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Blog

Glorieux combat naval pour sauver un convoi de grains

Le combat de prairial an II

Le 11/12/2019

        Prairial an II, juin 1794. La France est en souffrance. Guerre extérieure, guerre civile, désorganisation économique due à la Révolution et aux mauvaises récoltes (Brest est couvert de neige durant 30 jours pendant l’hiver 93-94), crise religieuse, etc., la Convention a instauré la Terreur comme solution ultime. La disette s’intensifie. Le Comité de salut public décide d’importer du blé américain (payé par la dette américaine de la guerre d’indépendance). Un convoi de 117 navires marchands appareille de la baie de Chesapeake le 11 avril 1794, à destination de Brest. Sachant que les Anglais vont tout mettre en œuvre pour empêcher le convoi d’arriver, le Comité de salut public décide de lancer l’escadre du Contre-Amiral Villaret Joyeuse à sa rencontre. 26 vaisseaux appareillent de Brest. L’Amiral Lord Howe, chargé d’intercepter le convoi, commande l’escadre anglaise forte de 26 vaisseaux également.

         Les flottes s’aperçoivent le 28 mai, à 400 nautiques dans l’ouest d’Ouessant. Villaret informé de la route du convoi, met cap à l’ouest pour entraîner les Anglais au plus loin des navires marchands. Le soir, l’arrière garde française est rejointe par les Anglais. Après un combat inégal à six contre un, le Révolutionnaire est réduit à l’état d’épave.

        Les Anglais attaquent à nouveau l’arrière garde française le lendemain dans la matinée. Plusieurs vaisseaux anglais réussissent à passer au vent. Le Tyrannicide et l’Indomptable pris entre deux feux sont ravagés. Bien qu’éprouvés eux aussi, les bâtiments anglais ont gagné l’avantage du vent en fin de journée.

        Les 11 et 12 prairial (30 et 31 mai 1794) une brume épaisse couvre la mer. Impossible de se battre. Pendant ce temps le convoi de navires marchands passe à l’endroit où s’est déroulé le combat du 9 prairial. La route lui est ouverte jusqu’à Brest.

         Le 13 prairial (1er juin 1794) au lever du soleil, la visibilité est bonne. Les deux escadres se trouvent en lignes parallèles, à cinq ou six nautiques de distance, cap nord-nord-ouest. Les Anglais ont l’avantage du vent. C’est-à-dire que les Français, sous le vent, peuvent laisser porter et s’éloigner. L’Amiral Howe ne veut pas leur laisser cette possibilité. Dès huit heures du matin (il a laissé à ses marins le temps de déjeuner), il ordonne à ses bâtiments de couper la ligne française et d’attaquer à fond les navires ainsi isolés. Le feu commence vers 9 heures et demie. Six vaisseaux anglais réussissent à couper la ligne. Les autres se lancent à la poursuite des Français sans vouloir, ou pouvoir, couper la ligne, plusieurs bâtiments anglais déjà très endommagés par les combats précédents manœuvrent mal.

         Sur l’avant de la bataille, le HMS Defence qui s’est précipité à l’attaque, se trouve isolé et mis en difficulté par le Mucius et le Tourville. Le HMS Malborough engage l’Impétueux et s’emmêle dans son gréement. Les bâtiments bord à bord, se foudroient à bout portant. Tous les mâts sont abattus, les batteries de l’Impétueux sont bouleversées. Il va se rendre quand le Mucius, aveuglé par la fumée, entre en collision avec le HMS Malborough. Les trois navires emmêlés continuent à se battre. Une frégate anglaise vient remorquer le HMS Malborough pour le sortir de ce piège et le Mucius parvient à s’éloigner vers le nord. L’Impétueux est hors de combat, il sera capturé.

        Au centre, le vaisseau amiral HMS Queen Charlotte a réussi à passer derrière le bâtiment amiral français la Montagne, à cause de l’inertie ou de la poltronnerie du capitaine du Jacobin, un provençal qui vient d’être nommé Capitaine. Un duel terrible s’engage entre les deux bâtiments amiraux. Les vaisseaux, à une portée de pistolet (moins de 50 mètres) se foudroient mutuellement. La Montagne garde tous ses mâts mais subit de lourdes pertes. Jusqu’à six vaisseaux anglais l’entourent, elle réussit néanmoins à se dégager. La mêlée est telle que dans la fumée, le HMS Gibraltar tire sur son propre navire amiral en provoquant un incendie.

        Dès le début de l’engagement le HMS Brunswick en voulant passer entre le Vengeur du peuple et L’Achille, aborde le Vengeur. Les deux navires restent accrochés par les ancres. Ils échangent des bordées à bout portant, provoquant des dégâts considérables et un véritable massacre.

        Vers 12 heures 45, le HMS Brunswick et le Vengeur se séparent enfin. Ils ont perdu tous leurs mâts. Le HMS Ramilies attaque alors le Vengeur. Une brèche est ouverte dans son flanc tribord, plusieurs couples brisés ont déchiré la coque sous la flottaison. L’eau s’engouffre dans le trou. Les matelots, le corps hors des sabords ou grimpés sur les mantelets, tentent de placer un paillet sur l’ouverture pour aveugler la voie d’eau. Les canons anglais s’acharnent sur eux. Le paillet détruit, les marins broyés par le canon ou fusillés par les soldats, s’acharnent à sauver le navire avec des paquets de voiles, des prélarts… Mais le Vengeur coule inexorablement. Le pavillon est amené, les Anglais cessent le feu. Dans le désordre du désastre final, quelques marins ont mis à sac la cambuse et se sont enivrés.

        Les Anglais mettent des chaloupes à la mer pour secourir les naufragés. 267 marins seront sauvés sur un équipage de 723 hommes. À 18 heures 15, il ne reste plus à bord que les morts et les blessés agonisants. Des marins ivres gambadent encore sur la proue en agitant le drapeau tricolore et en criant : « Vive la nation, vive la République ! » Ils couleront avec le Vengeur du peuple. Le Capitaine Renaudin est recueilli par les Anglais avec les survivants. Il n’a pas coulé avec son navire, il n’est même pas resté le dernier à bord comme le veut la tradition. Après une brève captivité en Angleterre, il sera promu Contre-Amiral et servira jusqu’en 1800.

         Le combat ne reprendra pas le lendemain. Villaret rentre à Brest avec les débris de son escadre, il ne sait pas encore que le convoi est sauvé. Howe quant à lui, pense qu’il en a assez fait. Les équipages sont épuisés, les navires dévastés.

         Défaite ou victoire, le combat du 13 prairial est les deux. Victoire pour avoir permis l’arrivée du convoi de grains à Brest, défaite sur le plan militaire. La France y perd sept vaisseaux capturés par les Anglais et le Vengeur du Peuple a coulé. Rien que sur les prises, les Anglais ont compté 754 morts et 771 blessés, auxquels il faut ajouter les victimes du naufrage du Vengeur soit environ 460. Au total la France a perdu plus de 1 600 hommes, 1 500 blessés et 3 000 prisonniers. Les Anglais annoncent moins de 300 tués et entre 800 et 1000 blessés. Belle victoire navale pour eux, qu’ils appelleront le Glorieux premier juin.

        À la Convention, Bertrand Barrère présente la bataille comme une victoire tactique et un combat héroïque où la marine française inscrit une nouvelle page de gloire. Il décrit le naufrage du Vengeur du Peuple comme une tragédie antique, le commandant coupé en deux par un boulet sur la dunette, les marins héroïques, combattant jusqu’à la fin, coulant avec leur navire en criant : Vive la liberté, vive la République, le pavillon cloué au mât. Le mythe du Vengeur du Peuple est né. Une maquette du navire sera pendue à la voûte du Panthéon. Les journaux anglais rendent hommage aux marins français (il faut bien que les ennemis soient valeureux, sinon où serait le mérite de les vaincre ?). On peut y lire : « Les Français sont comme des cailloux ; plus on les frappe, plus ils rendent du feu. »

La monade de John Dee concentre la sapience de l'univers

La monade de John Dee

Le 19/11/2019

                         Comporte toi en stupide, tu deviendras impénétrable pour l’éternité.

        La monade de John Dee est un hiéroglyphe qui concentre toute la sapience de l’univers. C’est aussi un talisman contre l’intelligence. Je vais tenter de l’expliquer, en usant le moins possible de tétrapiloctomie (l’art de couper les cheveux en quatre).

        Monade signifie unité, principe absolu en métaphysique, c’est-à-dire Dieu ou esprit père. Elle peut aussi être représentée par un point au centre d’un cercle. Ou par le signe de Kih-Oskh qui a tant intrigué Tintin dans ‟Les cigares du pharaon”. Et bien d’autres, tout autant ésotériques.

        La Monade (avec une majuscule) est le principe, la monade (sans majuscule) est l’unité. Une particule élémentaire, éternelle, incréée, toujours identique à elle-même pouvant se multiplier à l’infini comme si elle était vue dans des miroirs parallèles. Autrement dit chaque monade est un point de vue clair dans un ensemble flou, une lumière pure qu’on ne peut voir car la regarder la fait disparaître du champ de vision (en application du principe d’incertitude d’Heisenberg).

          C’est le point en mathématiques et la particule élémentaire en physique quantique. Pour l’esprit, c’est une individualisation extrinsèque de la divinité. Quand la matière se divise en monades physique, elle est prête à devenir esprit. La désintégration conduit à l’inexistence donc à la mort. Contenant l’esprit et la matière, la monade représente ainsi la conscience individuelle, impénétrable, originale, en relation avec les autres monades qui constituent l’univers, multiple manifestation des monades uniques. Tout communie dans l’Un, la Monade, Dieu.

         Miroir vivant de l’univers, la monade est composée d’un principe énergétique, l’âme et d’un principe passif, la masse. Ainsi est expliqué avec pilocatabase (l’art de s’en sortir à un poil près), le mystère de l’équivalence entre la masse et l’énergie chère à Einstein.

         Je vous laisse réfléchir, je vais pratiquer maintenant l’avunculogratulation (l’art de saluer sa tante), elle arrive. Je ne voudrais pas faire attendre sa Monade.

         Si vous voulez en savoir plus, lire ‟ Le pendule de Foucault” de Umberto Eco, 648 pages (en livre de poche), d’élucubrations savantes et humoristiques. Un feu d’artifice de mots inconnus, de sorcellerie et d’ésotérisme. Et de sagesse : « Ma gavte la nata ! » dit le héros en dialecte milanais pour conclure. Ôte ton bouchon ! C’est ce qu’on dit à une personne gonflée d’importance, qui devrait ôter le bouchon de son cul pour dégonfler.    

Succès du mot glaçant sur le net. C'est le goût de l'horreur

C'est glaçant

Le 29/10/2019

         Glaçant, le mot est à la mode. On le trouve fréquemment dans les médias et particulièrement sur le net, à propos de tout ce qui nous semble horrifique. Utilisé même à la télévision publique (pourtant garante d’une bienséante modération), dans la ravissante bouche d’Anne-Claire Coudray par exemple ou celle non moins souriante de Christophe Hondelatte.

        Définition de glaçant : qui glace au propre et au figuré, c’est-à-dire qui fait perdre ou diminuer l’ardeur des sentiments ; intimider ; remplir d’effroi (Larousse 1954). Pour Littré (Dictionnaire abrégé de 1963) glaçant n’est que le participe présent de glacer : au figuré, causer de la répulsion par le froid des manières ; causer le froid de l’ennui ; causer une profonde impression morale ; causer une émotion pénible et si forte que le mouvement du sang en semble arrêté. Enfin, dans le décevant Petit Larousse de 2011 : qui décourage, rebute par sa froideur.

         Exemple d’articles trouvés sur le net avec glaçant dans le titre : Les glaçants carnets secrets d’un chirurgien pédophile ; Le cannibale de Rothenburg et autres faits glaçants ; Meurtres glaçants des disparus de Mirepoix ; Affaire Troadec, détails glaçants…  Ça donne envie de lire !

         La définition actuelle de l’adjectif serait plutôt : qui fait peur, terrifie, horripile ; est glaçant un évènement qui ne nous touche pas personnellement mais qu’on craint de subir, et par conséquent, nous intéresse intensément. Glaçant dans le titre d’un article, attire irrésistiblement le curieux, fait lire le texte et voir les publicités qui l’accompagnent. Pire encore, le mot sent le scandale, l’horreur. Meurtre, viol, attentat, massacre, génocide, fin du monde, un délicieux frisson nous passe dans le dos et nous tournons page après page (nouvelles publicités à chaque fois), dans l’espoir d’en savoir plus, de décortiquer l’horreur. Et parfois nous sommes déçus, le fait glaçant ne l’est pas tant que ça (ou c’est l’habitude qui l’édulcore). La page est fermée et nous passons à autre chose. La maison est bien chauffée c’est l’essentiel.

         L’occurrence du mot glaçant en littérature reflète l’état de la langue écrite et des mœurs. Autrefois, vers le début du siècle des Lumières, le langage châtié et relevé n’hésite pas sur le mot. Il se perd un peu, puis trouve un nouveau succès à la Révolution avec les têtes qui tombent. Vient une période d’étiage, les guerres de plus en plus féroces ne glacent plus personne. À partir des années cinquante, soixante, un renouveau s’amorce vers une remontée, qui s’accélère actuellement grâce au net. Allons-nous vers une civilisation de la peur ? 

         De tous temps, les journaux ont cherché à attirer le lecteur par le scandale. Il faut voir les unes du Petit journal (1853-1944), de Détective (créé en 1928) ; des journaux révolutionnaires, Le père Duchesne (foutre !) et bien d’autres. Comme on dit toujours, on n’est pas obligé de lire ou de regarder. Il suffit de le faire en loucedé.

Kerguidu, symbole de la résistance bretonne à l'oppression.

La bataille de Kerguidu

Le 26/09/2019

        La bataille de Kerguidu a été popularisée par le livre en breton de Lan Inizan (publié en 1877). Le Breton rebelle, jaloux de sa liberté, est prêt à donner sa vie pour sa famille, sa religion, sa terre. Il est bien douloureux d’être opprimé, il n’y a de honte qu’à se soumettre. En 1793, les paysans et les villageois sont excédés par les réquisitions de leurs maigres récoltes et la persécution de leurs prêtres. Survient la levée en masse de 300 000 hommes décidée par la Convention le 24 février 1793. C’en est trop. Les paysans du Léon s’insurgent aussitôt. Le tirage au sort des conscrits tourne à l’émeute et bientôt en bataille rangée. Celle de Kerguidu suit de quelques jours le combat de Saint-Pol-de-Léon qui fit trois morts parmi les Républicains.

        Le rapport du citoyen Prat, commissaire du district de Lesneven qui accompagnait le Général Canclaux à Kerguidu, est sans doute le plus proche de la vérité sur ce qui s’est passé. Il n’a que faire d’un patriotisme breton, sa nation c’est la France et elle est en danger.

        Les paysans avertis de l’arrivée de Canclaux, coupent la route de Lesneven à Saint-Pol, en détruisant le pont sur la rivière Guillec à la hauteur de Kerguidu, le samedi 23 mars 1793. L’eau haute et le courant rapide rendent très difficile le passage à gué et impossible le franchissement sous le feu ennemi. Le lendemain, dimanche des rameaux, le régiment des volontaires du Calvados, la Garde nationale de Saint-Pol, renforcée de celle de Morlaix, soit 460 hommes au total, se rendent à Kerguidu avec un chariot chargé de poutres et de planches pour réparer le pont. Ils disposent d’un canon. Plusieurs milliers de paysans sont embusqués dans le bois de Kerminguy pour empêcher les Républicains de passer. Le combat s’engage vers dix heures du matin. On remarque parmi les insurgés, plusieurs femmes qui se battent avec beaucoup de courage et de résolution. Les Républicains sont en infériorité numérique. Bientôt encerclés, ils se forment en carré sur une éminence, rive droite de la rivière. Dans cette manœuvre précipitée, le canon a roulé dans un trou. Essieu cassé, la pièce est hors d’usage. La situation semble critique quand le Général Canclaux arrive, avec 1 200 hommes de la garnison de Brest, du côté de Lesneven. Ses deux canons de huit mis en batterie, font fuir les paysans qui gardent le pont détruit. Ils escaladent les talus et s’embusquent derrière pour continuer à tirer.

        Courageusement, les charpentiers patriotes de Saint-Pol réparent sommairement le pont sous le feu des insurgés. Les troupes du Général Canclaux franchissent enfin le Guillec et chargent à la baïonnette sur la rive gauche. Les paysans se débandent. Un canon positionné sur l’éminence ainsi libérée, sème le désordre dans les rangs des insurgés. Canclaux lance alors l’assaut sur la rive droite, les paysans pris à revers s’enfuient. Cinq sont fait prisonniers, dont une femme. Elle porte encore sur elle deux pistolets chargés. Les Républicains peuvent faire leur jonction et marchent sur Saint-Pol, harcelés sans répit par les insurgés embusqués derrière les haies et les talus. Arrivés au croisement du chemin de Landivisiau à hauteur de Plougoulm, les paysans barrent la route. Le combat est bref, le canon ouvre la route de Saint-Pol. Les républicains y arrivent au crépuscule.

         On ignore combien de paysans ont été tués dans l’affaire, ils sont sans doute revenus chercher leurs morts pendant la nuit. Ils seraient probablement plus d’une centaine, (L’historien Albert Laot pense à seulement 6 morts, l’abbé Cadic à 120 et le Général Canclaux les évalue à 400). Les républicains n’ont eu que 8 blessés.

        La commission militaire chargée de juger les rebelles pris les armes à la main, se réunit le premier avril 1793. Le 4 elle condamne à mort Jean Pedel cabaretier au Relecq en Guipavas (Relecq-Kerhuon aujourd’hui) et le 5 elle condamne François Guiavarch cultivateur a Keros en Guipavas, immédiatement exécutés (il y a eu probablement d’autres exécutions). Le tribunal criminel condamne à mort François Barbier notaire et maire de Ploudalmézeau qui tente de s’ouvrir les veines avec un mauvais couteau dans la nuit. Sauvé par ses gardiens, il marche d’un pas ferme le lendemain vers l’échafaud. Le 23 avril, condamnation à mort de Jean Prigent maire de Plouzévédé, un des notables les plus actifs de l’insurrection. L’exécution a lieu à Lesneven pour bien montrer aux insurgés ce qu’ils risquent en se rebellant contre la République. Le 11 avril 1793 La convention nationale décrète que l’administration départementale et le Général Canclaux avaient bien mérité de la patrie.

Souvenirs de l'apprentissage d'ajusteur  à la DCAN de Brest.

Souvenirs d'apprentissage

Le 27/08/2019

        Près d’un chantier de construction d’immeubles, je trouve sur le trottoir trois écrous. Ils ont sales mais pas rouillés, marqués A2-035. J’en déduis qu’ils sont en acier inoxydable (vérification faite sur internet, c’est de l’acier inox austénitique). Paf ! Renvoyé soixante ans en arrière. Aux apprentis de la DCAN, à l’arsenal de Brest.

        Jean-Claude, un gars de troisième année, vient à mon étau me montrer discrètement une bague, qu’il a confectionnée dans un écrou en inox. C’est de la bricole, de la perruque. Il est interdit de travailler pour son compte dans les ateliers mais les instructeurs ne sont pas toujours sur notre dos. On travaille tellement dur pendant les essais, qu’on peut aussi se divertir un peu. Pourquoi appeler la réalisation de progressions pédagogiques des essais ? Les ouvriers peuvent, sous conditions, se présenter à des épreuves pratiques et théoriques pour changer de catégorie, ce sont des essais (la plupart du temps réussi), d’où le nom.

        Sa bague est polie comme un miroir. Elle comporte un insert minuscule en bronze, ajusté en queue d’aronde. Je m’extasie sans plus. Je pense que je n’arriverais pas à faire aussi bien. Jean-Claude est un cador, comme on dit dans les ateliers. À mon tour je m’essaie à confectionner une bague. Les écrous s’échangent à prix d’or. Enfin j’en ai un. Il faut aussi trouver le papier carborundum pour obtenir le poli miroir. Nous en conservons précieusement des lambeaux, quand on nous en donne pour la finition de certains outils que nous fabriquons. Je me lance, je perce, je scie, je lime, je polis. Mais pour finir je me contente d’un chaton en forme de diamant. Banal. Je n’ai pas tenté le chef d’œuvre, l’insert en queue d’aronde. À l’époque je me contentais de peu. En soixante ans je n’aurais pas eu l’occasion de me rattraper et là, je trouve ces écrous.

        L’apprentissage d’ajusteur (d’artillerie mar plij !) à l’arsenal me revient dans les mains. Il commence par une espèce de dressage : scier avec la lame à l’envers (sans les dents), buriner en frappant sur un burin arrondi, limer avec une lime gigantesque, tout ça pendant des heures et des heures. La sueur coule. Et le sang. Les phalanges sont massacrées au marteau, les coupures se multiplient sur les arêtes tranchantes des pièces, la paume de la main droite n’est plus qu’une plaie qu’on bande avec un mouchoir. L’épuisement gagne. Les pauvres enfants qui passaient leur temps jusque-là, à sommeiller sur leurs fesses en salle de classe, sont obligés de rester debout toute la journée, à piétiner dans la limaille. Interdit de s’assoir. La sirène de six heures cinq est une douce délivrance. Je me vois encore descendre du plateau des Capucins dans la fraicheur du soir, les mains dans les poches, l’esprit libre, enfin débarrassé des miasmes scolaires (pas tout à fait cependant mais alors je n’y pense plus).

         Et quelle efficacité cet apprentissage ! Soixante ans après, un matin, je prends mes écrous, je perce, je scie, je lime, je polis. La main s’accommode. Après quelques hésitations les surfaces sont planes, les arrondis réguliers, le poli excellent (on se voit dedans). Je commence par des pointes de diamant comme autrefois, première bague. Puis des grains de riz, plus difficile, deuxième bague. Enfin je tente l’insert de cuivre en queue d’aronde, troisième bague. Et je réussis (voir la photo).

        Pour être honnête j’ai tous les outils nécessaires et en 60 ans, j’ai quand même réalisé quelques pièces dans mon garage dont la réplique d’un révolver, qui m’a pris quelques 200 heures de travail.

        Mon épouse s’étonne, j’ai l’air heureux en travaillant. J’ai l’âge maussade habituellement mais le travail manuel remue les neurones d’antan, les connections fulgurantes d’autrefois. La joie du chef-d’œuvre en devenir.

        Seize ans, je m’éveille enfin sous la morsure de l’acier, dans l’effort et la précision. Je ne suis plus une larve incapable d’apprendre.

Greta Thunberg, enfant prodige, sacrée égérie du climat

Greta Thunberg

Le 30/07/2019

         Toujours nous avons eu des enfants prodiges. Le petit Mozart est exhibé dans toutes les cours d’Europe alors qu’il n’a que 6 ans, Blaise Pascal écrit un traité sur les coniques à 16 ans, Roberto Benzi conduit un orchestre dès 11 ans, Arthur Rimbaud écrit ses premiers poèmes au collège… Enfants prodiges autrefois, ‟surdoués” le siècle dernier puis qualifiés de ‟précoces” aujourd’hui. Simple précaution oratoire pour ne pas traumatiser un enfant (et surtout ses parents) qui finira peut-être sdf un jour, faute d’avoir pu s’adapter à une société adepte de litotes.

        Greta, qui se dit elle-même autiste, se trouve propulsée au premier plan par un tsunami médiatique. Avec un courage de guerrière, la frêle gamine monte au front dans le combat pour le futur de l’humanité. Ses armes : la jeunesse, l’innocence et la foi. Et la naïveté nécessaire. La mission qu’elle s’est donnée la dépasse tellement. Quant à son message, il revient à dire au sourd qu’il n’entend pas. Ce n’est guère utile de rappeler le discours du GIEC (Groupe Inquiétant d’Etudes Consensuelles) à des pays qui sont lancés dans une course vertigineuse vers l’eau et l’électricité, la santé, le confort et le plaisir, la satiété et l’information. Lycéens, faites grève le vendredi, séchez les cours, manifestez en riant et en chantant, vous ne le savez peut-être pas mais vous êtes la terreur des Princes.

         Les enfants aiment les grandes causes. En 1212, conduite par le berger Étienne, la croisade des enfants s’ébranle. À Paris, Philippe Auguste refuse de la soutenir, elle finira lamentablement. La légende prétend que les derniers survivants seront vendus comme esclaves en Afrique. Et Jeanne d’Arc, boutant les Anglais hors de France, brûlée vive à 19 ans, abandonnée par Charles VII qu’elle avait pourtant hissé sur le trône de sa chère patrie. Ou encore en 1793, Agricol Viala qui tombe sous les balles des royalistes à 13 ans, en tranchant les câbles d’un pont de bateaux pour empêcher les rebelles de franchir la Durance. Il crie (dans le style de l’époque) : « Ils ne m’ont pas manqué, mais ça m’est égal, je meurs pour la liberté ! » Enfin parmi tant d’autres, Guy Môquet fusillé à 17 ans pour la gloire de Staline.

         Nietzsche évoque les métamorphoses de l’esprit (Ainsi parlait Zarathoustra) d’abord chameau, puis lion, enfin enfant. N’est-ce pas aussi l’évolution de nos sociétés les plus avancées ? Chameau qui se charge de richesses et de connaissances, lion luttant pour la liberté et enfin enfant égoïste, insouciant, jouisseur et cruel sans même s’en rendre compte. Enfant se croyant généreux parce qu’il donne ses jouets cassés aux pauvres. Enfant qui se croit propre parce qu’on change ses couches. Quant aux Princes, gonflés d’importance et de certitudes, ils s’échangent des tweets comme des ados, s’insultent à l’occasion et se prennent en photo dans des réunions inutiles et coûteuses.

        Il y a trois mille ans l’Ecclésiaste écrivait : « Malheur à toi, pays dont le roi est un gamin, et dont les princes mangent dès le matin. (10 6 16) »

E=Mc2, formule belle et mystérieuse, symbole universel

E=Mc2

Le 12/07/2019

 

        E=Mc2, tout le monde connaît cette formule d’Einstein, qui exprime l’équivalence entre la masse et l’énergie. Elle évoque Hiroshima, la ville détruite par quelques kilos d’uranium. La concision et la simplicité (qu’on peut assimiler à la beauté en sciences) de la formule a conquis le public. Elle est devenue en quelque sorte un symbole de la connaissance supérieure de la matière, donc de nous-même. Et de l’intelligence humaine, capable de tous les défis et de tous les maléfices.

        L’énergie (E) est égale à la masse (M) multipliée par la vitesse de la lumière (c) au carré. On comprend que l’énergie soit équivalente d’une certaine façon à la masse, mais pourquoi et comment, la vitesse de la lumière intervient-elle dans la formule ? Voilà une question qui me grattouille depuis très longtemps. Le livre de Françoise Balibar, Jean-Marc Lévy-Leblond et Roland Lehourcq, Qu’est-ce que la matière, répond peut-être à la question.

         Il faut admettre en premier lieu que la vitesse de la lumière est indépassable et ne dépend pas du repère dans lequel elle est mesurée (c’est l’origine de la Relativité). Les grains de lumière, les photons, se déplacent à cette vitesse limite dans le vide. Supposons que l’on communique à un corps de plus en plus d’énergie en augmentant sa vitesse, pourquoi ne peut-on pas dépasser la vitesse de la lumière ?

        L’inertie d’un corps au repos est égale à sa masse mais Einstein nous apprend que l’inertie croit avec la vitesse. Plus il va vite, plus l’énergie nécessaire pour modifier sa vitesse est grande. En approchant de la vitesse de la lumière, elle devient infinie. En remontant une montre à ressort (ça existe encore) vous augmentez son énergie interne, donc sa masse (dans une proportion de l’ordre de 10 -21 soit un millième de milliardième de milliardième). On sait par expérience qu’elle ne va pas exploser. En revanche, personne ne sait vraiment ce qu’est l’inertie.

         Revenons à la question, pourquoi c2 dans la formule ? Jean-Marc Lévy-Leblond répond : « Encore faut-il tenir compte que les unités de masse et d’énergie ne sont pas les mêmes, et introduire le coefficient de conversion entre ces unités, qui est donné par le carré de la vitesse limite, c2. » Trop facile ! Vous me direz que dans les équations de la relativité, la fameuse formule est démontrée. Mais démonstration mathématique ne vaut pas explication sémantique (c’est pour cela que certains ne digèrent jamais les maths et qu’il n’y a pas d’équation dans les livres de vulgarisation). Il ne reste plus qu’à trouver une explication intuitive. La vitesse de la lumière est une limite pour la matière, c’est par le truchement des photons que nous percevons l’univers. La lumière (le rayonnement électromagnétique, visible ou non) est à l’origine du Tout. Elle exprime la matière et l’énergie à la fois, elle est donc ad hoc dans la formule qui les relie. Mais ça n’explique rien !

         La formule E=Mc2 est belle, elle doit rester mystérieuse, aussi.   

Création d'une application capable de détecter la sottise

Le logicon

Le 24/06/2019

        Je lance un appel pour la création d’une startup qui réalisera et commercialisera une application (nom provisoire Logicon) pour smartphone, tablette ou ordinateur, capable de mesurer en temps réel le degré d’intelligence d’un discours ou d’un texte. La haine ou tout simplement l’impolitesse ne sont pas évaluées ici mais on en déduira facilement l’impact dans le degré de stupidité.

        Les divers degrés sont les suivants, représentés par une icône de couleur à l’écran, par un message vocal ou la couleur que va prendre le texte  :

        1. Vert. Génial : vous avez fait jouer une composante de façon vertigineuse, en la nourrissant avec d’autres composantes. Mais il ne faut pas espérer être compris par tous.

        2. Blanc. Sage : c’est comme si vous ne faisiez rien de concret. Vous pouvez pousser les autres à l’erreur mais vous n’en commettez pas. (Lao-Tseu)

        3. Bleu. Juste : vous avez des idées généreuses sans espoir de récompense. Mais attention, vos actions seront souvent irréparables car la justice n’existe pas dans la nature.

        4. Orange. Stupide : vous n’avez pas tout compris, vous ne vous trompez pas dans votre comportement mais dans votre raisonnement.

        5. Jaune. Imbécile : vous avez un problème de comportement social. Vous faites des grosses gaffes ou insultez les gens.

        6. Rose. Idiot : vos raisonnement n’ont pas de sens, vous ne distinguez pas le vrai du faux. Mais vous pouvez être parfois utile, pour appuyer certaines idées de la doxa.

        7. Rouge. Con : vous êtes antipathique, vous vous comportez comme si vous étiez le seul à avoir le bon comportement ou le bon raisonnement (de votre point de vue) et tancez les autres, s’ils ne vous suivent pas.   

        8. Noir. Fou : vous ne connaissez pas la logique. Vous avez une idée fixe, et tout ce que vous trouvez sera bon pour la confirmer. Vous ignorez le devoir de preuve. Vous êtes un danger public.

        Je dois avouer que malgré l’intelligence artificielle, les premiers essais du Logicon ne sont pas tout à fait satisfaisants. Les couleurs sont instables et finissent souvent au noir. L’idée serait-elle folle ?