d’œuvre, l’insert en queue d’aronde. À l’époque je me contentais de peu. En soixante ans je n’aurais pas eu l’occasion de me rattraper et là, je trouve ces écrous.

        L’apprentissage d’ajusteur (d’artillerie mar plij !) à l’arsenal me revient dans les mains. Il commence par une espèce de dressage : scier avec la lame à l’envers (sans les dents), buriner en frappant sur un burin arrondi, limer avec une lime gigantesque, tout ça pendant des heures et des heures. La sueur coule. Et le sang. Les phalanges sont massacrées au marteau, les coupures se multiplient sur les arêtes tranchantes des pièces, la paume de la main droite n’est plus qu’une plaie qu’on bande avec un mouchoir. L’épuisement gagne. Les pauvres enfants qui passaient leur temps jusque-là, à sommeiller sur leurs fesses en salle de classe, sont obligés de rester debout toute la journée, à piétiner dans la limaille. Interdit de s’assoir. La sirène de six heures cinq est une douce délivrance. Je me vois encore descendre du plateau des Capucins dans la fraicheur du soir, les mains dans les poches, l’esprit libre, enfin débarrassé des miasmes scolaires (pas tout à fait cependant mais alors je n’y pense plus).

         Et quelle efficacité cet apprentissage ! Soixante ans après, un matin, je prends mes écrous, je perce, je scie, je lime, je polis. La main s’accommode. Après quelques hésitations les surfaces sont planes, les arrondis réguliers, le poli excellent (on se voit dedans). Je commence par des pointes de diamant comme autrefois, première bague. Puis des grains de riz, plus difficile, deuxième bague. Enfin je tente l’insert de cuivre en queue d’aronde, troisième bague. Et je réussis (voir la photo).

        Pour être honnête j’ai tous les outils nécessaires et en 60 ans, j’ai quand même réalisé quelques pièces dans mon garage dont la réplique d’un révolver, qui m’a pris quelques 200 heures de travail.

        Mon épouse s’étonne, j’ai l’air heureux en travaillant. J’ai l’âge maussade habituellement mais le travail manuel remue les neurones d’antan, les connections fulgurantes d’autrefois. La joie du chef-d’œuvre en devenir.

        Seize ans, je m’éveille enfin sous la morsure de l’acier, dans l’effort et la précision. Je ne suis plus une larve incapable d’apprendre.