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Blog

Roc volant apperçu de la Côte sauvage de Landunvez

Roc volant

Le 22/07/2018

     En visionnant mes photos prises sur la côte sauvage entre Trémazan et Portsall (commune de Landunvez), non loin de la chapelle de saint Samson, j’ai eu la surprise de découvrir une image étrange. Un rocher semble flotter dans le ciel ! Quand j’ai pris la photo, des petits bateaux jouaient au premier plan, leurs voiles de couleurs vives avaient attiré mon attention. Je n’avais rien remarqué de spécial dans le ciel. Mais là, sur l’écran de l’ordinateur, il n’y a pas de doute, un roc navigue dans l’azur.

     Je pense d’abord, en rationaliste impénitent à une aberration optique de l’appareil photographique. Impossible, d’autres objets de second plan se seraient également retrouvés dans le ciel. Peut-être un mirage ? Pourquoi pas, mais malgré le beau temps, la température est fraîche et on ne perçoit aucune vibration de l’air au-dessus de la mer. Alors qu’est-ce ?

     J’étais là, assis dans l’herbe profonde, environné par la multitude des ombellifères qui blanchissent le rivage. Des dos de granit percent par endroit, ponctués de minuscules touffes de lichen vert tendre et de dentelle d’or. Le chaos de roches noires, à peine frangé d’écume éclatante, plonge dans une mer calme d’un bleu profond. Au loin on aperçoit Ouessant qui se dilue doucement dans la brume. La carcasse brisée de l’Amoco Cadiz, gît là dans les profondeurs, invisible, son venin gluant de bête morte, épuisé maintenant sans doute, ne se répandra plus, mais l’épave témoignera longtemps encore de la catastrophe. Alangui par le calme et la beauté, je ne voyais pas plus le roc volant que le pétrolier tueur.

     Pourquoi s’étonner d’un rocher dans les airs ? Nos ancêtres voyaient bien arriver en Armorique les saints bretons voguant dans des auges de pierre. Pour faire la traversée Pol s’était embarqué sur un navire marchand. Une tempête survint, le navire menaçait de sombrer. Le capitaine pour l’alléger, fit jeter à la mer l’auge de granit qui servait de lit à Pol et dans laquelle il priait. L’auge fendit les flots comme une barque légère et Pol gagna la terre pendant que le navire sombrait avec sa bénédiction. Budoc naquit dans le tonneau dans lequel son père avait enfermé sa mère Azénor et qu’il avait jeté à la mer pour la punir de son infidélité supposée. Le tonneau aborda sans encombre en Irlande. Budoc, revint en Armorique dans une auge de pierre, plus confortable qu’un tonneau. Gildas aussi traverse la manche dans une auge de pierre, Konogan également et bien d’autres.

     La légende est tenace, elle doit bien avoir une part de vérité. Les curraghs, petits bateaux bordés en cuir dont se servaient les émigrants pour traverser la Manche, étaient lestés avec des pierres. L’une d’elle, plus grande que les autres, était creusée d’une cavité où venait se loger le pied du mât. Le curragh abandonné sur la grève était rapidement détruit par les éléments. Restaient les pierres, et particulièrement, celle de pied de mât qui ressemblait vaguement à une auge. Ainsi serait née la légende.

     On peut supposer que le roc volant révélé par la photo est du même acabit. Des émigrants de Cornouailles ou du Pays de Galles, voire d’Écosse ou d’Irlande du Nord, fuyant le Brexit, auraient affrété un rocher volant (ça va plus vite qu’une auge et modernité oblige) pour gagner les terres d’Armorique, prometteuses de paix et de spiritualité. D’ailleurs, on ne compte plus sur nos côtes ce genre de rochers, témoins de leur arrivée.  

Comment ne pas voir la sottise des questions de philo au bac

Bac 2018, épreuves de philosophie

Le 27/06/2018

Où la philo mène

 

     Deux hommes sont accoudés au comptoir du café de la gare. La gare a disparu depuis longtemps mais le bar est resté, signe que toute trace de civilisation n’a pas disparu du centre de la petite ville. À leurs vêtements modestes et fatigués, on voit tout de suite que ce sont des intellos, des profs probablement. Ils discutent à voix basse mais on voit bien que leur sujet les passionne.

     – Je te dis que l’enseignement de la philosophie c’est l'apprentissage de la liberté par l'exercice de la réflexion.

     – Très bien, explique-moi pourquoi la série L a besoin de 8 heures de cours de philo par semaine, la série ES 4 heures, la série S 3 heures et les séries technologiques 2 heures seulement. Les littéraires ont sans doute besoin de réfléchir plus que les autres, ou alors ils ont moins de capacité de réflexion, il leur faut plus de cours. Quant à l’apprentissage de la liberté, on se demande pourquoi les techniciens en ont moins besoin que les littéraires.

    – Parti avec du retard, Achille ne rejoindra jamais la tortue, bien qu’il court beaucoup plus vite !

    – Qu’est-ce que tu racontes ?

    – C’est ce qu’on appelle le paradoxe de Zénon d’Élée. L’enseignement de la philo ne peut être que paradoxal. Quoiqu’on enseigne, on ne peut inculquer aux élèves de vérité définitive (sujet ES). On ne peut pas prouver qu’une théorie est vraie, on peut juste prouver qu’elle est fausse ou incomplète.

     – Je comprends maintenant pourquoi les L ont besoin de plus de cours que les autres. Les théories fumeuses des philosophes qui vont jusqu’à se demander : peut-on renoncer à la vérité (sujet L) faute d’en trouver une admise par tous, suscitent des réfutations bien plus complexes pour eux.

     Ils commandent une autre bière sous le regard réprobateur de la petite serveuse, qui pense au fond d’elle-même que le désir est la marque de notre imperfection (sujet S). Ces deux-là ont le désir de s’enivrer, ce n’est certes pas un exemple de perfection.

    – Platon lui-même, distingue dans l’allégorie de la caverne, l’opinion (doxa) jugement porté sans connaissance véritable et la connaissance intelligible, la science. N’est-ce pas dire que les scientifiques n’ont pas besoin de philosophie ?

    – Pas tout à fait. L’expérience peut-être trompeuse (sujet voie technologique) si elle se laisse dominer par l’opinion. Il est donc nécessaire que le scientifique puisse organiser son jugement en toute liberté, il doit donc philosopher lui aussi.

    – Sauf que beaucoup de progrès majeurs en sciences sont dus bien plus à l’intuition, voire à l’erreur (sérendipité), qu’à une réflexion organisée. On trouve d’abord, on prouve après. Et pour maîtriser le progrès technique (sujet techno.) il n’est point besoin de philosopher !

    – Bon, tu es contre l’enseignement de la philo ?

    – Parfaitement, je ne vois qu’un domaine où elle pourrait être utile, l’étude encyclopédique des arts, peut-on y être insensible ? (sujet ES), des idées et des religions. C’est d’ailleurs de cette manière que les autres pays européens voient l’enseignement de la philo. Nous sommes dans le domaine de la culture. Nous rend-elle plus humain ? (sujet L). La question est stupide, si on néglige le côté agricole, comme d’ailleurs toutes les autres posées au bac.

    – Ah oui ! Mettons la culture des radis en terminale.

    – C’est ça, mais les citadins pourraient en éprouver de l’injustice et est-ce nécessaire pour savoir ce qui est juste ? (sujet S)

    – Ce qui serait juste ce serait d’abandonner cette sottise archaïque qui nous vient de la Révolution, qui ne sert à rien ni à personne, si ce n’est à briller en société. Le pouvoir est aux mains des technocrates et je ne crois pas que leur système de pensée ait quelque chose à voir avec Descartes, Pascal, Rousseau ou même Finkielkraut.

    – Allons à ta santé ! On ne va quand même pas changer une chose instituée par Napoléon et c’est tellement français de discuter dans le vide (comme nous le faisons!).         

     

Perception du temps qu'il fait et changements climatiques.

Du dérèglement climatique

Le 04/06/2018

 

     « Il fait si froid qu’on se marierait pour avoir chaud ! » James Joyce.

     « La pluie ne mouille que les cons. » Olivier de Kersauzon. Citation un tant soit peu erronée de l’évangile selon saint Matthieu (5, 48) : « …notre Père des cieux qui fait […] tomber la pluie sur les justes et les injustes. »

     « Quel temps ! On se croirait en plein hiver. » Robert, le 14 janvier.

     « Si ça continue, on va être obligé d’allumer le chauffage ! » Denise, le 24 octobre.

     « C’est la chasse qui a fait disparaître les dinosaures. » Marcelle, (la date n’a pas été conservée).

    Alors que la sécheresse et les inondations ravagent le pays, les quelques citations ci-dessus montrent à quel point la perception du climat est sujette à interprétations. A la mi-janvier, nous sommes tellement habitués à la douceur du temps que l’hiver est oblitéré. Nous sommes étonnés, si par hasard le froid nous rappelle que nous devrions être en hiver. La perception de la température est personnelle et relative mais l’opinion exprimée sur le temps est généralement consensuelle et absolue. L’habitant de nos contrées et du monde tempéré en général, dit à la boulangère : « Il fait mauvais ou, il fait beau (on va le payer) ou encore, il n’y a plus de saisons ! (autrefois c’était à cause des essais nucléaires, maintenant c’est la faute du carbone) ». Sans contestation possible.

     Mais pas sans culpabilité. Quelque soit la couleur du ciel, il pense maintenant que c’est de sa faute si la planète se dessèche comme une vieille pomme ou subit les assauts répétés de phénomènes météorologiques violents et destructeurs. D’où la citation sur les regrettés dinosaures, disparus dans un changement climatique certainement à cause de nous (pour nous faire de la place peut-être ?). On imagine l’extraordinaire biodiversité qu’auraient apportée ces animaux dans nos campagnes, nos villes, nos mers et nos cieux. Un diplodocus crevé c’est autre chose qu’un papillon qui meurt !

     La passion du temps de demain est-elle cathartique ? L’acédia typique de l’ouverture matinale des volets, l’été sous nos latitudes septentrionales, qui justifie sans doute la surconsommation régionale d’anxiolytiques, est-elle consécutive de l’animadversion générale du mauvais temps ? Si nous exceptons certaines catégories socioprofessionnelles liées à la surproduction de denrées destinées à l’alimentation humaine, désireuse d’une certaine hygrométrie non dénuée d’ensoleillement – pratiquement du domaine de l’utopie – qui les conduit d’ailleurs, à s’inscrire dans les populations les plus touchées par la dépression nerveuse, je répondrais oui.

     Car le fatum météorologique hertzien ou autre de nos mass media, attendu chaque soir comme l’aria des informations (et placé en exorde et péroraison du journal de certains canaux) par les populations angoissées du temps futur, leur procure la décharge émotionnelle libératrice qui leur permet enfin de savoir comment s’habiller ou s’il faudra prendre un parapluie (dizglavier) pour aller à la plage le week-end prochain.

     Aussi le dérèglement du climat est-il craint plus que tout car il est susceptible d’accélérer l’anomie, qui guette nos sociétés fondées sur la stabilité des ressources naturelles, que nous souhaitons ardemment renouvelables et finalement, de causer notre extermination. La conduite ordalique des humains de toutes civilisations, par laquelle une société tente de se rendre maître de son destin pour un canon emphytéotique ridicule, ne peut manquer, sauf à venir à résipiscence, de nous conduire au déluge, forme mythique, extrême et radicale du changement climatique. L’espèce humaine a peur du temps qui viendra un jour l’estourbir et les différentes occurrences possibles du climat nous rongent, telle une tunique de Nessus dont on ne se débarrasserait, qu’en rendant notre carbone à la terre.

Vous pouvez donner votre avis ci-dessous dans commentaires.

Commentaires sur l'écriture inclusive, du féminin au charabia

Ecriture inclusive

Le 24/05/2018

   Maintenant que la polémique s’est (provisoirement) assoupie, grâce à Johnny Halliday et au Prince Harry, nous pourrons peut-être, parler plus sereinement de la fameuse écriture inclusive.

    Qu’est-ce que c’est ? Cette manière d’écrire consiste à inclure le féminin, entrecoupé de points milieu [·] dans les noms pour le rendre visible. On écrira par exemple : agriculteur· rice·s, ou artisan· e·s, etc…  M. Mélanchon, toujours à la pointe du progrès, écrit : sindicat·e·s. Les adjectifs et pronoms n’échappent pas à la règle : ils·elle·s, celui·elle, ceux·elles, du·de la, etc.

    Mais ce n’est pas tout, pour les déterminants l’ordre alphabétique intervient, on écrira : la·le journaliste, à la·au maire, de la·du fonctionnaire, etc. Ordre alphabétique aussi pour une énumération des termes d’un groupe. Exemple : enfants, femmes, hommes. Cela dans le but de ne pas mettre systématiquement le féminin en premier par galanterie (la honte si un masculin vous cède sa place)

    Et plus encore : l’écriture inclusive préconise l’accord de proximité. Exemple : les hommes et les femmes sont belles, mais si on applique la règle précédente (l’ordre alphabétique), on écrira les femmes et les hommes sont beaux. L’accord de proximité tombé en désuétude depuis le Moyen âge, quand le français vagissait dans ses langes, ne semble pas être un progrès pour le féminisme en fin de compte.

    L’orthographe, pour moi qui écris, est une obsession permanente due sans doute à la jambe de bois de mon maître à l’école primaire. Comme elle l’orthographe est raide, injuste, peu pratique, irréfragable et la déréliction qui me prend en face d’un mot indécis, est comparable à la solitude du dompteur dans sa cage. Alors l’écriture inclusive ne fera qu’ajouter des clous à ma croix. Des clous en forme de point milieu.

   Pourquoi l’écriture inclusive ? On l’a dit, pour rendre plus visible le genre féminin. Y aurait-il dans le maquis de la langue, une guérilla entre le féminin et le masculin ? Des guerrières rampant dans les broussailles, se lancent à l’assaut des fermes isolées où l’Académie tient ses séances secrètes et élève des cochons. Les porcs s’enfuient au vacarme de la bataille. Ils s’avoueront bientôt vaincus et viendront lécher la main de qui veut leur mort. Chefs de parti, extrémistes de gauche, populistes, chefs d’entreprise et lèche-bottes de tous horizons, viendront en chemise, cravate au cou, demander pardon de n’avoir pas compris plus tôt qui était le plus fort.          

    « Celui qui dicte les termes du débat, domine les débats » (Michel Foucault, ou un autre structuraliste avec une queue et une tête). La novlangue est indispensable aux tyrans. En politique les termes sont manipulés sans scrupule. Plus c’est gros mieux ça passe. Les Nazis : « Action Erntefest » (opération festival de la récolte) pour l’élimination des Juifs de Pologne, « Groß Lüge » (grand mensonge) technique de propagande produisant les plus gros mensonges possibles pour que personne ne puisse douter qu’ils soient vrais. Les Communistes quant à eux, actualisent les termes usés : prolétaire se dit travailleur, le Lupemproletariat (prolétaires en haillons) devient les pauvres tout simplement, les bourgeois sont les riches, les capitalistes des patrons et la révolution n’est plus qu’une transformation sociale. On peut multiplier les exemples, jusqu’au nom des pays : Républiques démocratiques de tout poil (on vient d’inventer le terme démocrature plus approprié pour les démocraties-dictatures), le Burkina Faso pays des hommes intègres (morts sans doute), le Pakistan pays des purs, le Salvador qui aurait grand besoin d’un sauveur, etc.

   On le voit, les oppresseurs manipulent le langage bien plus facilement que les opprimés. A-t-on traduit la bible en verlan ? Je serais curieux d’entendre la lecture d’un lai de Marie de France réécrit en écriture inclusive. Ne dit-elle pas :

                    « Tels purchace le mal d’altrui,                   « Tel qui dénonce le mal d’autrui,

                     Dunt tuz li mals revert sur lui. »               Voit tout le mal se retourner contre lui. »

Feuille de vigne datée de 1919 célébrant la fin de la guerre

1918, la paix de mon grand-père

Le 02/05/2018

La feuille

 

     En cherchant dans les archives de la famille pour trouver de la documentation sur la vie de mon grand-père maternel, j’ai trouvé dans son livret de solde une feuille de vigne, bien conservée, sur laquelle est écrit à l’encre noire : congé renouvelable 13 Mai 1919. Je n’y ai pas porté grande attention. Quoi de plus banal qu’une feuille ou une fleur conservée entre les pages d’un livre. Souvenir. Cela se fait-il encore ?

    Mon grand-père, François Le Lann s’est engagé à quinze ans dans la marine. Il était de la classe 1913. Matelot puis quartier-maître électricien, il fait la guerre sur les sous-marins. Il en sort vivant en 1919, pour épouser sa promise Isabelle, qui l’attend depuis cinq ans.

Sur le livret de solde, qui a pris une couleur tabac, je trouve des chiffres : en 1918, il gagne 3,00 francs par jour (solde de quartier-maître de 8 à 12 ans d’ancienneté), supplément 1,25 f. / jour (sans doute pour service à la mer), gratification pour la fête nationale : 1 f., Indemnité de combat 66,50 f. (pour 113 jours soit 0,59 f. / jour). À titre de comparaison une paire de chaussures en cuir, coûte entre 29,95 et 39,95 francs à la fin de la guerre. Le prix a doublé depuis 1914. François ne dépensait pas tout, il envoyait régulièrement de l’argent à sa famille.

    J’ai le souvenir d’un homme tout à fait démodé, avec sa raie au milieu et sa petite moustache genre Hitler. Grand type sec, son caractère est tout à l’opposé à sa morphologie. Affable, doux, aimant le vin, la bonne chère et le tabac. Il plaisante volontiers sur un registre surréaliste, voire absurde. Il prend la vie au fil de l’eau, ma grand-mère Isabelle tient le gouvernail en ronchonnant.

    Je reviens à la feuille, elle aussi couleur tabac et je réalise qu’elle a au moins cent ans. Je pense que c’est une feuille de vigne. Si c’est le cas, elle a été cueillie à Malte en 1917 (à Cherbourg, où mon grand-père finit la guerre, il n’en aurait pas trouvé de semblable). Pourquoi François a-t-il ramené ce souvenir de l’île des Chevaliers de l’Ordre de Jérusalem ?

   Il a été renvoyé dans ses foyers le 15 juin 1919. La feuille était déjà sèche pour qu’on puisse écrire dessus. Placée dans le livret de solde, elle symbolise la libération du marin. La fin de sa guerre. Et quoi de mieux qu’une feuille pour exprimer la paix ? A-t-on jamais vu des arbres se faire la guerre ? Et une feuille de vigne ! Bien que non croyant, François est imprégné de religion, la vêture d’Ève, l’ivresse de Noé, les filles de Loth, les noces de Cana, le sang du Christ… la vigne et le vin sont de puissantes images de la vie, et du péché aussi.

    Cette feuille presque miraculeusement conservée, livre cent ans après, l’espoir de paix que la fin de la Grande Guerre portait. La der. des der. ! Espoir terriblement déçu. Les guerres comme les feuilles d’arbre ont leur saison et rien ne peut les empêcher de revenir.

    Mon grand-père aurait aujourd’hui 125 ans. Il ne serait pas surpris je crois, de retrouver dans son livret de solde, une feuille cueillie dans une vigne de Malte au plus fort de la guerre, une feuille toujours vivante, comme lui dans mes souvenirs. Il y a inscrit la joie de la paix, immense, si forte, qu’elle est intacte un siècle après.

 

    Je trouve qu’on parle trop peu de cette année 1918 qui a déterminé l’avenir de l’Europe. Il y aura sans doute de multiples commémorations mais le sujet est peut-être trop complexe pour les journalistes, et puis Johnny est mort.

Les recherches de la Cordelière vont reprendre cet été

Marie la Cordelière

Le 18/03/2018

Marie la Cordelière

L'été prochain, les recherches vont reprendre pour retrouver  l'épave de Marie la Cordelière, le navire d'Hervé de Portzmoguer disparu le 10 août 1512 dans le fameux combat de la Pointe Saint-Mathieu contre le Regent de l'amiral Howard.

Extrait de mon livre "Portzmoguer, un corsaire au service d'Anne de Bretagne" (éditions Yoran Embaner)

Le feu a pris sur l’avant, les voiles s’enflamment et propagent l’incendie dans la mâture du Regent. Je profite du moment de flottement que ça provoque, pour sauter sur le pavois et m’extraire de la masse des combattants, si compacte à présent qu’on ne peut plus manier le sabre, les marins se battent à la hache, au couteau. On patauge dans le sang. J’émerge à peine de la mêlée que je reçois comme un coup de masse sur la mâchoire. Je tombe à l’eau. J’enlève prestement ma brigantine pour ne pas couler. Parmi les blessés, les morts, les débris immondes, je m’accroche à un morceau de vergue. Je tâte ma joue, mon doigt passe au travers, mes dents sont en morceaux dans ma bouche. La Cordelière et le Regent s’éloignent lentement, emportés par le courant vers la pointe Saint-Mathieu, le grondement des flammes et le vacarme du combat faiblissent. Un éclair illumine soudain la mer, une explosion dantesque secoue l’air. Un instant, j’ai cru voir sur une intense lueur jaune, les membrures noires de la Cordelière voler en éclats. Des grappes d’hommes sont projetées en l’air. Dans l’avalanche de feu, d’eau, de bois enflammé, de fer qui retombe autour de moi, je distingue le Regent qui sombre. Le château émerge encore un peu puis, dans un bruit de digestion atroce, il disparaît dans les bouillonnements de la mer. Je suis sauf. Le silence soudain bourdonne dans mon crâne. Des voix appellent à l’aide, étrangement humaines après cette apocalypse. Il n’y a plus que des débris à la surface et quelques hommes éperdus, mutilés, sanglants, ou morts. Les Anglais ont mis des embarcations à l’eau et repêchent les rescapés, bientôt aidés par les pêcheurs de Bertheaume et du Conquet. Nous ne sommes que vingt survivants de Marie la Cordelière et soixante du Regent, pour près de deux mille victimes. Au soir, les Anglais ont quitté les lieux. Ils rentrent, trop éprouvés pour continuer à se battre. Chaque camp chantera victoire en rendant hommage à son adversaire, pour mieux faire valoir son propre héroïsme. Et moi, Jean de Coatmanac’h, sire de Touronce et de Poncelin, j’ai ces souvenirs atroces gravés sur mon visage en d’horribles cicatrices. Un autre survivant, Martin Le Nault du Conquet, le maître d’équipage de la Cordelière, peut lui aussi témoigner de ce que j’ai vu.

*

Les poètes et les historiographes n’ont plus qu’à se mettre à l’ouvrage pour la gloire de Portzmoguer et de la Bretagne. Ils feront pleurer la reine Anne, qui aimait tant son vaisseau, Marie la Cordelière et son vaillant capitaine. Ce 10 août 1512, Hervé de Portzmoguer dit Primauguet ne pouvant vaincre est mort en héros.

 

Jargon de Macron, tics de langage désastre des communiquants

Le jargon de Macron

Le 10/03/2018

Le jargon de Macron

 

Est-ce volontairement, par mimétisme mou ou courtisanerie que les journalistes, les hommes politiques et ceux qui parlent en public en général, imitent le style du Président de la République française ? Quant à l’expression écrite utilisée par les épigones qui utilisent ses tournures et périphrases, malheur à eux quand on les relira dans cinq ans (ce qui est peu probable), ils passeront pour des bêtes qui ne savent pas écrire.

Quand il dit : « Les convictions qui sont les miennes », « L’élan qui est le vôtre », etc. il n’est pas judicieux de le copier. On dira seulement : mes convictions ou votre élan. Certes la version courte a moins de poids mais, est-il nécessaire dans le discours, de mettre autant de lourdeur ? « C’est cela que nous ferons » ou « c’est cela que j’attends de vous » manque de la concision et de l’élégance qui font plus, pour la compréhension et l’efficacité, que les tournures alambiquées qui sentent la sueur des communicants. Enfin les « celles et ceux », « toutes et tous », les « femmes et les hommes de ce pays », l’obligation qu’il se fait, de séparer les citoyennes des citoyens, ne va pas dans le sens de l’égalité des salaires ! Ce serait plutôt un encouragement pour l’écriture inclusive, condamnée comme un péril mortel par l’Académie française et que tous les lèche-cul s’empressent d’adopter. Le discours croquignolesque de la pyramide du Louvres est l’exemple de longueurs et de répétitions, digne des meilleurs orateurs soviétiques et, en même temps, il avait bien le droit de se faire plaisir, il avait gagné après tout.

Tous les Présidents ont aimé utiliser des mots rares, originaux ou incongrus qui resteront attachés à leur nom. De Gaulle avait la « chienlit » et le « quarteron de généraux ». Pompidou cite Paul Eluard à propos du suicide de Gabrielle Russier : « Comprenne qui voudra ! ». Giscard d’Estaing nous quitte avec son « Au revoir » pathétique et ridicule. Le « ni ni » de Mitterrand en 1988, ni de droite ni de gauche, fait florès aujourd’hui. « l’abracadabrantesque » sauve Chirac qui ne trouve pas d’autres arguments pour réfuter le financement occulte du RPR. Puis le « casse toi pauvre con » de Sarkozy qui se passe de commentaires, les « sans dents » de François Hollande et pour finir ceux qui « foutent le bordel » du « plus cultivé que la moyenne », à Egletons.

Ce n’est pas sûr que les « galimatias » et « poudre de perlimpinpin » s’imposeront à l’histoire de France. À la vacuité habituelle du discours politique on voit s’ajouter la vulgarité, il est vrai prise sur le vif par des journalistes de plus en plus importuns. L’outrance dans le discours fait rire, quand le Président singe un prof de lettres dans son discours de Francfort, la traduction instantanée a dû donner du fil à retordre aux interprètes allemands, avec les caveat, totipotent, irrédentisme et autres rhizome du terrorisme. Pour un peu on se sentirait atteint de fièvre obsidionale.          

Enfin notre président, le plus cruel technocrate de la cinquième, utilise le langage de l’entreprise et des managers, comme si les Français (j’aurais dû dire les Françaises et les Français) étaient ses employés (c’est le contraire à mon avis). Il nous faut « faire notre propre introspection pour faire bouger les lignes » car « Le sentiment du progrès établit un horizon psychologique créant cette conviction intime que si on y travaille, la vie sera peut-être meilleure pour soi demain ». « Intervenir avec intelligence », « Le dialogue doit être exigeant », « la réorganisation responsable », nous devons « réinventer le projet »... On se croirait en salle de réunion, quand le patron secoue (remotive) ses troupes… ou prépare un plan de licenciement.

Décidément, la cinquième république nous dote de Présidents peu banals.

De l'usage de

Expression "du coup"

Le 11/02/2018

Du coup

 

      Du coup ça m’énerve. Pas de souci, du coup n’a jamais fait de mal à personne. Maladie très contagieuse mais bénigne, l’emploi de du coup à tout propos n’expose à aucune souffrance particulière, pas d’éruption de boutons, pas de sécheresse buccale ou autre, pas d’ecchymoses visibles, juste un petit pincement au cœur quand votre interlocuteur répète insidieusement du coup, pour vous faire honte de votre inculture ou de votre langage populacier.

    Donc du coup, évitez cette expression. Ce n’est pas difficile, les équivalents sont nombreux : donc, par conséquent, finalement, par suite, de ce fait, dans ces conditions, en fin de compte, etc. Exemple : au marché devant le marchand de légume.

– Vous n’avez plus de carottes ?

– Non Madame.

– Vos navets sont bons ?

– Tout frais déterrés ils sont.

Du coup je vais prendre des artichauts…

     On peut s’offusquer de remplacer les navets par des artichauts, ou que les navets soient déterrés ce qui fait un peu macabre, mais du coup en l’occurrence, aurait pu être remplacé (si vous portez un manteau de fourrure, un chapeau à plume élégant et des gants) par finalement ou toutefois.

     Alors, du coup, si on veut employer quand même cette expression (pour être dans le coup comme on disait autrefois – T’es plus dans l’coup, papa, t’es plus dans l’coup…) quand faut-il l’utiliser ?

     Au sens propre : « Frappé au visage, du coup il s’effondra ». Ce n’est pas très élégant mais c’est pertinent (à utiliser avec modération, je parle des coups au visage).

      Au sens d’une cause agissant brusquement : « l’usine explosa, du coup la ville prit feu. » Du coup peut prendre le sens d’aussitôt.

      Chaque époque a ses tics de langage qui énervent les vieux. Ceux-ci préfèrent leurs tics à eux. On disait pas de problème (ou pas de pébé ou encore, pas de pé), on dit maintenant pas de souci évolution freudienne qui transforme un problème à résoudre par le souci désinvolte de le contourner. Je ne parlerai pas des insultes nouvelles qui enrichissent chaque jour notre belle langue de termes parfois déguisés en verlan. J’ai la nostalgie du javanais de mon enfance, ou du louchébem (argot des bouchers parisiens) de tonton René. Les mots ont un goût dans la bouche, saveur de l’insulte ou du gros mot qui explose sur le palais, suavité du compliment, complexité de la phrase tournicotée, douceur des paroles d’amour, qui tournent dans la bouche comme une langue étrangère…

     Je conclurai sagement par le Abusus non tollit usum, l’abus n’exclut pas l’usage, maxime de l’ancien droit. L’abus que l’on peut faire d’une chose ne doit pas forcer nécessairement de s’en abstenir (voir les pages roses).