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Blog

Recueil de nouvelles de la Gidouille : En costume d'huîtres

En costume d'huître

Le 22/10/2018

        Pour ma deuxième participation au recueil de nouvelles annuel de la Gidouille, intitulé cette année ‟En costume d’huîtres”, je livre une nouvelle inspirée de la photo d’un vélo couvert de coquilles d’huîtres. Titre : ‟Le raidillon”.

       Mon petit-fils de quatorze ans m’avait demandé d’écrire sa biographie. J’ai reculé devant ce travail considérable. Je me suis contenté de le faire figurer dans cette nouvelle où je tente d’expliquer, entre-autres choses, son horreur de la pratique du vélocipède :  

       C’est la bicyclette qui raconte. Une jeune et jolie institutrice vivant seule au Conquet avec son fils (elle s’appelle Paulette évidemment) va travailler à vélo. Elle rencontre un jeune homme sur le chemin de l’école mais le marlou ne plaît pas à la bicyclette, qui fait tout ce qu’elle peut pour faire échouer leur liaison. Exaspérée la femme jette la bicyclette à la mer… Et tout finira bien, peut-être.

       Le recueil comprend une vingtaine de nouvelles savoureuses à base d’huîtres et une saynète non moins délectable.

         On peut commander le livre en librairie ou chez l'éditeur : La Gidouille. 

Fable des deux théières

Les deux théières

Le 01/10/2018

Deux théières en faïence voisinaient sur une étagère,

L’une blanche et française

L’autre rouge et japonaise.

Sur l’une était marqué ‟Thé”,

Sur l’autre figurait un idéogramme rond.

Elles ne se parlaient pas n’ayant pas langue commune.

Les fantaisies de la maîtresse de maison

Les plaçaient tantôt bec à bec, tantôt anse contre anse.

Ainsi bouche à bouche ou bras dessus bras dessous,

Façon de parler bien sûr,

Les théières n’ayant ni bouche ni bras.

En eussent-elles eu qu’elles n’en auraient pas profité

Car elles ne s’aimaient pas.

Cependant un jour, que la Japonaise était chaude,

Ayant récemment servi le thé, la Française lui dit :

« Fukushima ! » L’autre vexée répondit :

« Nagasaki ! » preuve de sa méconnaissance de l’histoire,

Les théières françaises n’ayant jamais bombardé le Japon.

Elles en restèrent là pour cette fois.

Le lendemain matin, à son tour, la Française était chaude

(Elle est commise au petit déjeuner).

La Japonaise dit, méprisante,

Si tant est qu’une théière puisse être méprisante :

« Fugu ! »

La française qui n’ignorait pas que le fugu est un poisson,

Répliqua : « Morue ! »

Ce qui cloua le bec de l’étrangère.

Poisson poison contre poisson salé,

Ainsi allait la vie sur l’étagère.

C’était sans compter avec le remue-ménage

Périodique dans la cuisine.

Voici maintenant que la fière théière japonaise

Est suivie de quatre petites tasses,

Rouges comme elle,

Et marquées du même idéogramme.

Ses filles. Sur l’étagère !

La théière française n’avait pas de progéniture,

À sa connaissance du moins,

Car elle ne savait point

Comment se fabriquent les tasses à thé.

Elle n’en était que plus marrie.

Bien alignées derrière leur mère,

Comme des petits canards pédalant dans la mare,

Les quatre tasses japonaises jacassaient dans l’aigu,

Et en japonais.

Ce qui est fort désagréable

Pour une théière née à Limoge.

A qui se plaindre se dit la Limougeaude ?

Le Dieu de la vaisselle est sourd

(Ne dit-on pas sourd comme un pot ?)

« Je peux le remplacer »

Murmura une voix noire.

Le couvercle de la théière sursauta :

« C’est qui ? – C’est moi ! – Qui moi ? – Moi la cafetière,

Je suis derrière toi.

– Moi aussi, dit une autre voix.

Blanche cette fois, je suis le pot à lait.

– Et moi et moi ! » Criaient d’autres voix :

Le beurrier, le pot à olives, le bocal à cornichons (avec sa cuiller en bois), le sucrier…

– Aidez-moi, supplia la théière.

– Nous sommes derrière toi, clamaient-ils en cœur. »

Mais personne ne bougeait,

La vaisselle étant peu ingambe

Comme chacun sait.

Tout à coup, un léger tremblement de terre

Ébranla l’étagère,

Qui bascula.

Le maître de maison peu prévoyant,

Bricoleur paresseux,

N’avait pas tenu compte de la tectonique

Incidente de la faille sud armoricaine.

Le petit monde international des faïences

Se retrouva sur le carrelage de la cuisine,

En morceaux, tous débris mêlés.

Moralité :

Vous pouvez haïr vos voisins

En toute tranquillité,

Vous finirez tous mélangés.

En poussières d’étoiles.C’est certain !

Si vous partez en vacances ne lisez pas ceci

Le désastre du tourisme de masse

Le 17/09/2018

    Il faut sauver la planète disent-ils. Et les voilà partis à des milliers de kilomètres de chez eux pour visiter ce qu’ils ont vu à la télé des dizaines de fois. Certes, ce n’est pareil de voir en vrai ce qu’on a entrevu sur l’écran à cristaux liquides. On a l’odeur en plus et le sentiment du réel, parfois poignant il est vrai. Et on partage (mot clé des touristes) avec les indigènes toujours souriants, aimables et communicatifs : What is your name ? Were do you come from ? Les pauvres sont gentils en général.

     On dit, j’ai fait la Grèce, moi j’ai fait Bali, les Caraïbes, l’Iran, la côte ouest (pas de la Bretagne, des États-Unis of course), l’Algérie (t’as pas eu peur ?), l’Inde (la misère, incroyable !), les îles (y en a partout)… Les fous furieux du voyage vous assomment de descriptions de sites extraordinaires et principalement d’aéroports où ils ont passé des heures, voire des jours entiers, à attendre un avion pour rentrer à la maison.

     Partons, loin, dépaysement garanti : air climatisé, piscine fraîche, cocktails de ouf, lits de 160 ou plus. Ça me rappelle un menu de restaurant du Kerala (Inde) qui mentionnait du ‟poulet comme à la maison” (en français, mar plij). Quel dépaysement ! Chaleur, moustiques, serpents et crocodiles à la demande mais on n’est pas obligé. Le must c’est la croisière. L’hôtel sur la mer. Trois mille amis qui naviguent ensemble, qui mangent, boivent (forfait bar illimité), dansent et jouent toutes les nuits et sont trop fatigués au matin pour aller en excursion. Que du bonheur on dit, quand on rentre enfin chez soi pour se refaire une santé.

     Nous sauverons la planète tranquillement chez nous. Nos ordures nous les avons laissées sur un îlot en Thaïlande (à Koh Poubelle ou quelque chose comme ça) où le plastique glisse doucement dans l’océan. On leur a pourtant bien recommandé de ne pas jeter les pailles des boissons à la mer. D’ailleurs nous nous en occupons sérieusement et aussi des coton-tige, ils seront bientôt interdits. Et en mer nous respirons le bon air : un peu chargé de particules fines (un seul gros paquebot en émet plus qu’un millions de voitures) et 30 de ces navires produisent autant de gaz à effet de serre que la Grande-Bretagne toute entière. Les Inuits pleurent sur leurs glaces polluées par les touristes toujours plus nombreux. Qu’ils se rassurent, il n’y aura bientôt plus de glace et ils ne viendront plus. Alors prenons l’avion, il n’est guère plus polluant qu’une voiture (en passager/km) mais si vous allez à New-York vous consommez la totalité de votre budget carbone pour l’année, en une seule fois (et pareil au retour). Il vaudrait mieux y aller en voilier.

     Alors n’allons pas trop loin, à Compostelle à pied par exemple si on ne craint pas les punaises de lit, ou à Venise où l’on versera une larme en patientant une heure pour franchir le pont des soupirs, ou à Barcelone dans la foule compacte, le nez en l’air pour apercevoir la Sagrada Familia, qu’on renoncera à visiter faute de temps. Restons en France. L’île de Ré c’est bien, si vous ne craignez pas la corrida des vélos électriques débridés. La montagne ça vous gagne ? Lançons-nous dans l’ascension du Mont Blanc. Avec un peu de chance nous ne ferons pas partie des 5 à 7 morts annuels, parmi les 2 000 touristes qui tentent d’atteindre le sommet (moins de la moitié y parvient, même avec un guide). Heureusement, contrairement à ce qui se passe pour l’Everest, les cadavres sont tous récupérés.

     Quelle tarentule pique les gens, pour qu’ils se ruent en masse chaque été à l’autre bout du monde ? Je crois que, comme Jules César ils veulent pouvoir dire : je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. Je suis venu (dire le nombre de Km et la destination exotique), j’ai vu (citer les sites et monuments vus, que tout le monde connaît mais n’a pas encore visités), j’ai vaincu (l’angoisse du départ, du voyage, de l’inconnu, de la maladie, des accidents, des voleurs, des taxes, etc.). On pourrait ajouter, j’ai pollué l’eau, la terre et le ciel, exaspéré les habitants (qui ne trouvent plus à se loger), piétiné des sites archéologiques… La solution pour éviter le désastre ? La téléportation quantique, mais elle ne fonctionne encore que pour les particules intriquées. Alors partons seul ou à deux, sans argent, avec un vélo et un sac à dos. Nous aurons le temps de regarder autour de nous et de parler anglais. Et ça nous fera de jolis mollets.

     Adieu calme et sérénité, douceur du farniente, lecture, paresse crapuleuse, contemplation des beautés familières, je pars en vacances ! Avec une pensée pour ceux qui ne peuvent pas partir et qui n’habitent pas comme moi dans une région superbe et fraîche, qu’il me tarde déjà de retrouver.

Les Correspondances unissent l'hommes à la nature

Mystérieuses correspondances

Le 04/09/2018

    

     L’univers est une fleur et la fleur est dans la main de Bouddha. Tout est dit. Celui qui a compris suivra la Grande Règle. Correspondances et interactions unissent indissolublement l’homme à la nature et le physique au moral.

    Les éléments, l’eau, le feu, le bois, le métal et la terre, joueront sur les activités humaines leur musique céleste et les végétaux, les animaux, les hommes, sentiront le poids des correspondances sur leur existence. L’harmonie, le discernement, la prudence et enfin la sainteté sortiront du cœur de la fleur. Ainsi les générations passeront sans que change l’ordre du monde.

     Mais nous, nous voulons changer le monde ! Il ne subsiste des antiques correspondances que des idées anthropocentristes à la mesure d’une société qui craint plus que tout de mourir. Une société d’esclaves qui ne songent qu’à survivre, à n’importe quel prix. Une société qui ne rêve que d’un monde meilleur, où le lion mangerait de la salade.

     À qui sait les voir, les correspondances sont partout, bénéfiques ou néfastes. Mais les hérauts d’aujourd’hui ont perdu de vue la nature de la Nature. Ils croient pouvoir la maîtriser, la comprendre, des particules élémentaires aux quasars. Ils veulent sauver la planète, pour ne pas dire se sauver eux-mêmes. Ils veulent ignorer que la nature est infiniment complexe, mal conformée, violente, sauvage, sans pitié, qu’elle peut dans un hoquet, éliminer l’homo sapiens et ses misérables déjections, le transformer en fossile.

     Plus on sait, plus on désire et moins on est heureux. Reste à vivre, obligatoirement et c’est dommage ! La vie sans la vie serait si pure, si belle, sans souffrances. Peut-être est-ce le paradis ?

                                                              Extrait de « L’ombre du désir » de Gilbert Siou éditions Itinéraires

Comment passer des Personnels aux ressources humaines

Du personnel aux ressources humaines

Le 20/08/2018

     Image du film Métropolis de Fritz Lang (1927) 

     Depuis les années 80 le terme ressources humaines s’est généralisé. Directeur des ressources humaines, Chef des ressources humaines, gestion des ressources humaines.  Dans l’industrie puis dans l’administration, ce changement de désignation des Chefs du personnel a fait florès. Ça m’avait beaucoup choqué à l’époque. Pourquoi les ouvriers et les employés sont-ils passés du rang de personne à celui de ressource ? On emploie une personne, on exploite une ressource.

     Bien sûr, les humanistes qui dirigent nos administrations et grandes entreprises n’ont pas voulu réduire les employés à du matériel inerte. Bien au contraire, en même temps se développaient les techniques japonaises d’amélioration de la qualité, de la productivité et de la réduction des coûts, qui font largement participer les opérateurs (analyse de la valeur, cercles de qualité par exemple). Après l’organisation scientifique du travail d’inspiration taylorienne, qui n’avait pour but que de produire plus à moindre coût (les cadences infernales), vint l’organisation concertée visant à maîtriser la qualité, tout en améliorant les conditions de travail, l’hygiène et la sécurité. Tout cela en emportant l’adhésion des personnels aux nouvelles méthodes (motivation). La réduction des coûts en découlant dans le meilleur des cas, à la satisfaction générale.

     Pourquoi alors le Personnel est-il devenu Ressources humaines ? L’expression est probablement issue du vocabulaire de la planification industrielle PERT (Program Evaluation and Review Technic inventée par les Américains pour la réalisation de leur programme de missiles stratégiques Polaris en 1958), où l’homme est considéré comme un moyen, une ressource, pour la réalisation d’une tâche, au même titre que les matières, machines, logiciels, etc. L’homme était entré dans l’ordinateur. Il n’en sortira plus.

     Mais on ne peut mettre une personne en entier dans un calculateur, fût-il doté d’intelligence artificielle. Un ordinateur calcule, il ne peut comprendre. Le sens des informations lui échappe. Pour le PERT une tâche a besoin de tant de bonhommes, c’est tout (les poilus de la guerre de 14 se nommaient ainsi, c’est dire si leur vie individuelle comptait peu, c'était de la chair à canon !). Les DRH gèrent des personnes entières, avec leurs caractères propres. Les 80 kilos de Marie n’ont rien à voir avec les 80 kg de Lucien et encore moins avec 80 kg de poulets morts pendus par les pattes. Les Nazis parlaient de matériel humain, ressources humaines c'est pareil.

      Il est donc inadmissible de traiter les gens comme des ressources. On aurait pu croire que l’Administration ne serait pas entrée dans ce système. La gestion bienveillante des personnels qui existait dans les bureaux, il y a peu encore, a volé en éclat. Les ressources humaines ne sont plus traitées avec humanité ! La technocratie a pris le pouvoir, c’est l’expert qui décide. Ses décisions sont incontestables puisqu’elles sont justifiées par des chiffres. On oublie juste de compter les arrêts maladie, les dépressions et les suicides. Et le service public qui se délite. Le plus terrible serait de confier le gouvernement de la France aux technocrates… Avec Emmanuel Macron c’est fait.

Roc volant apperçu de la Côte sauvage de Landunvez

Roc volant

Le 22/07/2018

     En visionnant mes photos prises sur la côte sauvage entre Trémazan et Portsall (commune de Landunvez), non loin de la chapelle de saint Samson, j’ai eu la surprise de découvrir une image étrange. Un rocher semble flotter dans le ciel ! Quand j’ai pris la photo, des petits bateaux jouaient au premier plan, leurs voiles de couleurs vives avaient attiré mon attention. Je n’avais rien remarqué de spécial dans le ciel. Mais là, sur l’écran de l’ordinateur, il n’y a pas de doute, un roc navigue dans l’azur.

     Je pense d’abord, en rationaliste impénitent à une aberration optique de l’appareil photographique. Impossible, d’autres objets de second plan se seraient également retrouvés dans le ciel. Peut-être un mirage ? Pourquoi pas, mais malgré le beau temps, la température est fraîche et on ne perçoit aucune vibration de l’air au-dessus de la mer. Alors qu’est-ce ?

     J’étais là, assis dans l’herbe profonde, environné par la multitude des ombellifères qui blanchissent le rivage. Des dos de granit percent par endroit, ponctués de minuscules touffes de lichen vert tendre et de dentelle d’or. Le chaos de roches noires, à peine frangé d’écume éclatante, plonge dans une mer calme d’un bleu profond. Au loin on aperçoit Ouessant qui se dilue doucement dans la brume. La carcasse brisée de l’Amoco Cadiz, gît là dans les profondeurs, invisible, son venin gluant de bête morte, épuisé maintenant sans doute, ne se répandra plus, mais l’épave témoignera longtemps encore de la catastrophe. Alangui par le calme et la beauté, je ne voyais pas plus le roc volant que le pétrolier tueur.

     Pourquoi s’étonner d’un rocher dans les airs ? Nos ancêtres voyaient bien arriver en Armorique les saints bretons voguant dans des auges de pierre. Pour faire la traversée Pol s’était embarqué sur un navire marchand. Une tempête survint, le navire menaçait de sombrer. Le capitaine pour l’alléger, fit jeter à la mer l’auge de granit qui servait de lit à Pol et dans laquelle il priait. L’auge fendit les flots comme une barque légère et Pol gagna la terre pendant que le navire sombrait avec sa bénédiction. Budoc naquit dans le tonneau dans lequel son père avait enfermé sa mère Azénor et qu’il avait jeté à la mer pour la punir de son infidélité supposée. Le tonneau aborda sans encombre en Irlande. Budoc, revint en Armorique dans une auge de pierre, plus confortable qu’un tonneau. Gildas aussi traverse la manche dans une auge de pierre, Konogan également et bien d’autres.

     La légende est tenace, elle doit bien avoir une part de vérité. Les curraghs, petits bateaux bordés en cuir dont se servaient les émigrants pour traverser la Manche, étaient lestés avec des pierres. L’une d’elle, plus grande que les autres, était creusée d’une cavité où venait se loger le pied du mât. Le curragh abandonné sur la grève était rapidement détruit par les éléments. Restaient les pierres, et particulièrement, celle de pied de mât qui ressemblait vaguement à une auge. Ainsi serait née la légende.

     On peut supposer que le roc volant révélé par la photo est du même acabit. Des émigrants de Cornouailles ou du Pays de Galles, voire d’Écosse ou d’Irlande du Nord, fuyant le Brexit, auraient affrété un rocher volant (ça va plus vite qu’une auge et modernité oblige) pour gagner les terres d’Armorique, prometteuses de paix et de spiritualité. D’ailleurs, on ne compte plus sur nos côtes ce genre de rochers, témoins de leur arrivée.  

Comment ne pas voir la sottise des questions de philo au bac

Bac 2018, épreuves de philosophie

Le 27/06/2018

Où la philo mène

 

     Deux hommes sont accoudés au comptoir du café de la gare. La gare a disparu depuis longtemps mais le bar est resté, signe que toute trace de civilisation n’a pas disparu du centre de la petite ville. À leurs vêtements modestes et fatigués, on voit tout de suite que ce sont des intellos, des profs probablement. Ils discutent à voix basse mais on voit bien que leur sujet les passionne.

     – Je te dis que l’enseignement de la philosophie c’est l'apprentissage de la liberté par l'exercice de la réflexion.

     – Très bien, explique-moi pourquoi la série L a besoin de 8 heures de cours de philo par semaine, la série ES 4 heures, la série S 3 heures et les séries technologiques 2 heures seulement. Les littéraires ont sans doute besoin de réfléchir plus que les autres, ou alors ils ont moins de capacité de réflexion, il leur faut plus de cours. Quant à l’apprentissage de la liberté, on se demande pourquoi les techniciens en ont moins besoin que les littéraires.

    – Parti avec du retard, Achille ne rejoindra jamais la tortue, bien qu’il court beaucoup plus vite !

    – Qu’est-ce que tu racontes ?

    – C’est ce qu’on appelle le paradoxe de Zénon d’Élée. L’enseignement de la philo ne peut être que paradoxal. Quoiqu’on enseigne, on ne peut inculquer aux élèves de vérité définitive (sujet ES). On ne peut pas prouver qu’une théorie est vraie, on peut juste prouver qu’elle est fausse ou incomplète.

     – Je comprends maintenant pourquoi les L ont besoin de plus de cours que les autres. Les théories fumeuses des philosophes qui vont jusqu’à se demander : peut-on renoncer à la vérité (sujet L) faute d’en trouver une admise par tous, suscitent des réfutations bien plus complexes pour eux.

     Ils commandent une autre bière sous le regard réprobateur de la petite serveuse, qui pense au fond d’elle-même que le désir est la marque de notre imperfection (sujet S). Ces deux-là ont le désir de s’enivrer, ce n’est certes pas un exemple de perfection.

    – Platon lui-même, distingue dans l’allégorie de la caverne, l’opinion (doxa) jugement porté sans connaissance véritable et la connaissance intelligible, la science. N’est-ce pas dire que les scientifiques n’ont pas besoin de philosophie ?

    – Pas tout à fait. L’expérience peut-être trompeuse (sujet voie technologique) si elle se laisse dominer par l’opinion. Il est donc nécessaire que le scientifique puisse organiser son jugement en toute liberté, il doit donc philosopher lui aussi.

    – Sauf que beaucoup de progrès majeurs en sciences sont dus bien plus à l’intuition, voire à l’erreur (sérendipité), qu’à une réflexion organisée. On trouve d’abord, on prouve après. Et pour maîtriser le progrès technique (sujet techno.) il n’est point besoin de philosopher !

    – Bon, tu es contre l’enseignement de la philo ?

    – Parfaitement, je ne vois qu’un domaine où elle pourrait être utile, l’étude encyclopédique des arts, peut-on y être insensible ? (sujet ES), des idées et des religions. C’est d’ailleurs de cette manière que les autres pays européens voient l’enseignement de la philo. Nous sommes dans le domaine de la culture. Nous rend-elle plus humain ? (sujet L). La question est stupide, si on néglige le côté agricole, comme d’ailleurs toutes les autres posées au bac.

    – Ah oui ! Mettons la culture des radis en terminale.

    – C’est ça, mais les citadins pourraient en éprouver de l’injustice et est-ce nécessaire pour savoir ce qui est juste ? (sujet S)

    – Ce qui serait juste ce serait d’abandonner cette sottise archaïque qui nous vient de la Révolution, qui ne sert à rien ni à personne, si ce n’est à briller en société. Le pouvoir est aux mains des technocrates et je ne crois pas que leur système de pensée ait quelque chose à voir avec Descartes, Pascal, Rousseau ou même Finkielkraut.

    – Allons à ta santé ! On ne va quand même pas changer une chose instituée par Napoléon et c’est tellement français de discuter dans le vide (comme nous le faisons!).         

     

Perception du temps qu'il fait et changements climatiques.

Du dérèglement climatique

Le 04/06/2018

 

     « Il fait si froid qu’on se marierait pour avoir chaud ! » James Joyce.

     « La pluie ne mouille que les cons. » Olivier de Kersauzon. Citation un tant soit peu erronée de l’évangile selon saint Matthieu (5, 48) : « …notre Père des cieux qui fait […] tomber la pluie sur les justes et les injustes. »

     « Quel temps ! On se croirait en plein hiver. » Robert, le 14 janvier.

     « Si ça continue, on va être obligé d’allumer le chauffage ! » Denise, le 24 octobre.

     « C’est la chasse qui a fait disparaître les dinosaures. » Marcelle, (la date n’a pas été conservée).

    Alors que la sécheresse et les inondations ravagent le pays, les quelques citations ci-dessus montrent à quel point la perception du climat est sujette à interprétations. A la mi-janvier, nous sommes tellement habitués à la douceur du temps que l’hiver est oblitéré. Nous sommes étonnés, si par hasard le froid nous rappelle que nous devrions être en hiver. La perception de la température est personnelle et relative mais l’opinion exprimée sur le temps est généralement consensuelle et absolue. L’habitant de nos contrées et du monde tempéré en général, dit à la boulangère : « Il fait mauvais ou, il fait beau (on va le payer) ou encore, il n’y a plus de saisons ! (autrefois c’était à cause des essais nucléaires, maintenant c’est la faute du carbone) ». Sans contestation possible.

     Mais pas sans culpabilité. Quelque soit la couleur du ciel, il pense maintenant que c’est de sa faute si la planète se dessèche comme une vieille pomme ou subit les assauts répétés de phénomènes météorologiques violents et destructeurs. D’où la citation sur les regrettés dinosaures, disparus dans un changement climatique certainement à cause de nous (pour nous faire de la place peut-être ?). On imagine l’extraordinaire biodiversité qu’auraient apportée ces animaux dans nos campagnes, nos villes, nos mers et nos cieux. Un diplodocus crevé c’est autre chose qu’un papillon qui meurt !

     La passion du temps de demain est-elle cathartique ? L’acédia typique de l’ouverture matinale des volets, l’été sous nos latitudes septentrionales, qui justifie sans doute la surconsommation régionale d’anxiolytiques, est-elle consécutive de l’animadversion générale du mauvais temps ? Si nous exceptons certaines catégories socioprofessionnelles liées à la surproduction de denrées destinées à l’alimentation humaine, désireuse d’une certaine hygrométrie non dénuée d’ensoleillement – pratiquement du domaine de l’utopie – qui les conduit d’ailleurs, à s’inscrire dans les populations les plus touchées par la dépression nerveuse, je répondrais oui.

     Car le fatum météorologique hertzien ou autre de nos mass media, attendu chaque soir comme l’aria des informations (et placé en exorde et péroraison du journal de certains canaux) par les populations angoissées du temps futur, leur procure la décharge émotionnelle libératrice qui leur permet enfin de savoir comment s’habiller ou s’il faudra prendre un parapluie (dizglavier) pour aller à la plage le week-end prochain.

     Aussi le dérèglement du climat est-il craint plus que tout car il est susceptible d’accélérer l’anomie, qui guette nos sociétés fondées sur la stabilité des ressources naturelles, que nous souhaitons ardemment renouvelables et finalement, de causer notre extermination. La conduite ordalique des humains de toutes civilisations, par laquelle une société tente de se rendre maître de son destin pour un canon emphytéotique ridicule, ne peut manquer, sauf à venir à résipiscence, de nous conduire au déluge, forme mythique, extrême et radicale du changement climatique. L’espèce humaine a peur du temps qui viendra un jour l’estourbir et les différentes occurrences possibles du climat nous rongent, telle une tunique de Nessus dont on ne se débarrasserait, qu’en rendant notre carbone à la terre.

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